DONS, PROTECTIONS, PRODUCTION
FAIRE FRONT AU COVID-19
Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL
En ces temps de crise sanitaire, l’heure est à la mobilisation générale. Tout en poursuivant leurs activités, les laboratoires pharmaceutiques vétérinaires multiplient les actions pour contribuer à l’effort national de lutte contre le Covid-19.
Face à la crise du Covid-19, le réfl exe de l’industrie de la santé animale a été de prendre les mesures nécessaires pour assurer la continuité d’accès aux médicaments et aux diagnostics vétérinaires tout en préservant la santé de ses collaborateurs. Son maître mot : l’adaptation. Dès le début du confinement, le télétravail a été mis en place pour les postes qui le permettent. « Nos laboratoires ont rapidement modifié leur organisation pour apporter la protection nécessaire à leurs employés (plannings, équipements, mesures barrières) afin qu’ils puissent travailler en toute sécurité », indique le Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV) 1. Leurs collaborateurs ont été à l’initiative de gestes de solidarité envers les soignants mobilisés pour faire front face à la maladie. « Le personnel de production qu’il reste de disponible est très volontaire et soudé, et a accepté de réorganiser les équipes, de ne pas prendre de congés et de travailler les samedis », précise Damien Schreuer, directeur général d’Inovet. En parallèle de cette mobilisation, les laboratoires pharmaceutiques vétérinaires ont spontanément apporté leur pierre dans la lutte contre le Covid-19 en mettant à la disposition des soignants du matériel de protection. Une façon pour eux de rappeler que la santé animale et la santé humaine sont intrinsèquement liées.
Dès le début du confinement, les laboratoires ont pris des mesures pour préserver la santé de leurs collaborateurs. « Nous agissons pour protéger nos salariés tout en assurant la continuité de nos activités et pour soutenir également l’industrie pharmaceutique et l’économie en général », indique Matthieu Frechin, directeur général de Vetoquinol. Le laboratoire a diffusé des informations sur les gestes barrières et des rappels sont présents sur l’ensemble de ses sites. Comme d’autres entreprises, Bayer France a opté pour le travail à distance lorsque c’était possible, tout en maintenant les activités essentielles, sans avoir recours au chômage partiel. Dès le 16 mars, Dechra a suivi cette voie pour son équipe de terrain et ses délégués vétérinaires. « Nous avons fait le choix de garder nos collaborateurs à leurs postes et de ne pas recourir aux aides gouvernementales pour qu’elles soient attribuées à ceux qui en ont le plus besoin », explique aussi David Lussot, directeur engagement client et développement chez MSD Santé animale. Chez Virbac, certains sites fonctionnent à un rythme ralenti. « Après un arrêt temporaire de notre site de Carros (Alpes-Maritimes), la dernière semaine de mars, nous avons partiellement redémarré les productions - notre taux d’activité actuel est d’environ 50 % -, avec des contraintes additionnelles, des effectifs réduits et des cadences plus lentes. » À Lyon, Boehringer Ingelheim a interdit les déplacements professionnels, reporté des événements et mobilisé des services de santé au travail. « Le groupe a décidé de ne solliciter aucune aide de l’État, aucune mesure de chômage partiel pour ne pas peser sur les dépenses publiques et laisser les entreprises qui en ont le plus besoin s’appuyer sur les aides », indique Boehringer Ingelheim. De son côté, Ceva s’appuie sur l’expérience de ses deux usines de vaccins en Chine pour continuer à produire tout en assurant la sécurité de ses employés et de ses clients. Pour soutenir ses salariés impactés par la crise, le laboratoire libournais a également créé un fonds de solidarité mondial, alimenté par ses dirigeants qui verseront jusqu’à 30 % de leur salaire jusqu’à la fin mai, et au-delà si le confinement était prolongé. Le groupe a également mis en place une enquête interne bimensuelle afin de connaître la santé physique et psychologique de ses collaborateurs.
Pendant cette période exceptionnelle, la plupart des laboratoires ont misé sur le digital pour maintenir le lien avec les vétérinaires. Pour les praticiens connectés, des sessions d’e-learning, des webconférences comme des “webinaires” sont accessibles. Par exemple, Axience a organisé le 25 mars une webconférence consacrée à la gestion du risque coronavirus en clinique vétérinaire. La vidéo, disponible en replay, contient des conseils pratiques sur l’hygiène des mains, l’efficacité des produits désinfectants ou encore la désinfection du matériel. Pour Dechra, la priorité est de maintenir le contact avec les vétérinaires par des appels téléphoniques et des e-mails pour les assurer du soutien de la société et de la disponibilité du support technique. Tous les e-learning et “webinaires” organisés par le laboratoire MSD sont aussi en libre accès, dont le programme de son econgrès 2019. « Début avril, nous avons signé un partenariat avec Linkyvet afin de participer au déploiement de ses solutions de télémédecine, qui peuvent s’avérer précieuses en cette période de confinement et lors de la reprise d’activité à venir », indique David Lussot. Autre décision importante pour les vétérinaires : MSD Santé animale et Dechra ont accéléré le versement des remises sur les achats de 2019 pour les aider à gérer leur trésorerie. En outre, les laboratoires partagent sur leurs réseaux sociaux des affiches résumant les mesures barrières, destinées aux cliniques. Ils sensibilisent aussi les propriétaires d’animaux de compagnie pendant cette période de confinement. TVM leur indique comment désinfecter les pattes de leur animal après une balade. Virbac leur délivre des conseils sur la gestion du stress de l’animal pendant le confinement.
« Face à la crise sanitaire, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Notre mobilisation s’est faite de façon naturelle », explique Marc Henninger, responsable des relations publiques France chez Elanco, qui a fait don de moyens de protection pour soutenir les soignants et aider les « plus fragiles » à travers les actions de sa fondation. De son côté, MSD a spontanément adressé des médicaments et des équipements de protection à des services de réanimation. Après l’autorisation de la prescription d’anesthésiques vétérinaires en santé humaine, dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, Axience a fourni gratuitement 18 500 flacons de Proposure à des hôpitaux. Zoetis s’apprête aussi à livrer des anesthésiques à des hôpitaux qui en ont besoin. « Nous saluons le travail exceptionnel mené par le personnel hospitalier et tous les soignants qui luttent au quotidien contre l’épidémie », explique Benoît Rabilloud, président de Bayer France. Le laboratoire a fait don de 1 million d’euros à l’alliance entre la Fondation de France, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et l’Institut Pasteur, « unis contre le virus » pour financer des projets tels qu’un soutien psychologique aux professionnels de la santé, ainsi qu’aux patients et aux familles. Globalement les laboratoires ont multiplié les dons de matériels de protections. « Nous avons offert des blouses jetables, utilisées dans les élevages, à des hôpitaux, à des centres Covid et à des Ehpad2 », indique Vanessa Dablin, directrice réglementation et affaires publiques de Zoetis France. Chez Ceva, ce sont également des dons d’équipements de protection individuelle (masques, blouses, etc.) qui ont été faits aux hôpitaux et aux personnels soignants à proximité de ses usines locales. MSD Santé animale a offert des moyens de protection et des gels hydroalcooliques à des pharmacies, à des soignants, à des Ehpad, à des agences régionales de santé et des centres Covid situés notamment en Île-de-France et en Normandie. « Notre site de production basé en Normandie produit par semaine 200 l de gels hydroalcooliques supplémentaires disponibles à la solidarité », rapporte David Lussot.
2. Établissement d’hébergement pour personnes agées dépendantes.
Les laboratoires invitent leurs salariés à intégrer la réserve sanitaire. « Le groupe a ouvert l’accès à la réserve sanitaire pour nos collaborateurs médecins, pharmaciens et vétérinaires, détaille David Lussot (MSD). Une cinquantaine de bénévoles y sont inscrits. Ils peuvent passer jusqu’à trois jours par semaine en travail volontaire bénévole. Ils sont payés et couverts par l’entreprise. » Ceux qui le souhaitent peuvent aussi rejoindre la réserve civique dans les mêmes conditions. Chez Elanco, certains des collaborateurs ont spontanément rejoint la réserve sanitaire. Cette possibilité est également ouverte au sein de Boehringer Ingelheim. « Nous encourageons nos collaborateurs médecins, pharmaciens ou vétérinaires à rejoindre la réserve sanitaire, sur la base du volontariat et dans les régions où le besoin de renfort est le plus fort. Chaque collaborateur pourra également bénéficier de 10 jours de congés payés pour s’engager auprès d’organisations agréées qui luttent contre le Covid-19. »
Face à l’épidémie, des laboratoires se mettent en quête d’une réponse thérapeutique pour ralentir ou stopper l’épidémie. Ainsi, MSD Santé animale a activé ses sites de recherche pour travailler sur des solutions thérapeutiques et vaccinales, notamment via la plateforme qui a permis de créer le vaccin contre Ebola. Boehringer Ingelheim mobilise également ses ressources. Les deux laboratoires ont rejoint un consortium de recherche mis en place par la Fondation Bill-et-Melinda-Gates pour accélérer le développement de traitements et de diagnostics du virus Sars-CoV-2. En France, ils ont adressé des dons à l’Institut Pasteur pour la recherche d’un vaccin contre la maladie. De son côté, Bayer France soutient une étude française qui mutualise différentes expertises médicales de l’hôpital européen Georges-Pompidou afin d’évaluer l’efficacité d’une association inédite de molécules pour le traitement de patients atteints du Covid-19. Enfin, Ceva milite pour une application du concept One Health (“une seule santé”) en mettant à disposition ses experts afin de partager leurs connaissances pour trouver des solutions thérapeutiques. À noter aussi que le centre de recherche et développement de Bayer à Sophia Antipolis met son expertise au service du CNRS1 pour valider une nouvelle méthode plus rapide de test de dépistage.
Les fabricants de diagnostic vétérinaires ont également proposé2 leur capacité de développement et de production de tests validés pour l’homme.
1. Centre national de la recherche scientifique.
Dans la région lyonnaise, Bayer a donné à des établissements de santé plus de 12 000 masques, des produits dermatologiques et des repas. À Toulouse (Haute-Garonne) et à Lyon (Rhône), Boehringer Ingelheim a lancé la production de gel hydroalcoolique pour ses collaborateurs, mais aussi pour une « diffusion externe solidaire ». Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’entreprise a mis à la disposition d’établissements de santé ses imprimantes 3D pour fabriquer des petits matériels, y compris des éléments entrant dans la composition des masques. En Île-de-France et à Reims (Marne), elle a financé 400 repas pour les soignants hospitaliers, fait don d’un stock de 400 blouses à Toulouse, de tablettes iPad pour le service de pneumologie de l’hôpital d’Abbeville (Somme). De son côté, Ceva a modifié les lignes de production de son site de Loudéac (Côtes-d’Armor) pour produire du gel hydroalcoolique destiné à des entreprises de production alimentaire. Son site de Louverné (Mayenne) a distribué des masques chirurgicaux et des solutions hydroalcooliques aux pompiers de la Mayenne. En solidarité avec le monde médical, les équipes de l’usine de Huningue d’Elanco (Haut-Rhin) ont fabriqué des masques. « Nous avons très vite fait une communication interne pour alerter sur les besoins des établissements de santé locaux en moyens de protection et partager les premières initiatives individuelles. Notre usine d’Huningue et nos collaborateurs confinés aux quatre coins de la France ont rapidement mis à disposition leurs stocks de masques, de blouses et de gants. Certains collaborateurs ont adressé par voie postale des masques à des hôpitaux. D’autres ont récolté du matériel de protection, utile aux soignants en cette période, auprès de professionnels de leur commune. Ainsi, des blouses jetables ont été récupérées chez un restaurateur, des masques chez un garagiste », confie Marc Henninger, responsable des relations publiques France chez Elanco. Au total, l’entreprise a fait don aux Ehpad1 de Saint-Louis (Haut-Rhin) d’environ 500 surchaussures, 1 000 surblouses, 250 masques, 2 100 paires de gants, 50 paires de lunettes, de 3 combinaisons de type Tyvek, de balisage (500 m de rubalise) et de 11 panneaux d’affichage “passage interdit” pour le cheminement des malades. À Lure (Haute-Saône), Vetoquinol a offert plusieurs milliers de masques, des surblouses et des solutions hydroalcooliques à des hôpitaux et à des associations de la région.
1. Établissement d’hébergement pour personnes agées dépendantes.
Du côté des centrales d’achat vétérinaires, des mesures de sécurité ont été prises pour protéger la santé de leurs collaborateurs. Elles ont aussi tenu à apporter leur soutien au monde médical, notamment en mettant à disposition leurs respirateurs et leurs concentrateurs à oxygène. Alcyon a fourni des pièces de rechange et des consommables pour des appareils d’oxygénation. Dès le début du confinement, Coveto a répondu aux appels aux dons du CHU de Nantes et des CH de Vendée. La quasi-totalité de son stock de casaques étanches à manches longues (casaques de vêlage) et de gants de fouille a été épuisée.