ONCOVET : UNE GESTION AU CAS PAR CAS - La Semaine Vétérinaire n° 1851 du 24/04/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1851 du 24/04/2020

STRATÉGIE DE CRISE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : TANIT HALFON

Dans cette période “hors norme”, le centre spécialisé en oncologie doit trouver le bon compromis pour gérer au mieux les animaux malades.

Avec la crise du Covid-19, la cancérologie vétérinaire est aussi obligée de s’adapter. Jérôme Benoit, vétérinaire en exercice exclusif en radio-oncologie1, exerce dans le service de cancérologie à la clinique vétérinaire Oncovet à Villeneuve-d’Ascq (Nord). Il précise les dispositions adoptées au sein de sa structure.

Comment avez-vous adapté l’organisation du service de cancérologie ?

Jérôme Benoit : Pour les nouvelles consultations, nous raisonnons au cas par cas. Toutes les demandes de rendez-vous sont validées par un vétérinaire. Par exemple, les animaux présentant des tumeurs évolutives et de haut grade ne peuvent pas attendre. Au contraire, nous décalons les rendez-vous pour les tumeurs plus indolentes et de bas grade pour lesquelles retarder une visite ne nuit pas au pronostic vital de l’animal, ainsi que les consultations de suivi simple si l’animal est en bonne santé sans signe de récidive. Pour ces animaux, si un examen d’imagerie médical était prévu, nous avons estimé qu’il était possible de les repousser d’un mois à un mois et demi sans prendre trop de risque. Pour les animaux qui suivent une chimiothérapie à la maison, nous pouvons être amenés à espacer les contrôles pour le renouvellement du traitement si l’animal va bien. Du fait de notre réduction partielle d’effectifs, nous essayons aussi de regrouper les rendez-vous. Nous avons par ailleurs mis en place la visioconférence que nous organisons uniquement pour les animaux ayant déjà fait l’objet d’un diagnostic, afin de discuter des options possibles et du pronostic, mais aussi pour certains suivis simples.

En parallèle, nous appliquons des mesures générales de protection : un seul propriétaire accompagnant par animal, admissions et sorties sur le parking pour les visites de traitements, les “effets personnels” des animaux hospitalisés ne sont pas acceptés, les visites en hospitalisation sont interdites. Nous disposons toujours de masques FFP2 pour la chimiothérapie, mais l’état de notre stock nous impose de les utiliser plusieurs fois, d’autant que nous en avions donné une partie au personnel soignant. Nous possédons aussi un petit stock de masques chirurgicaux pour les interventions chirurgicales. Pour le reste, nous utilisons des masques en tissu “fait maison”.

Avez-vous modifié certains des protocoles thérapeutiques, en particulier si le propriétaire est Covid positif, ou pour les chats qui ont montré une sensibilité accrue au virus ?

Je sais que des discussions à ce sujet sont en cours dans certains pays, et des protocoles très simplifiés - chimiothérapie orale à la maison en remplacement d’une chimiothérapie cytotoxique - sont mis en place dans des structures universitaires car ces hôpitaux ont dû fermer avec la crise. Mais pour l’instant, nous n’avons pas modifié spécifiquement nos protocoles. En revanche, des adaptations sont possibles pour des questions logistiques. Comme nous drainons des clients d’une zone géographique très étendue, certains d’entre eux peuvent avoir des difficultés à se déplacer. La conséquence est qu’ils peuvent choisir un protocole avec un nombre réduit de séances de radiothérapie ou privilégier une chimiothérapie orale à domicile. Ces discussions pour trouver le compromis le plus raisonnable possible pour l’animal, sont exacerbées avec la crise.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

Plus que dans d’autres disciplines, en oncologie, nous avons le sentiment que les propriétaires insistent davantage pour traiter rapidement, sans tenir compte du contexte de crise. C’est difficile de leur expliquer qu’on limite l’accès à la clinique, et qu’on ne les recevra pas tout de suite. Une petite proportion ne l’accepte pas du tout, et certains nous ont menacés. La grande majorité d’entre eux reste tout de même très compréhensive. Au final, ce qui est difficile pour tout le monde est le manque de visibilité. Pour certains clients, nous avons déjà reporté par deux fois leur rendez-vous : ce n’était pas une urgence, mais il n’est pas exclu que ça le devienne et nous restons très attentifs.

1. European Specialist in Veterinary Diagnostic Imaging and Radiation Oncology, EBVS.