REPORT DES LOYERS : DES CLÉS POUR VOUS Y AIDER - La Semaine Vétérinaire n° 1851 du 24/04/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1851 du 24/04/2020

FINANCES

ENTREPRISE

Auteur(s) : JACQUES NADEL

La demande de report du paiement des loyers n’est pas gagnée. Pour en bénéficier, cela risque d’être compliqué si le bailleur ne fait pas preuve de solidarité et de bienveillance à votre égard. Néanmoins, des solutions existent.

À compter du 26 mars 2020 et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, les dirigeants impactés par la crise peuvent demander à leur bailleur (institutionnel ou privé) de bénéficier du report ou de la suspension du loyer, ainsi que des charges liées au bail. À la reprise de l’activité, ils feront l’objet de différés de paiement ou d’étalements sans pénalité ni intérêt de retard adaptés à la situation des entreprises.

Pour profiter du report des loyers, les cliniques vétérinaires doivent pouvoir postuler au fonds de solidarité dont les conditions d’éligibilité sont très restrictives (chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros, bénéfice annuel imposable inférieur à 60 000 €, perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % au mois de mars 2020 par rapport à mars 2019, effectif de moins de 10 salariés), ces critères étant cumulatifs. Pour les rares cliniques éligibles au fonds de solidarité, la demande de report des loyers doit être faite au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), accompagnée des documents justifiant l’application de ce dispositif.

Que faire si l’on n’est pas expressément visé par ces mesures ? Pour rappel, en cas de non-paiement des loyers, le locataire se verra appliquer la clause résolutoire et, par conséquent, la résiliation du bail.

→ 1re solution : il est possible d’invoquer la force majeure (art. 1218 du Code civil). « Le cas de force majeur est peu reconnu, car il y a trois conditions qui sont difficiles à remplir, explique Élise Gadrey, de la direction technique juridique de Fiducial. La condition d’extériorité (l’épidémie échappe au contrôle du locataire), la condition d’imprévisibilité (le bail a été conclu avant l’apparition de l’épidémie) et la condition d’irrésistibilité (l’exécution du bail est rendue impossible). »

Pour une clinique vétérinaire qui a fermé mais qui n’y est en principe pas tenue, la condition d’irrésistibilité sera difficilement démontrable et l’éventuel contentieux plus difficile à gagner. Cependant, une première décision rendue en matière de droit des étrangers vient de qualifier un risque de contagion par le Covid-19 de circonstance exceptionnelle et insurmontable revêtant le caractère de la force majeure (Colmar, 6e ch., 12 mars 2020, n° 20/01098.)

Dans cette situation inédite liée au coronavirus, l’empêchement est donc temporaire puisque l’activité pourra reprendre dès la fin de l’épidémie. « En tout état de cause, il convient de vérifier les stipulations du bail en la matière qui peuvent encadrer, limiter ou empêcher son application », conseille Élise Gadrey.

→ 2e solution : les principales associations et fédérations représentatives des bailleurs ont signé un accord avec l’État concernant la suspension des loyers et des charges des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) à partir du 1er avril et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. La décision de suivre ou non cet accord ou d’aller plus loin reste à la discrétion de chacun des bailleurs. La demande au bailleur de suspension du paiement des loyers doit être faite par courrier LRAR.

→ 3e solution : demander une révision du loyer à la baisse sur le fondement de la théorie de l’imprévision (art. 1195 du Code civil). « Contrairement à la force majeure, l’imprévision permet de demander la renégociation du contrat à condition qu’un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat ne rende l’exécution de celui-ci particulièrement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, précise Élise Gadrey. Cette demande n’entraîne pour le cocontractant aucune obligation de renégocier. »

Pour un contrat conclu ou renouvelé à compter du 1er octobre 2016, sa renégociation par avenant peut s’appuyer sur la théorie de l’imprévision, si celle-ci n’a pas été écartée ou limitée par une clause du bail. Pour un accord antérieur au 1er octobre 2016, une clause autorisant la renégociation pour imprévision doit être expressément prévue au contrat (clause de “hardship”). Cette demande de renégociation fondée sur l’imprévision n’a pas d’effet suspensif du bail ; il est impératif de demander, avec l’aide d’un avocat, la suspension du paiement et des effets de la clause résolutoire pendant la période de négociation.