AIDES PUBLIQUES
ENTREPRISE
Auteur(s) : JACQUES NADEL
La crise sanitaire mondiale liée au coronavirus et le confinement qui en est la conséquence évoluent chaque jour avec une incertitude sur sa durée, son ampleur et ses effets sur les entreprises. Du côté des vétérinaires, on commence à y voir un peu plus clair sur les dispositifs d’aides publiques ouverts à ces professionnels libéraux.
Entre les annonces des mesures et leur application sur le terrain, le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) veille au grain. Et ne lâche pas prise sur des demandes spécifiques. Prêts garantis par l’État, report des échéances sociales et fiscales, report de 6 mois des échéances d’emprunt, accès aux nouvelles modalités de l’activité partielle pour leurs salariés, report du paiement des factures d’eau, de gaz et d’électricité… La boîte à outils pour construire un rempart contre une infection à Covid-19 de l’économie des entreprises vétérinaire est déjà pleine. En revanche, il est peu probable qu’elles bénéficient du fonds de solidarité. « Notre profession se situe à la limite de la cible et des critères d’éligibilité : moins de 1 million d’euros de chiffre d’affaires, moins de 60 000 € de revenu annuel imposable, remarque Laurent Perrin, président du SNVEL. Et de rappeler que le revenu moyen d’un vétérinaire est d’environ 70 000 €. « Au mieux, si on tient compte du revenu par tête et non de l’entreprise, seule une petite moitié des praticiens serait en mesure de postuler ce fonds », estime-t-il.
Quant au report des loyers professionnels ou commerciaux, son bénéfice de plein droit n’est pas forcément acquis et, dans certains cas, le vétérinaire devra batailler pour l’obtenir d’un bailleur pas toujours bienveillant. Le SNVEL a reçu des garanties quant à l’application du dispositif de chômage partiel aux entreprises vétérinaires. « Nous sommes en porte-à-faux sur les mesures de soutien, car l’État n’a pas fermé nos cliniques mais nous a demandé de réduire notre activité, explique Laurent Perrin. Les demandes vont être examinées par la Direccte1. Jusque-là, elles semblent avoir été étudiées avec bienveillance et nombre d’entre elles ont été acceptées, mais si les confrères rencontraient des difficultés d’obtention de l’aide, le ministère de l’Agriculture s’est engagé à passer par les directions régionales (Draaf2) et départementales (DDPP3) pour défendre leurs dossiers devant cet interlocuteur. »
Impossible à ce stade d’affirmer que toutes les demandes de soutien seront acceptées. Celles de cabinets ou de cliniques vétérinaires dont l’activité, sans être interrompue, a été fortement dégradée par la crise… sans aucun doute ! Pour les autres, « nous restons vigilants à ce que les demandes ne soient pas uniquement étudiées en fonction des indicateurs économiques », déclare Laurent Perrin. En effet, « les chiffres d’affaires des structures rurales ou mixtes ne sont pas forcément en baisse, car il n’y a pas d’interventions de convenance et donc il y a peu de reports d’activité ». En revanche, « les structures exclusivement canines sont fortement impactées par le confinement, précise-t-il. Pour autant, dans toutes les structures, l’organisation est différente de d’habitude : la mise en sécurité des personnels en l’absence d’équipements adéquats de protection et l’impossibilité fréquente de mettre en place les mesures de distanciation font que ce sont souvent les personnels libéraux qui assurent toutes les fonctions des entreprises, sans pour autant maintenir la totalité du chiffre, et au prix d’un travail considérable qu’ils ne réalisent pas d’habitude (accueil, téléphone, gardes augmentées, etc.) pour assurer la continuité de leurs missions… La mise au chômage partiel n’est pas pour eux l’occasion de s’enrichir ! »
Une nouvelle aide est acquise pour les vétérinaires. Le ministre des Solidarités et de la Santé a accédé au souhait de l’Union nationale des professions libérales (Unapl) de verser des indemnités journalières (IJ de 112 € par jour) à tous les professionnels libéraux qui se trouvent dans l’impossibilité de poursuivre leur activité comme les autres indépendants. « L’Assurance maladie prendra en charge de manière dérogatoire les indemnités journalières des vétérinaires qui doivent garder leurs enfants à leur domicile ou qui sont définis comme vulnérables au regard de l’épidémie, la liste des personnes à risque de développer une forme grave d’infection à Covid-19 étant établie par le Haut Comité de santé publique », précise Yves Decalf, président de la commission prévoyance et retraite de l’Unapl.
Cette mesure est applicable pour les arrêts de travail à compter du 12 mars 2020 et le versement de ces indemnités s’applique au premier jour de l’arrêt de l’activité.
« À l’inverse des professionnels de santé libéraux, les vétérinaires n’ont pas droit à ces indemnités en cas de diagnostic d’infection à Covid-19 posé cliniquement ou biologiquement, ou de confinement à domicile après contact », ajoute-t-il.
Un dossier, encore non réglé, concerne le cas particulier des indemnités perçues par les salariés placés en arrêt de travail en raison de la garde d’un enfant à domicile. « Ils sont considérés comme des salariés en arrêt maladie par l’Assurance maladie, mais cette analyse n’est pas partagée par certains organismes de prévoyance, fulmine Laurent Perrin. Malgré la souscription d’un contrat de prévoyance « arrêt de travail », ils refusent le versement de la part complémentaire aux indemnités accordées par la Sécurité sociale. Il y aurait donc un reste à charge pour nos entreprises. Nous demandons que les organismes de prévoyance tiennent leurs engagements tels que mentionnés dans les contrats qui ont été signés. »
Autre point d’inquiétude : Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, veut interdire le versement de dividendes au sein des sociétés ayant recours au chômage partiel ou bénéficiant d’un soutien financier public. Ainsi, les associés d’une société d’exercice libéral (SEL) de vétérinaires qui ont fait le choix de prendre plus de dividendes que de rémunération dans le but d’alléger le poids de leurs charges des travailleurs non salariés (TNS), seraient lésés. De même, dans les montages financiers entre société de participation financière de professions libérales SPFPL et SEL, si les dividendes ne peuvent plus remonter jusqu’à la holding, celle-ci sera dans l’incapacité de rembourser son emprunt. Questionné sur ces deux sujets, Bercy a répondu qu’à ce stade du projet l’interdiction de verser des dividendes ne concernerait que les plus grandes entreprises (ou groupes de sociétés), c’est-à-dire celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros ou qui ont plus de 5 000 salariés. Par ailleurs, seules seraient visées les entreprises faisant une demande d’aide (report des charges sociales, des impôts directs ou garantie des prêts par la Banque publique d’investissement) à compter d’avril. Les aides demandées en mars ne seraient pas prises en compte. L’interdiction de verser des dividendes ne viserait donc pas les vétérinaires.
D’autres mesures de soutien ne doivent rien à l’État. Après le report des échéances de cotisation retraite des mois d’avril et de mai 2020, la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires (CARPV) a déjà réfléchi à des mesures complémentaires destinées à ménager la trésorerie des entreprises vétérinaires, si la situation de crise devait perdurer au-delà du confinement.
« Les échéances d’avril et de mai seront étalées sur celles de juin à décembre, mais les appels de cotisations pourront être encore facilités au cas par cas, jusqu’à ce que le vétérinaire soit en capacité de payer », annonce Gilles Désert, président de la CARPV. Il n’écarte pas non plus l’idée d’appeler, à titre exceptionnel, les cotisations sur 12 mois (deux échéances supplémentaires en janvier et en février prochains), afin de mieux lisser cette charge.
1. Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi
2. Directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt.
3. Direction départementale de la protection des populations.