CORONAVIRUS RESPIRATOIRES BOVINS : ÉTUDE DES EFFETS DE L’IMMUNITÉ - La Semaine Vétérinaire n° 1853 du 08/05/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1853 du 08/05/2020

RECHERCHE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

Les coronavirus bovins (bovine coronavirus, BCV) conduisent à des infections respiratoires chez les bovins de tous âges, cependant, l’effet de l’immunité au BCV chez les veaux de boucherie avant le sevrage n’avait pas été évalué. C’est pourquoi une équipe de chercheurs a mené la première étude longitudinale prospective portant sur la relation entre les taux d’anticorps anti-BCV et les infections à BCV (excrétion), ainsi qu’avec les maladies respiratoires (bovine respiratory disease, BRD) 1 dans trois troupeaux de veaux de boucherie dans lesquels la maladie était endémique. Des échantillons de sang ont été collectés pour la mesure des titres en anticorps sériques anti-BCV et des écouvillons nasaux ont été réalisés pour la détection du BCV et d’autres pathogènes viraux et bactériens courants responsables de BRD sur tous les veaux jusqu’au sevrage. Les veaux ont été échantillonnés pour réaliser des tests de diagnostic. Deux épisodes de maladies respiratoires avant le sevrage ont conduit, dans un des troupeaux de l’étude, au traitement de masse des deux tiers des veaux pour BRD.

Des différences de souches peu impactantes

Dans un premier temps, les chercheurs ne sont pas parvenus à comprendre pourquoi certains animaux présentent des signes de maladie respiratoire, tandis que d’autres restent infectés de façon subclinique. Par conséquent, afin de déterminer s’il y avait des différences entre les différentes souches de BCV qui ont circulé dans les trois troupeaux, un fragment de 1102 nucléotides du gène codant pour la glycoprotéine de surface responsable de la fi xation du virus à la cellule hôte a été analysé. Cette région du gène a été choisie car elle est variable et a été associée à une antigénicité ou à une pathogénicité altérée chez d’autres espèces2. D’après les résultats obtenus il semblerait que les différences dans les souches de BCV circulant observées dans les trois troupeaux soient peu susceptibles d’expliquer les différences majeures dans les taux de traitement constatés dans cette étude.

Des infections respiratoires associées

Afin d’identifi er les facteurs de risque supplémentaires pour le développement de BRD chez les veaux, la nature, ainsi que la prévalence des différents pathogènes bactériens opportunistes présents dans les voies respiratoires supérieures des bovins malades et apparemment en bonne santé ont été évaluées. Les résultats des tests de diagnostic moléculaire ont révélé la présence de BCV et d’Histophilus somni dans des écouvillons nasaux prélevés quand les animaux ont été traités. Il semblerait donc que l’infection virale respiratoire augmente le risque de surinfection bactérienne3 chez les veaux. La technique de PCR quantitative (qPCR) a permis de constater la présence de H. somni en abondance dans les voies respiratoires supérieures des bovins malades, mais pas chez les bovins cliniquement normaux du même troupeau recueillis 2 à 3 semaines après l’épidémie. De plus, H. somni n’a pas été détecté chez les veaux qui avaient été vaccinés avant l’apparition de la maladie dans le troupeau. Même si d’autres agents pathogènes bactériens étaient peut-être aussi présents et qu’ils n’ont pas été observés, la détection du BCV et de H. somni au moment de l’apparition de la maladie suggère toutefois que ces deux agents pathogènes ont contribué à la pathogenèse de la maladie.

Un rôle de l’immunité à définir

En ce qui concerne les analyses sérologiques, lorsque les niveaux d’immunité acquise passivement ou activement au BCV ont été mesurés, les chercheurs n’ont pas constaté de corrélation avec l’incidence des maladies respiratoires ayant eu lieu dans le troupeau. À cet égard, les résultats de cette étude corroborent ceux obtenus dans des études antérieures chez de jeunes veaux laitiers4. En effet, dans ces dernières, il avait été montré que les veaux peuvent transmettre le virus, parfois à plusieurs reprises, malgré des titres d’anticorps anti-BCV relativement élevés. De plus, aucune corrélation statistiquement signifi cative n’avait été observée entre les titres d’immunoglobulines G (IgG) anti-BCV maternel et la maladie clinique ou l’infection par le BCV5. Dans l’étude présentée ici, les chercheurs ont également constaté que la présence d’IgG anti-BCV n’était pas corrélée avec le développement ou non de maladies respiratoires. D’ailleurs, 18 % des veaux du troupeau auxquels un traitement de masse avait été administré se sont avérés excréter le BCV à deux reprises ou plus. Ce résultat conforte la théorie selon laquelle un même animal peut présenter des épisodes d’excrétion virale persistants ou récurrents avec ou sans signes de maladie (porteurs intermittents ou persistants du BCV). Par ailleurs, l’infection par le BCV (mesurée par l’excrétion virale) n’a, de la même manière, pas été non plus associée aux niveaux d’anticorps anti-BCV. Cependant, dans cette étude, il existe un biais dû au faible nombre d’échantillons collectés.

Une détection à développer

Le manque de détection du BCV dans les écouvillons nasaux au moment de la collecte de routine a pu aussi conduire à des faux négatifs pour une infection par le BCV, ce qui a pu masquer l’effet des anticorps sur l’excrétion virale. Par conséquent, d’autres études dans lesquelles l’échantillonnage serait plus important sont nécessaires pour mieux déterminer l’association entre les titres d’anticorps anti-BCV et l’infection par le BCV.

Les données collectées dans cette étude, notamment la connaissance des facteurs de risque associés aux BRD avant le sevrage, peuvent être toutefois utiles aux vétérinaires, chercheurs et éleveurs pour guider les stratégies de prévention et de contrôle, afi n de réduire l’incidence des BRD, les problèmes de santé animale et les pertes de production associées. Toutefois, le rôle des anticorps dans la protection doit encore être défini.

1. Workman A. M., Kuehn L. A., McDaneld T. G. et coll. Longitudinal study of humoral immunity to bovine coronavirus, virus shedding, and treatment for bovine respiratory disease in pre-weaned beef calves. BMC Vet Res. 2019;15 (1):161.

2. Saif L. J. Bovine respiratory coronavirus. Vet. Clin. North. Am. Food Anim. Pract. 2010;26 (2):349-364.

3. Taylor J. D., Fulton R. W., Lehenbauer T. W. et coll. The epidemiology of bovine respiratory disease: what is the evidence for predisposing factors? The Canadian veterinary journal La revue veterinaire canadienne. 2010;51 (10):1095-102.

4. Saif L. J. Bovine respiratory coronavirus. Vet Clin North Am Food Anim Pract. 2010;26 (2):349-364.

5. Fulton R. W., Step D. L., Wahrmund J. et coll. Confer AW. Bovine coronavirus (BCV) infections in transported commingled beef cattle and sole-source ranch calves. Can J Vet Res. 2011;75 (3):191-9.

QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DES CORONAVIRUS BOVINS

Les coronavirus bovins (BCV) appartiennent à la famille des Coronaviridae, virus à ARN enveloppés sphériques à pléomorphes (1-5). Il s’agit de virus enveloppés, sensibles à la chaleur, aux détergents et aux solvants. À leur surface fi gurent deux protéines responsables de l’attachement du virus aux cellules hôtes : l’hémagglutinine et la protéine S, également impliquées dans la reconnaissance du système immunitaire de l’hôte et dans la production d’anticorps neutralisants. Chez les bovins, ils sont responsables de trois grands syndromes cliniques : les entérites néonatales, la winter dysentery chez l’adulte et des affections respiratoires à la fois chez le jeune veau et chez le jeune adulte. Des mutations ponctuelles affectant le gène S codant pour une protéine d’enveloppe responsable de l’attachement aux cellules de l’hôte seraient responsables du tropisme digestif ou respiratoire. Les différentes études ont montré que la transmission du virus se fait par voie oro-fécale ou respiratoire. La vaccination intranasale à l’aide d’un vaccin vivant modifi é contre les entérites néonatales a montré un effet protecteur vis-à-vis des symptômes respiratoires de la maladie, mais actuellement aucun vaccin ne comporte une valence respiratoire. Comme il existe une très forte homologie génétique entre les coronavirus respiratoire et digestif, les tests développés pour le diagnostic des coronaviroses digestives sont aussi utilisables pour le dépistage du coronavirus respiratoire bovin.

1. https://bit.ly/3bJoiIe.