CONDUITE À TENIR
PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
FORMATION
Auteur(s) : GWÉNAËL OUTTERS
CONFÉRENCIÈRE
JULIE GALLAY-LEPOUTRE, diplomate Acvim, praticienne au centre Olliolis (Ollioules, Var). Article rédigé d’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac à Lyon, en novembre 2019.
La découverte d’une hyperactivité enzymatique hépatique, inattendue pour le clinicien, sans expression clinique, doit-elle être explorée ou traitée par le mépris ? Dans une population asymptomatique, la prévalence de la maladie est faible, donc la valeur prédictive positive l’est aussi et le risque d’obtenir un faux positif est fort. La mise en place d’examens complémentaires dans ce cadre se juge en fonction des risques encourus pour l’animal dans la réalisation de ces examens et du coût induit. Cependant, cette découverte peut également être l’expression d’une anomalie subclinique à un stade précoce qui pourra être traitée, augmentant les chances de guérison. Cette situation est fréquente puisque, dans une étude1 réalisée sur 1 000 chiens asymptomatiques, une augmentation de l’activité des phosphatases alcalines (PAL) a été constatée chez 39 % des animaux et une hausse de celle des alanines aminotransférases (ALAT) chez 17 %. Aussi, le foie possédant une réserve fonctionnelle importante, les fonctions hépatiques sont altérées lorsque les lésions sont étendues et bien souvent les signes cliniques apparaissent à des stades lésionnels irréversibles échappant aux traitements.
Le premier élément à vérifi er face à une hyperactivité enzymatique est l’absence d’erreur analytique. En effet, les ALAT sont susceptibles d’être augmentées (artefact) lors d’hémolyse ou de lipémie : vérifi er l’échantillon après centrifugation. L’élévation doit être signifi cative en fonction de l’intervalle supérieur de référence de l’analyseur. Une élévation est considérée comme légère si elle n’excède pas deux à trois fois la limite supérieure de l’intervalle et marquée au-delà de cinq fois. Chez le chien apparemment sain, les PAL sont généralement davantage augmentées que les ALAT, ce qui n’est pas vrai chez le chat. Une élévation légère à modérée mais persistante mérite une investigation.
Le profil, cholestatique ou cytolytique, est caractérisé en fonction de l’augmentation des marqueurs (tableau 1). Puis l’anamnèse permet d’identifi er des causes à cette hyperactivité enzymatique comme la prise de médicaments ou des maladies extrahépatiques (tableau 2). L’induction enzymatique est caractérisée par une élévation plus marquée des PAL que des ALAT. Dans l’hyperthyroïdie féline, l’élévation des ALAT tend à prédominer. Une hyperactivité enzymatique dans les races prédisposées à des maladies hépatiques doit être plus préoccupante (tableau 3). Les éléments cliniques et commémoratifs (vitalité, perte de poids, troubles digestifs) et les résultats de l’activité enzymatique hépatique sont confrontés aux autres analyses biochimiques (diminution de l’albuminémie, de l’urémie, de la glycémie, augmentation de la bilirubinémie, troubles de la cholestérolémie). Bilirubine, albumine et acides biliaires (mesure à jeun et 2 heures après un repas riche en protéines et modérément riche en matières grasses) sont des marqueurs fonctionnels du foie. En l’absence d’éléments évocateurs d’une maladie hépatique, un traitement hépatoprotecteur (S-adénosyl-L-méthionine, SAMe) et cholérétique (acide ursodésoxycholique) est mis en place. Une réévaluation est réalisée 2 mois plus tard. A contrario, si une maladie hépatique est suspectée, il convient de procéder à de nouveaux examens. Les radiographies peuvent mettre en évidence des modifi cations morphologiques hépatiques ou des effets de masse. L’échographie abdominale apporte certains éléments : hypoéchogénicité lors de fi brose, de lipidose ou d’hépatopathie vacuolaire, hyperéchogénicité lors de congestion ou de processus infl ammatoire, nodules de régénération, obstruction biliaire ou hypertension portale. Dans les affections hépatiques chroniques, les modifi cations échographiques sont peu fréquentes. Le choix entre cytoponction, biopsie échoguidée par laparotomie ou coelioscopie est guidé par l’affection qui est recherchée et la possibilité pour l’animal de subir une intervention chirurgicale. Les études mettent en évidence une mauvaise concordance entre cytoponction et biopsie (30 % chez le chien et 51 % chez le chat). La cytologie est performante pour les hépatopathies vacuolaires au sens large, la lipidose, les surcharges glycogéniques, les tumeurs à cellules rondes (lymphomes, mastocytomes et sarcomes histiocytaires). Dans les phénomènes infl ammatoires chroniques, la performance de la cytologie est décevante et doit laisser la place à la biopsie. Les biopsies échoguidées fournissent des prélèvements souvent petits bien que plus profonds que les biopsies chirurgicales. Sur le foie, l’histologie sera souvent préférée à la cytologie, même si elle n’est pas toujours diagnostique.
1. Comazzi S. et coll. Haematological and biochemical abnormalities in canine blood : frequency and associations in 1 022 samples. J. Small Anim. Pract. 2004;45:343-349.
- Chez le chat vieillissant, une élévation des paramètres hépatiques doit motiver un dosage de l’hormone thyroïdienne T4. Si les résultats sont normaux, il convient de renouveler l’examen 2 à 4 semaines plus tard.
- Le diabète sucré chez le chien induit souvent une lipidose hépatique révélée par un profi l de cholestase. L’insulinothérapie doit être initiée et les paramètres hépatiques réévalués ultérieurement.
- L’activité des enzymes hépatiques est moins sensible et beaucoup plus spécifi que chez le chat : une élévation doit évoquer une altération du système hépatobiliaire.
- Il n’y a pas d’induction enzymatique chez le chat. Une élévation des enzymes hépatiques chez un asthmatique à qui il est administré de la fl uticasone n’est pas anodine et doit pousser à réévaluer les valeurs au bout de 2 à 4 semaines.
- Un chien traité avec du phénobarbital aura un profi l de cholestase. Si l’hyperactivité enzymatique concerne également les ALAT, les cellules hépatiques sont en souffrance et il convient d’évaluer la phénobarbitalémie pour vérifier la toxicité de la molécule. Une échographie abdominale permet de rechercher des signes de dysfonctionnement hépatique secondaire à la toxicité du phénobarbital.
- Dans les races à risque d’hépatite chronique comme le cocker, la fibrose hépatique détruit les cellules hépatiques et leur production enzymatique est donc réduite : l’élévation des ALAT est parfois modérée pour des lésions majeures. Une exploration fonctionnelle du foie est incontournable.