CRISE ÉCONOMIQUE
ENTREPRISE
Auteur(s) : JACQUES NADEL
Faut-il se ruer sur les actions ? Continuer à investir ? Une chute du marché immobilier est-elle à redouter ? Quelles stratégies pour les SCPI ? Autant de questions auxquelles Philippe Richard, gérant d’Opti Patrimoine, apporte, dans un contexte instable et incertain, des ébauches de réponses.
Après plus de 50 jours de confinement, d’écoute des analyses et commentaires sur la crise sanitaire, économique et financière, Philippe Richard ouvre des perspectives à partir de ses convictions et livre ses recommandations pour l’avenir, en revenant sur les performances de celles passées. Analyse par famille d’investissements.
Le montant du livret A, du livret de développement durable (LDD) et du livret d’épargne populaire (LEP) est garanti à 100 % par l’État. Leur rendement est inférieur à l’inflation mais c’est la meilleure garantie.
Compte épargne logement (CEL), plan épargne logement (PEL), plan d’épargne en action (PEA), plan d’épargne retraite (PER), etc., chacun de ces comptes bancaires est, en principe, protégé par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), à hauteur d’un montant maximum de 100 000 € par personne par établissement. Le FGDR indemnise également les investisseurs jusqu’à 70 000 € par personne par établissement pour les titres suivants : actions et obligations (détenues directement ou dans le cadre d’un PEA), actions de sociétés d’investissement à capital variable (Sicav), parts de fonds commun de placement (FCP), plans d’épargne.
Une couverture est aussi assurée pour les fonds déposés en assurancevie : c’est la garantie du Fonds de garantie des assurances de personnes (FGAP) qui indemnise en cas de faillite de l’assureur les épargnants à hauteur de 70 000 € par épargnant. Pour rappel, en assurance-vie, le capital investi en fonds euros est garanti par l’assureur ; les unités de compte (UC) portent un risque de perte de capital.
Pour Philippe Richard, l’or est le contraire d’un placement de bon père de famille car l’évolution des cours est devenue imprévisible : « L’or ne prospère plus automatiquement par temps de crise. Pas de revenus, problèmes de conservation, revente parfois délicate, il ne faut pas y consacrer plus de 5 à 10 % de son patrimoine pour les inconditionnels. »
Le secteur immobilier a été mis à l’arrêt par la période de confinement et se remet progressivement en marche depuis la mi-avril. La reprise risque toutefois d’être très heurtée. L’absence de transactions et la hausse des taux d’intérêt créent un doute sur la stabilité du marché de l’ancien : le président du Conseil supérieur du notariat envisage une baisse de 10 à 15 %.
S’agissant de l’immobilier locatif, « il faudra composer avec la diminution de la solvabilité des locataires (forte augmentation du chômage, pertes de revenus), qui entraînera une augmentation des carences locatives (loyers impayés) et vacances locatives (biens non loués au prix), il faut donc anticiper une baisse des rendements », prévient-il. L’immobilier géré (loueur en meublé, professionnel ou non professionnel), qui est au cœur bien souvent des stratégies de placements des professionnels libéraux partant à la retraite, traverse la crise différemment selon l’activité du gestionnaire. Par exemple, les résidences de tourisme (fermées administrativement) et étudiants (désertées) sont pleinement exposées à la crise sanitaire. En revanche, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les résidences services seniors sont, pour l’instant, une rare catégorie d’actifs (immobiliers ou financiers) qui ne souffrent pas de la crise au plan financier, que ce soit au niveau du rendement ou de la valorisation. Par ailleurs, la profondeur du marché (demande insatisfaite dont témoignent les taux d’occupation à près de 100 %) reste immense, traduisant un réel besoin sociétal. Une clientèle solvable et nombreuse existe. « Bien évidemment, la mortalité liée à la pandémie dans certains Ehpad ne peut laisser indifférent, en convient Philippe Richard. De sérieux ajustements d’organisation seront nécessaires mais le schéma investisseur/exploitant perdurera. S’agissant des résidences seniors, le bilan sanitaire est plutôt favorable. »
Selon Philippe Richard, le rendement moyen des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI ; 4,4 % en 2019) devrait être affecté, de façon différenciée selon les cas, compte tenu des reports ou des annulations de loyers, voire encore des renégociations de loyers. Les baisses anticipées de revenus actuellement pour 2020 sont de l’ordre de 20 à 25 %. À cela peut s’ajouter une baisse de la valeur des parts, liée à la diminution éventuelle de la valeur des immeubles détenus (tout dépendra du temps pour rétablir l’activité économique). Opti Patrimoine reste donc réservé sur les SCPI pour le moment, et conseille de privilégier les SCPI les plus décorrélées du niveau de l’activité économique et qui répondent à des problématiques sociétales à long terme (éducation, santé) ou à des logiques créatrices de valeur (Grand Paris).
L’absence de visibilité sur les modalités de la relance de l’économie est totale, et rend les perspectives difficiles à entrevoir. Il y a une certaine logique à profiter de la baisse des marchés pour y investir. Reste à déterminer le bon timing. « L’investisseur doit s’inscrire absolument dans une perspective de moyen/long terme, et non pas spéculative à court terme, et investir de façon progressive, sur plusieurs mois, pour lisser les points d’entrées », conseille-t-il.
L’exercice d’aujourd’hui est d’anticiper les changements dans le monde d’après. « Les modes de vie des populations, l’organisation de l’économie mondiale vont être profondément bouleversés par cette crise. Les particuliers vont attacher une importance grandissante aux problématiques de sécurité, de santé, d’écologie et du bio. Les habitudes de consommation vont évoluer et peut-être même l’intensité de la consommation », explique-t-il.
Dans une démarche de décorrélation des supports aux cycles de croissance générale, au profit de ceux correspondant aux mutations évoquées, il privilégie les supports satisfaisant aux critères environnement, social et gouvernance (ESG) et/ou labellisés investissement socialement responsable (ISR). Mais également des investissements moins volatils pour obtenir des rendements attrayants à long terme orientés sur des tendances de fond et des problématiques de santé, de nutrition, de biotech, d’énergie propre, de digital, de robotique, de sécurité, d’eau, de smart city.
Sur ces thématiques, il existe sur le marché des fonds, émanant de sociétés de gestion renommées (filiales de Natexis, Pictet Asset Management, La Financière de l’Échiquier, etc.), accessibles notamment sous forme d’UC logeables dans les contrats d’assurance-vie.
Investir dans l’économie réelle, au capital d’entreprises non cotées et donc décorrélées des marchés financiers lui semble également une démarche de diversification pertinente : « Nous avions identifié avant la crise des acteurs du secteur sur des thématiques porteuses. Il faut néanmoins attendre que la situation économique s’éclaircisse pour pouvoir identifier des projets prometteurs. Et revenir sur cette classe d’actif avec une gestion du risque maîtrisée. »