Une autre carte du vivant - La Semaine Vétérinaire n° 1856 du 29/05/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1856 du 29/05/2020

LIVRE

COMMUNAUTÉ VÉTÉRINAIRE

Auteur(s) : MICHEL BERTROU

Bien que nous ayons vite accepté avec Darwin l’idée d’une ascendance commu ne avec les autres espèces, nous ne l’avons pas éprouvée et n’avons modifié en rien nos modes de vie. Le naturalisme s’est au contraire enferré dans le dualisme et cette idée que la “nature” est une réserve de ressources dépourvue de sensibilité et de signification dans laquelle nous pouvons puiser sans égards. En ces temps de crise écologique systémique, les égards pour le reste du vivant - dont la société moderne a estimé qu’elle pouvait se passer, à l’opposé de toutes les autres cultures - sont ce que Baptiste Morizot nous convainc de raviver. Des égards non pas justes, mais “ajustés”… aux contextes interspécifi ques propres à chaque milieu. Depuis Les Diplomates (2016)1, le jeune philosophe ne cesse de travailler à reformuler nos relations dans la toile du vivant. Une réfl exion qu’il frotte aux mondes sauvages pour la nourrir et l’adapter, mais fournir aussi à ceux qui exercent sur ce terrain (écologues, éleveurs) les concepts qui leur manquent. Se rendre à nouveau sensible aux autres formes de vie est autant leur reconnaître une parenté qu’une altérité radicale. C’est également s’extraire de la logique des termes (penser les êtres séparément), en recentrant l’attention sur le fait que la réalité des milieux est fondée par des relations. Avec une intelligence persuasive, l’auteur défend ici un retissage au vivant où se réactivent le souci de la réciprocité et ce qu’il défi nit comme « le point de vue des interdépendances ».

1. Éditions Wildproject.

Manières d’être vivant de Baptiste Morizot, Actes Sud, 11,5 × 21,7 cm, 336 pages, 22 €.