RECHERCHE
PRATIQUE MIXTE
FORMATION
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
L’apprentissage a une fonction adaptative évidente. En effet, les animaux doivent apprendre comment et où se procurer les ressources biologiquement importantes à plus ou moins long terme, en particulier la nourriture1. Selon certains chercheurs, l’apprentissage lui-même pourrait être gratifiant pour les animaux et améliorer leur bien-être en captivité2. Diverses expériences, réalisées chez des chèvres ou des primates, ont ainsi montré qu’ils pouvaient s’engager volontairement dans des tâches d’apprentissage3, 4, 5. Toutefois, peu d’études de ce type avaient été consacrées jusqu’à présent aux animaux de rente.
Or, les bovins ont pourtant la capacité de s’intéresser à leurs congénères et aux caractéristiques de leur environnement (disponibilité de l’alimentaire, notamment) 6. Selon les résultats d’une étude datant de 20107, il semblerait que le comportement d’apprentissage soit important dans cette espèce. Des génisses de race prim’holstein avaient été formées à appuyer sur un panneau pour accéder à une récompense alimentaire. Leur fréquence cardiaque a augmenté pendant les séances au cours desquelles leurs performances d’apprentissage se sont améliorées. De plus, elles ont eu tendance à se déplacer plus vigoureusement que les génisses témoins n’ayant pas fait l’objet d’un apprentissage. Certaines ont d’ailleurs même présenté un comportement de jeu après l’ouverture de la porte. Les auteurs en ont conclu, avec prudence, qu’il s’agissait de preuves d’une réponse émotionnelle positive (“excitation”) à l’apprentissage.
Dans l’étude présentée ici8, les chercheurs ont souhaité compléter ces données en testant l’hypothèse selon laquelle les bovins valorisent les opportunités d’apprentissage.
Pour cela, ils ont supposé que ces animaux seraient plus motivés à apprendre comment obtenir un aliment plutôt que de simplement se faire présenter cet aliment, mais aussi que le comportement de jeu serait accentué lorsque l’apprentissage serait réussi et enfin que la motivation à apprendre augmenterait à mesure que les animaux réussiraient davantage. Les résultats obtenus ont tout d’abord permis de mettre en évidence que les génisses sont motivées pour prendre part aux sessions de formation. Ainsi, elles ont presque toutes “participé” volontairement (c’est-à-dire qu’elles ont choisi d’entrer dans la salle de formation), ce qui indique qu’un aspect de l’expérience a été gratifiant. Toutefois, il reste difficile d’estimer à partir de quelle fréquence ou pendant combien de temps les animaux doivent s’engager dans l’expérience d’apprentissage pour que cela soit considéré comme bénéfique pour le bien-être animal, car les données sur le jeu et sur la motivation (état d’éveil) manquent.
Les futurs travaux devront donc s’intéresser aux effets durables des apprentissages sur les comportements de jeu en observant les animaux sur toute la journée. De plus, deux caractéristiques de l’apprentissage réussi, l’engagement cognitif et le contrôle accru de l’environnement, sont généralement associées à une amélioration du bien-être animal2, 3. C’est pourquoi les expériences futures devraient permettre de distinguer ces deux notions. Si, dans une expérience, l’amélioration du bien-être est obtenue par la stimulation cognitive, les chercheurs devraient observer une grande motivation des animaux au moment de l’apprentissage, puis celle-ci devrait diminuer ensuite. Par ailleurs, pour éviter les biais dus au refus de participer de certaines génisses, par crainte ou à cause de la difficulté de la tâche demandée, il serait intéressant dans les prochaines études d’introduire graduellement l’apprentissage et de prévenir les comportements de peur.