DERMATITE ATOPIQUE CANINE : QUELS EXAMENS COMPLÉMENTAIRES ? - La Semaine Vétérinaire n° 1858 du 12/06/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1858 du 12/06/2020

DERMATOLOGIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO

CONFÉRENCIÈRE

CHARLINE PRESSANTI, diplomate ECVD, praticienne hospitalière à L’ENVT.

Article rédigé d’après une présentation faite à l’AFVAC à Lyon, en novembre 2019.

La dermatite atopique canine (DAC) est une dermatose prurigineuse à support génétique touchant les chiens entre 6 mois et 3 ans. De nombreux tests de laboratoire sont à la disposition du praticien, mais aucun d’entre eux ne permet à lui seul de diagnostiquer une DAC. À l’heure actuelle, le diagnostic est uniquement épidémioclinique et se réalise après une démarche systématisée et rigoureuse. Il est donc indispensable de connaître les caractéristiques des examens complémentaires disponibles, afin de savoir les utiliser à bon escient et de les interpréter correctement.

Exclure les causes infectieuses

Face à une dermatite prurigineuse, il est tout d’abord primordial de chercher des causes parasitaires : dermatite par hypersensibilité aux piqûres de puces (DHPP), gale sarcoptique (recherche par raclage et, si le résultat est négatif, par sérologie), démodécie surinfectée (raclage, trichoscopie). Il convient aussi de vérifier s’il y a des signes de surinfections, bactériennes (staphylocoques) et fongiques (Malassezia), par cytologie (Scotch-test, calques par impression). Il est nécessaire de traiter ces infections, puis de réévaluer le prurit ressenti par le chien. Il ne faut pas oublier également qu’une DAC peut coexister avec une DHPP.

Recherche des critères de Favrot

La série de critères épidémiocliniques proposée par Favrot en 2010 est la plus utilisée. Elle établit sept critères qui aident au diagnostic d’une DAC : apparition de la dermatose avant l’âge de 3 ans, mode de vie intérieur, prurit alésionnel initialement, atteinte des pieds, atteinte des pavillons, absence d’atteinte des bords libres des oreilles, absence d’atteinte de la zone dorso-lombaire. Ces critères ne sont valables qu’après exclusion des causes infectieuses. La présence de cinq éléments donne une sensibilité de 77 % et une spécificité de 83 %. Si le chien répond à six critères, cela augmente la spécificité à 94 % mais diminue la sensibilité à 42 % (autrement dit 58 % des cas de DAC ne sont pas identifiés). Deux critères additionnels peuvent être utilisés par le praticien : un prurit répondant aux corticoïdes et des infections récurrentes ou chroniques à Malazessia. L’utilisation de ces données a également ses limites : les critères de localisation ne sont pas vérifiés pour certaines races (par exemple, chez le westie, les lésions peuvent être dorsales) et certains sont subjectifs (prurit alésionnel initialement).

Les tests de laboratoire : à interpréter avec prudence

Les aéroallergènes (acariens, pollens, etc.) sont les plus fréquemment incriminés dans les dermatites atopiques chez le chien. L’identification de la cause est utile soit pour éliminer les allergènes, soit pour entamer un processus de désensibilisation. Cependant, chez 15 % des chiens atopiques, l’agent en cause ne peut être identifié (absence d’immunoglobuline E [IgE] en excès détectable).

- Dosages sérologiques des IgE spécifiques des aéroallergènes : il s’agit d’une technique in vitro, réalisée à partir d’une prise de sang, qui mesure l’augmentation des IgE dans le sang circulant. Il n’y a pas d’interférence avec des traitements en cours ou la saison. Chez le chien, à la différence de l’humain, la sérologie est peu discriminante. Les tests sérologiques n’ont donc pas de valeur diagnostique. En effet, l’excès d’IgE est très courant. Il est estimé qu’environ 20 % des animaux sains (non atteints de DAC) ont des réactions positives à certains aéroallergènes (parfois avec une valeur très élevée). Cela est en partie expliqué par la présence de parasites, ainsi que des IgE dirigés contre des cross-reactive carbohydrate determinants (CCD, portions glucidiques des protéines de cellules des végétaux et des insectes ; les IgE anti-CCD n’entraînent pas de manifestation clinique). Le seuil de positivité des IgE est arbitraire et il existe des variabilités interlaboratoires (absence de standardisation des procédures). Les taux d’IgE spécifiques varient significativement pour chaque allergène. Il devrait donc y avoir systématiquement des témoins (un positif et un négatif) mentionnés dans l’analyse, ce qui est rarement le cas.

- Les intradermoréactions (IDR) : il s’agit d’une technique in vivo qui met en évidence une réaction d’hypersensibilité à la suite de l’injection intradermique d’allergènes. C’est la méthode de choix dans la détection des aéroallergènes impliqués dans les manifestations de DAC, car elle signe une réaction biologique. La technique nécessite de l’expérience, du matériel (les allergènes sont coûteux et ont une péremption courte), du temps et l’animal doit souvent être sédaté. Il est recommandé de pratiquer une IDR lors des saisons de pollinisation et ne pas avoir administré de corticoïdes ni d’antihistaminiques au préalable. Des faux positifs et négatifs existent, en raison notamment d’un manque de standardisation de la technique et de réactions croisées.

L’IDR et la sérologie sont deux techniques complémentaires qu’il est intéressant de combiner, même s’il est fréquent de constater une absence de corrélation entre ces deux tests. L’interprétation des résultats est délicate dans les deux cas, et doit se faire à la lumière de l’historique de l’animal et de ses données cliniques. Ils ne sont pas diagnostiques d’une DAC mais sont des outils d’aide à sa prise en charge, en permettant de sélectionner des allergènes pour la mise en place d’une désensibilisation spécifique. Plusieurs études ont démontré que les résultats de la désensibilisation étaient identiques, que l’on utilise une méthode sérologique ou une IDR pour la sélection des allergènes.

LE CAS DE L’HYPERSENSIBILITÉ ALIMENTAIRE

La dermatite atopique canine (DAC) déclenchée par l’alimentation est rare et probablement surdiagnostiquée. La prévalence est méconnue mais est estimée autour de 10 % des chiens atopiques. Les formes cliniques sont identiques à celles des DAC occasionnées par des allergènes environnementaux et il est possible que des animaux présentent une forme mixte (liée aux aéroallergènes et majorée par des sources de protéines). Aucun test sérologique actuel recherchant des trophoallergènes ne peut être utilisé pour le diagnostic d’allergie alimentaire, car il n’y a pas de corrélation entre le taux d’IgE spécifiques et les manifestations cliniques de cette forme de DAC.

Récemment, le test Cyno-Dial (laboratoire Ceva) utilise un immunoblot couplé à la sérologie. C’est une technique non quantitative qui a pour but de révéler des IgE dirigées contre les trophoallergènes spécifiques pour plus de 1 millier de références d’aliments industriels, de friandises et de sources alimentaires des rations ménagères. Deux études indépendantes ont démontré une sensibilité et une spécificité insuffisantes du test, concluant qu’il ne peut pas servir à établir un diagnostic d’allergie alimentaire.

Cependant, il est intéressant pour le choix d’un régime d’éviction (bonne valeur prédictive négative) : s’il n’y a pas d’IgE dirigés contre un aliment, celui-ci a une bonne chance de ne pas être la cause de l’allergie du chien. Le régime d’éviction-provocation reste le gold standard pour diagnostiquer une hypersensibilité alimentaire. L’utilisation d’un aliment hypoallergénique à base d’hydrolysats standards présente un intérêt discutable étant donné que, dans certaines études, 20 % des chiens ayant une allergie alimentaire auront une réaction à ce type d’aliment malgré l’hydrolysation. L’intradermoréaction est la technique de choix pour détecter les aéroallergènes impliqués dans les manifestations de DAC. Il est intéressant de la combiner avec la sérologie des IgE spécifiques des aéroallergènes, même s’il est fréquent de constater une absence de corrélation entre ces deux tests. Ils permettent de sélectionner des allergènes pour la mise en place d’une désensibilisation spécifique.