EXPRESSION
LA QUESTION EN DÉBAT
Auteur(s) : MAUD ROUALT
Après avoir inscrit l’animal en tant qu’être sensible dans le Code civil, certains veulent aller plus loin et réfléchissent à l’opportunité de définir un statut juridique propre à l’animal pour mieux le protéger.
CHRISTIAN DIAZ
Praticien canin à Balma (Haute-Garonne), expert près la cour d’appel de Toulouse
Le problème du statut juridique de l’animal est qu’il est « bâtard » : l’animal a un statut d’objet mais il est également un être sensible. C’est typiquement ce que l’on rencontre lors des ventes, avec des personnes, aussi attachées soient-elles à leur nouvel animal, qui demandent à avoir les mêmes garanties que pour un bien de consommation courant. L’inscription dans le Code civil n’a pas changé grand-chose juridiquement parlant, puisque l’animal était déjà défini dans le Code pénal et le Code rural comme un être sensible. N’oublions pas que cela avait surtout pour objectif d’éviter que le Parlement n’examine la proposition de loi de Geneviève Perrin-Gaillard qui proposait un véritable statut de l’animal ! Pour faire évoluer la loi, il faudra séparer les animaux de compagnie des animaux de rente, tout en tenant compte de l’aspect affectif, ce que fait déjà la jurisprudence avec l’arrêt Delgado1 ! Et pourquoi ne pas imaginer un statut intermédiaire pour l’animal, entre bien et personne ?
LOÏC DOMBREVAL
Vétérinaire et député des Alpes-Maritimes
L’amendement de 2015 au Code civil place l’animal dans une sorte de « lévitation juridique ». Il est un être vivant doué de sensibilité tout en restant soumis au régime des biens. Une solution possible serait de créer une nouvelle personnalité juridique, celle de personnalité animale ou de personnalité non humaine. Il existe bien des personnes morales ! Mais dans quel objectif ? Cette évolution aurait à mon sens une vertu essentiellement symbolique. En France, nous disposons d’un excellent arsenal législatif et réglementaire pour protéger les animaux. Le problème réside essentiellement dans le contrôle et l’application des lois dont nous disposons et qui sont déjà très complètes. Il y a cependant deux sujets sur lesquels la loi doit évoluer. D’une part, le statut des animaux sauvages en liberté, dits res nullius, que l’on peut torturer sans être inquiété, ce qui est le cas dans certaines chasses traditionnelles. D’autre part, le statut des grands singes, des hominidés, qui sont nos ancêtres et en danger d’extinction, par notre faute.
VÉRONIQUE LUDDENI
Praticienne mixte à Saint-Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes) et experte scientifique au Conseil national de la protection de la nature
Pour les animaux sauvages, l’appellation « être sensible » est purement politique, car elle n’est pas appliquée dans la réalité. Soit l’animal est considéré comme un nuisible ou un risque potentiel zoosanitaire, soit, au mieux, comme une partie de l’environnement. Si tout se passe bien, on le régule, et s’il est perçu comme dangereux on l’abat. La loi n’est pas encore en capacité de répondre à la vision très anthropocentrée que nous avons de l’animal sauvage. Il nous appartient de considérer l’animal comme un marqueur positif de l’environnement et non comme un potentiel danger. Il nous faut réfléchir, notamment en cas de crise sanitaire, aux risques induits par les activités humaines. L’équilibre est dans la prévention de la maladie grâce à une préservation raisonnée de l’environnement. La considération de l’animal comme être sensible est un facteur de reconnaissance et de sensibilisation. C’est bien, mais ça ne change rien en matière de protection réelle, c’est seulement une première étape.
1. Arrêt rendu par la Cour de cassation en décembre 2015 : une éleveuse ayant vendu un chiot avec défaut de conformité a été condamnée à payer des frais vétérinaires de réparation. Même s’il est prévu par le Code de la consommation, le remplacement de l’animal n’a pas été accepté, le chien ayant été considéré comme « un être vivant unique et irremplaçable (…) sans vocation économique ».