« LES PROBIOTIQUES SONT À PROSCRIRE POUR LES ANIMAUX DÉBILITÉS » - La Semaine Vétérinaire n° 1859 du 19/06/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1859 du 19/06/2020

THÉRAPEUTIQUE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : TANIT HALFON

Ces micro-organismes sont à utiliser dans un cadre précis, rappelle Sébastien Lefebvre, enseignant-chercheur de nutrition clinique à VetAgro Sup.

En médecine humaine, plusieurs signalements d’effets indésirables liés à la prise de probiotiques (encadré) ont été rapportés. Qu’en est-il en médecine vétérinaire ? Le point avec Sébastien Lefebvre, enseignant-chercheur de nutrition clinique à VetAgro Sup.

Des risques sont-ils documentés pour les carnivores domestiques ?

Sébastien Lefebvre : Non. Quelquefois, les études peuvent rapporter des inefficacités, voire que la prise de probiotiques peut empirer une diarrhée. Cela dit, il faut toujours associer ces retours à un produit spécifique, qui est la combinaison d’une souche bactérienne et d’un process technologique de fabrication. Avec un process différent, on n’aboutira pas forcément aux mêmes résultats. En matière de probiotiques, la question à se poser est avant tout : quel crédit accordons-nous au fabricant et quel est notre degré de confiance dans la stabilité de la formule ?

Quelles précautions d’emploi prendre ?

Je recommande de ne pas les utiliser sur des animaux trop fortement débilités. D’ailleurs, en humaine, la littérature montre bien que les effets indésirables se manifestent chez des personnes avec des fonctions digestives et cardiaques déjà fortement altérées. De plus, l’usage des probiotiques devrait se limiter aux indications du fabricant. Dans ce cadre, il faut lui demander de nous fournir les preuves d’efficacité de son produit et bien vérifier que les études le concernent.

Doivent-ils forcément être associés aux prébiotiques ?

Pas nécessairement. En revanche, pour les traitements au long cours, les prébiotiques sont préférables, du fait d’une meilleure sécurité d’emploi et de leur capacité de stabilisation de la flore bactérienne, ce que ne permettent pas les probiotiques.

Dans quels cas est-il intéressant de les utiliser ?

Les études ont montré un effet significatif pour les diarrhées du jeune âge chez le chien et le chat et pour la prévention des diarrhées d’introduction du chien. Mais attention : la prise de probiotiques ne va faire que diminuer la prévalence globale des diarrhées pour une population d’individus malades. Par conséquent, j’ai tendance à les utiliser en médecine populationnelle - en élevage -, plutôt que pour un usage individuel pour lequel l’effet attendu n’est pas forcément au rendez-vous. Dans tous les cas, il convient d’en discuter avec son client. Je pense cependant que les probiotiques vont avoir une place croissante en médecine vétérinaire. Par exemple, un nouveau produit1 à base de pré et probiotiques a été récemment autorisé aux États-Unis avec une indication pour la maladie rénale chronique. Il permettrait de réduire l’azotémie sanguine et d’épargner aussi les acides aminés, ce qui présenterait l’avantage de diminuer la quantité de protéines alimentaires à apporter à l’animal malade. Malgré tout, n’oublions pas que les probiotiques ont une histoire récente, et que nous avons encore des progrès à faire dans les connaissances, aussi ne leur prêtons pas plus d’actions qu’ils n’en ont. Je rappelle aussi l’importance d’adopter une approche nutritionnelle : les probiotiques ne peuvent pas résoudre un déséquilibre primaire de la flore, qui nécessite un changement dans les pratiques alimentaires, associé à une identification des causes sous-jacentes. L’effet des probiotiques est passager, rien ne sert d’en augmenter la dose, au risque justement d’accroître le risque d’effets secondaires !

1. Azodyl (Vetoquinol).

DES EFFETS SECONDAIRES EN HUMAINE

Grâce à son dispositif de nutrivigilance, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a pu rapporter, fin 2019, un cas1 d’endocardite infectieuse chez une femme de 66 ans, atteinte de valvulopathie et de trouble fonctionnel de l’intestin. La patiente avait l’habitude de faire une cure de 20 jours par mois de deux probiotiques, depuis plusieurs années. L’agence a estimé que l’endocardite pouvait très vraisemblablement leur être imputée, du fait de la présence de facteurs de risque. Autre retour de terrain2 : en août 2018, des médecins ont alerté sur le lien possible entre prise de probiotiques et effets neurologiques (confusion, difficultés de concentration) associés à des ballonnements sévères chez une trentaine de patients américains.

1. www.bit.ly/3f3axp8.

2. www.bit.ly/37g9KOY.