LOI 3D, FRONT COMMUN
ANALYSE
Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD
Devant l’urgence à agir pour renforcer le maillage vétérinaire national, alors que la crise du coronavirus montre encore l’importance de disposer d’un réseau de sentinelles, un front commun d’action parviendra-t-il enfin à se construire ? « La profession vétérinaire peut compter sur mon engagement et ma détermination », assure pour sa part le député Loïc Dombreval.
Quand les collectivités territoriales (régions, départements, communautés de communes, mairies) auront-elles le droit d’aider dans la lutte contre les déserts vétérinaires ruraux ? Réponse du député Loïc Dombreval, président du groupe d’études sur la condition animale à l’Assemblée nationale.
Loïc Dombreval : Lors de la Journée nationale vétérinaire, qui s’est tenue en février 2020 à Paris, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, avait confirmé qu’une disposition du projet de loi 3D (décentralisation, différenciation et déconcentration) comprendrait bien une disposition qui devait autoriser les collectivités territoriales à soutenir l’installation et le maintien des vétérinaires dans des zones à faible densité d’élevage. Ce texte devait d’ailleurs passer en première lecture au Sénat en ce mois de juin 2020. Depuis le Covid-19, il n’y a pas de remise en cause, mais on ignore la date de ce premier passage devant le Sénat… S’il devait malheureusement y avoir un problème de calendrier, il faudra trouver un autre vecteur législatif permettant des amendements allant dans le sens de la résolution de ces déserts vétérinaires. Pour qu’enfin les élus locaux puissent retrouver sur leurs territoires des praticiens compétents en médecine et en chirurgie des grands animaux, bovins, ovins, caprins. Quand il n’y a pas d’élevage, il n’y a pas de vétérinaire… et réciproquement !
Il semble, d’après mes informations, que les associations d’élus accueillent favorablement les mesures du projet de loi 3D visant à favoriser le maintien, l’installation et l’attraction de vétérinaires dans les territoires ruraux. Le moment venu, nous aurons besoin que ces mêmes associations soutiennent les mesures proposées par le gouvernement dans cette loi 3D. En fait, c’est ensemble, ministères, parlementaires, élus locaux, Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), syndicats vétérinaires, écoles nationales vétérinaires et agriculteurs, que nous avancerons sur ce sujet qui s’inscrit dans la problématique plus globale de la désertification rurale. À cet égard, la profession vétérinaire peut compter sur mon engagement et ma détermination.
Pour parvenir à attirer davantage de jeunes vétérinaires dans les territoires ruraux, le projet de loi autorisera les collectivités territoriales à soutenir financièrement les étudiants vétérinaires durant leur scolarité, à condition qu’ils s’installent sur leurs territoires. La loi 3D devra aussi déterminer précisément quelles sont les zones de désertification vétérinaire. Un travail est en cours dans ce sens, avec le CNOV et l’Observatoire national démographique de la profession vétérinaire. Grosso modo, aujourd’hui, on peut dire que ces zones à faible densité d’élevage représentent une quarantaine de départements en France, pour partie ou en totalité. Cependant, la définition de ce qu’est un désert vétérinaire demeure compliquée, délicate pour différentes raisons. Il faut en particulier se méfier des effets d’aubaine et de la concurrence déloyale entre vétérinaires.
Parce que l’activité vétérinaire est très différente de l’activité médicale humaine. Elle est plus diverse, les vétérinaires se projettent géographiquement assez loin de leur domicile principal d’exercice et, enfin, c’est une activité concurrentielle qui pratique des tarifs libres.
C’est effectivement une question qui se pose depuis longtemps, en sachant toutefois que ce sujet de la faune sauvage est traité par l’Office français de la biodiversité (OFB, anciennement ONCFS). Mais en matière de faune sauvage, la question est : qui paie ? Le problème est en effet essentiellement financier pour cette faune patrimoniale qui, dans le droit français, est dite res nullius, c’est-à-dire n’appartenant à personne…
Une fois les déserts vétérinaires définis, des actions expérimentales seront probablement menées, en s’adaptant à chaque contexte local. Pour sa part, le département de la Manche conduit déjà depuis des années différentes actions en faveur tant de la méadecine humaine que vétérinaire. « Par exemple, explique Patrice Pillet, ancien vétérinaire mixte et actuel vice-président du conseil départemental de la Manche, nous avons travaillé avec une agence d’attractivité départementale sur l’image de notre territoire, afin d’y attirer différentes professions, dont des médecins et des vétérinaires. Pourtant, la Manche n’est pas du tout un désert vétérinaire, puisque notre département est même celui qui compte le plus gros groupement de défense sanitaire (GDS) de France ! Mais pour que cette situation positive perdure, nous préférons anticiper et agir de manière préventive. »
Des conventions de prévention sanitaire et de soins
Par exemple, il y est expérimenté des conventions de prévention sanitaire et de soins pour accompagner de jeunes agriculteurs qui se trouvent dans une situation financière souvent fragilisée par les investissements liés à leur nouvelle installation. Ces conventions comprennent différentes formules dont, par exemple, une convention annuelle de suivi entre l’éleveur et son vétérinaire traitant, avec le soutien du GDS (fourniture des indicateurs du troupeau, analyse d’aide au diagnostic, dépistage préalable aux plans de lutte, recherches complémentaires avortement, etc.). Le module « Suivi de reproduction » inclut les échographies ou l’interprétation des échographies faites par le centre d’insémination, dans l’objectif de diminuer les intervalles entre les vêlages. Le module « Santé du veau » a pour objectif de réduire les pertes d’animaux, de protéger sa génétique et d’optimiser la croissance des génisses de renouvellement, etc.
« Le département de la Manche accompagne financièrement ces conventions expérimentales depuis 2018, à hauteur de 500 € par an durant trois ans », conclut Patrice Pillet. Quant au nombre de conventions signées, il est passé de 8 en 2018 à plus de 20 en 2019. ?