FAUT-IL AVOIR PEUR DES RÉSEAUX ? - La Semaine Vétérinaire n° 1860 du 26/06/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1860 du 26/06/2020

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

Alors que le “monde” des réseaux de cliniques vétérinaires s’offre à nous, de nombreux confrères restent méfiants. Entre opportunités et menaces, pour envisager au mieux cette évolution de la profession, il convient de rester vigilant selon les témoignages de vétérinaires interrogés.

JE DÉFENDS MON INDÉPENDANCE

RENAUD ROUSSEL (L 91)

Praticien canin à Avignon (Vaucluse).

Je refuse de faire partie d’un réseau, car je veux garder mon entière liberté en matière de décision, de rémunération ou de gestion bienveillante de mon personnel. Par exemple, je ne veux pas qu’on m’impose de vendre telle ou telle marque d’aliments, ou que l’on exige de ma structure une rentabilité supérieure, me forçant à réaliser certains actes non justifiés médicalement. Et je souhaite garder la maîtrise du choix des spécialistes proposés à mes clients uniquement sur des critères qualitatifs et non économiques. Attention aussi car, dans certains réseaux, une fraction plus ou moins importante du revenu du vétérinaire dépend d’une part variable, qui peut être pénalisante pour lui, s’il se révèle, par exemple, être moins “performant” que d’autres cliniques appartenant au même groupe. Par ailleurs, le fait que le réseau comporte à sa tête des vétérinaires ne suffit pas à me rassurer, car une société “malveillante” (comme un groupe de pension étranger) pourrait quand même le racheter avec comme unique objectif d’en tirer le maximum de profits, avant une revente…

INDÉPENDANTS ET RÉSEAUX VONT “COHABITER”

LAURENT FAGET (T 04)

Praticien mixte à Cavignac (Gironde), associé chez VPLUS

Je fais partie de l’équipe fondatrice du réseau Vplus, dont le but est d’offrir un suivi de qualité et de proximité pour des soins en zone rurale. Car, dans mon secteur de Nord-Gironde, j’étais auparavant obligé de référer à Bordeaux, ce qui n’était pas pratique.

Aujourd’hui, nos cas ne sont pas envoyés à une seule structure centrale, mais à différentes cliniques du réseau. Par exemple, l’une d’entre elles se consacre à l’ophtalmologie, une autre reçoit tous les référés nouveaux animaux de compagnie du groupe, etc. En revanche ont été externalisées les fonctions ressources humaines, la comptabilité, le marketing, le juridique, la communication, l’informatique, le recrutement, la gestion des contrats, l’organisation du planning… Mais le management de proximité de l’équipe reste interne. Je pense qu’à terme notre forme d’organisation va structurer l’offre de soins proposée sur les territoires, où cohabiteront donc toujours à terme deux modèles : les réseaux et les cliniques individuelles indépendantes.

IL FAUT COMPARER LES RÉSEAUX ENTRE EUX

CHRISTOPHE NAVARRO (A 02)

Praticien canin à Mougins (Alpes-Maritimes), président d’Univet (32 structures).

Faut-il avoir peur d’un réseau capitaliste intégré ? Cela dépend des conditions.

L’ensemble des vétérinaires doit veiller à détenir la majorité du capital, des droits de vote et des droits économiques. C’est le cas dans la gouvernance que j’ai mise en place à Univet, où les investisseurs non vétérinaires sont minoritaires sur ces trois points. Dans un tel contexte, on se retrouve avec le meilleur des deux mondes : même au sein d’un réseau, les vétérinaires praticiens restent indépendants dans leur exercice, tous ont pour objectif d’améliorer la prise en charge des animaux et chacun profite de la valorisation ainsi générée du capital, calculée au prorata de chaque participation. Mais attention : dans d’autres réseaux où s’appliquent d’autres règles, la majorité de la valeur créée par les vétérinaires ne leur revient pas, car ils sont très minoritaires en droits économiques. Par voie de conséquence, ils ne possèdent plus du tout de pouvoir de décision au sein de leur entreprise, car toutes les décisions économiques leur échappent.