PRÉVENTION
PHARMACIE
Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL
En santé animale, la vaccination a fait ses preuves mais est de plus en plus fragilisée par une méfiance vaccinale qui monte. La conférence annuelle du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV), qui s’est tenue le 30 juin dernier, a été l’occasion de rappeler ses bénéfices directs et indirects mais aussi d’explorer les pistes à mobiliser pour pallier cette défiance grandissante.
Contexte sanitaire oblige, la traditionnelle conférence annuelle du syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (simv) s’est tenue pour la première fois le 30 juin dernier en visioconférence. un format propice qui a permis de rassembler plus de 350 participants autour d’un thème d’actualité : « la vaccination des animaux : essentielle pour leur santé, et pourtant… » vétérinaires, éleveurs, sociologues, industriels… ont tour à tour rappelé l’importance et les bénéfices de cet acte médical pour la santé et le bien-être des animaux domestiques et d’élevage. en médecine vétérinaire, les réussites sanitaires de la vaccination ne sont d’ailleurs plus à démontrer. mais paradoxalement, comme en santé humaine, le mouvement anti-vaccin gagne du terrain.
l’Hexagone a hébergé des grands acteurs de la vaccination, tels louis pasteur ou encore charles mérieux, et compte des institutions importantes comme l’organisation internationale de la santé animale (oie), basé à paris. en médecine vétérinaire, les succès de la vaccination sont nombreux et ce, chez les différentes espèces comme l’a rappelé éric vandaële, consultant auzalide. chez les chiens, il cite notamment la parvovirose ou encore la rage, cette dernière étant présentée historiquement comme le premier enjeu du concept « une seule santé, one health ». « Aujourd’hui, dans le monde, 60 000 enfants meurent de la rage chaque année. vacciner 70 % des chiens dans le monde suffirait à éviter tous ces cas. » d’autres succès de la vaccination sont à noter chez d’autres espèces. ainsi la vaccination a permis une forte baisse des foyers de fièvre catarrhale ovine et la dermatose nodulaire contagieuse a été canalisée. chez le porc, eric vandaële a rappelé les bénéfices économiques de la vaccination face à des maladies telles que la pneumonie enzootique ou encore mycoplasma hyopneumoniae. chez les animaux, la france connaît en effet des taux de vaccination conséquents.
« On vaccine 100 % des volailles contre les maladies courantes, 90 % des porcs sont vaccinés contre les maladies les plus impactantes économiquement, un peu moins de 60 % des bovins pour les vaccinations respiratoires. et 50 % des chiens et des chats sont vaccinés contre les valences importantes », indique éric vandaële. mais malgré ces taux de couverture vaccinale, il existe en france une relative défiance à l’égard de la vaccination des animaux de compagnie et d’élevage. danielle duret, sociologue et consultante en sciences sociales et nutrition, constate un paradoxe de la défiance vaccinale. « la plupart des maladies graves ont été vaincues grâce à la vaccination et la crise du covid-19 prouve notamment que l’hygiène seule ne suffit pas. pourtant aujourd’hui, le consommateur, le patient, le citoyen doutent. » selon elle, différents facteurs sociaux peuvent expliquer l’intérêt des propriétaires d’animaux pour le mouvement autovaccin. le coût de la vaccination pourrait-il expliquer cette réticence, en particulier en médecine vétérinaire rurale ? Fabien godet, éleveur, estime que la vaccination constitue d’abord un investissement. pour didier raboisson, professeur à l’école nationale vétérinaire de toulouse (envt), le prix n’est pas un critère déterminant, en particulier si des politiques publiques existent, mais malgré cela la méfiance vaccinale persiste. il ajoute qu’il est essentiel de ne pas reléguer la vaccination à ses bénéfices économiques. d’autres leviers sont à mobiliser afin d’augmenter la couverture vaccinale chez les différentes espèces.
Mieux communiquer pour vacciner
Les intervenants s’accordent à dire que le principal frein à la vaccination est l’absence de perception de son bénéfice. didier raboisson insiste sur la nécessité de valoriser les bienfaits de la vaccination, tels que le bien-être de l’animal et de l’éleveur. « des efforts doivent être faits pour faciliter les protocoles afin d’avoir un espacement plus important entre les rappels de vaccination. » pour ludovic freyburger (vetagrosup, santévet), il faut faire comprendre au propriétaire que l’association des différents bénéfices de la vaccination est déterminante pour lui et le convaincre de s’approprier son utilité. « il doit comprendre que le plus important est d’avoir un animal en bonne santé. » une piste également citée par danielle duret, pour qui il est nécessaire de communiquer aussi bien que les anti-vaccin. « il faut être transparent sur les bénéfices de la vaccination mais aussi ses effets secondaires », ajoute ludovic freyburger. le vétérinaire joue ici un rôle majeur, notamment en termes de communication scientifique. les interventions du binôme composé par bruno dalez, vétérinaire praticien, et fabien godet rappellent que la communication est un élément primordial dans le contrat de confiance vétérinaire-éleveur. du côté des industriels, jean-louis hunault, président du simv, se dit prêt à apporter des solutions concrètes face à la défiance vaccinale. « nous devons mettre en œuvre nos atouts en poursuivant dans la recherche, en maintenant la continuité de la production et en progressant dans la communication et l’information. »
L’information et la formation sont les meilleurs atouts pour mieux faire accepter la vaccination. « Les vétérinaires doivent prendre leur part d’explication, de vulgarisation scientifique de la façon la plus objective possible », souligne Luc Mounier (VetAgro Sup). Pour cela, les intervenants soulignent la nécessité de renforcer le volet prévention des programmes d’enseignements des écoles nationales vétérinaires. « La façon d’enseigner la médecine préventive est quelque chose de récent. Cette discipline a été mise sur le devant de la scène il y a moins de dix ans. Il faut qu’elle soit reconnue en tant que telle », explique Ludovic Freyburger (VetAgroSup, SantéVet). De son côté Fabien Godet, éleveur, estime que les formations agricoles doivent être plus pratiques et plus concrètes afin d’informer les futurs éleveurs sur les enjeux de la vaccination.
À l’occasion de cette rencontre annuelle du SIMV, la direction générale de l’alimentation a annoncé le prochain lancement d’une campagne nationale et grand public de promotion de la vaccination des animaux de compagnie à l’image de ce qui a été fait pour les animaux de rente. « La crise mondiale du Covid-19 témoigne de nouveau de l’importance de la prévention, tout particulièrement de la vaccination. Prévenir l’apparition des maladies infectieuses à travers des actions visant à encourager l’usage des vaccins est un axe fort du plan national ÉcoAntibio 2 pour la réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire. »