MANAGEMENT
ENTREPRISE
Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT
Beaucoup d’équipes ont été bousculées durant ces derniers mois de crise sanitaire. Pas facile de ressouder les liens entre les collaborateurs de la clinique dans un tel contexte, avec de surcroît une charge de travail importante.
Finalement le confinement avait peut-être du bon. Certes l’activité était réduite, les collaborateurs au chômage partiel pour beaucoup d’entre eux, les associés stressés, mais le temps manquait moins. Or pour beaucoup de cliniques, depuis le déconfinement, c’est bien le temps qui fait le plus défaut. Du temps pour intégrer les nouvelles consignes sanitaires. Du temps pour les appliquer correctement. Du temps pour corriger ce qui ne s’avère pas pertinent. Et surtout du temps pour partager ces tâtonnements et ces pas en avant et en arrière avec l’ensemble de l’équipe. Résultat, pour beaucoup, il est compliqué de resserrer les liens entre des collaborateurs qui ne se sont pas vus depuis plusieurs mois et qui font leur retour dans un cadre de travail bouleversé. « Dans les cliniques où les relations de travail n’étaient pas au mieux avant la crise, cette situation peut être très compliquée à gérer », craint Armelle Guimon, consultante chez Taolia. Pourtant, la charge de travail est telle que rares sont les structures qui peuvent se permettre de ne pas être au top actuellement. C’est pourquoi la consultante estime qu’il est indispensable de prendre le temps de rester en lien avec l’équipe, malgré des journées à rallonge.
Bien évidemment, dans ce contexte perturbé et à cause des contraintes liées à la crise, le temps pouvant être consacré à la gestion des relations humaines sera peut-être moindre, mais ne doit surtout pas disparaître. Le schéma idéal voudrait même qu’il se renforce compte tenu de la situation inédite à traverser. « Il faut écouter les collaborateurs pour repérer les signaux faibles », résume Armelle Guimon. À défaut, les liens entre les salariés, déjà éprouvés par des semaines de séparation, peineront à se retisser. Et ce, même si durant le confinement moult outils virtuels ont été mis en place pour les maintenir dans « le bain » de la clinique. Le terrain peut alors devenir propice aux conflits, ou au repli sur soi, faute de trouver sa place au sein de l’équipe avec ces règles nouvelles et cette organisation chamboulée. D’autant que la reprise est aussi plus compliquée pour les clients qui doivent se familiariser avec des consignes inédites, parfois difficiles à comprendre et à respecter. De quoi amener des tensions supplémentaires.
Retisser des liens solides passe ainsi par la communication, mais cet acte doit être adapté à la situation. « Les collaborateurs ont besoin de savoir ce que l’on attend d’eux dans ce nouveau contexte. Ils ont aussi besoin de savoir au sein de quelle organisation ils vont travailler et quelles sont les nouvelles consignes », égraine Patrick Sergent, directeur associé et executive coach chez Taolia. Pour parvenir à cet objectif, les solutions les plus simples sont souvent les plus efficaces. Écrire les nouvelles règles reste ainsi une bonne base. Les commenter au cours d’une réunion est encore mieux. D’autant que l’échange avec les collaborateurs est souvent porteur de solutions pragmatiques qui pourront être intégrées à l’organisation post-crise. « Pendant le confinement, les équipes qui sont restées en place ont su s’adapter et trouver rapidement la bonne organisation, il faut rester dans cette dynamique », estime Patrick Sergent. Au-delà de l’organisation, ces rencontres peuvent également être mises à profit pour « prendre le pouls » de ses collaborateurs. « Il faut s’assurer que tout le monde va bien, cette crise a été un élément perturbant pour tout le monde », observe Armelle Guimon.
La nouvelle organisation fera sans aucun doute naître des situations et surtout des émotions qu’il sera nécessaire de réguler. « L’idéal c’est de prévoir un temps hebdomadaire de régulation », conseille Patrick Sergent. Là aussi, face à la surcharge de travail, l’objectif sera certainement difficile à atteindre. Il faudra peut-être réserver des temps informels, la pause de midi ou le café du matin, pour nouer les premiers liens et, si le besoin se fait sentir, prolonger ces échanges par un temps consacré au feed-back. Ainsi, chacun pourra exprimer son ressenti, ses craintes et ses espoirs sur l’organisation en place. De quoi disposer de tous les éléments nécessaires pour repenser l’organisation ou les missions confiées à chacun au regard de ces retours d’expérience. Voire simplement les confirmer. En prenant ce temps, les collaborateurs auront un retour sur leur engagement, ce qui constitue un bien précieux pour leur motivation. Par ricochet, l’ensemble de l’équipe trouvera du sens à son travail et les liens se formeront ou se reformeront naturellement. Un cercle vertueux se mettra alors en place, car la gestion des équipes est d’autant plus importante en périodes chahutées.
FRÉDÉRIC PINTO
Praticien canin chez Animedis, à Marseille, Bouches-du-Rhône (50 personnes, 24 vétérinaires, 26 ASV)
Ce confinement a été un véritable moment d’échange. Nous avons fait le choix de maintenir l’ensemble de l’équipe, sauf deux infirmières qui n’avaient pas de solution pour faire garder leurs enfants. Nous avons beaucoup discuté sur le cœur de notre métier, notamment pour définir ce qui relevait de l’urgence ou pas. Nous avons aussi cherché des solutions pour réorganiser notre travail après le confinement, mettre en place les mesures barrières. Nous avons par ailleurs maintenu des échanges hors cadre de travail via un compte WhatsApp, ce qui a permis à tous, y compris nos infirmières qui n’étaient pas présentes, de continuer à s’impliquer dans la vie de l’hopital. Nous avons bien géré cette crise parce que les décisions ont été prises en commun. Nous étions stressés, mais soudés et la famille Animedis est sortie renforcée de cette crise. »
JEAN-JACQUES DENTZ
Praticien canin à la clinique Les Clomiers, à Talant, Côte-d’Or (4 vétérinaires, 5 ASV)
Durant le confinement, seules deux de nos ASV ont dû se mettre en retrait, le reste de l’équipe était à la clinique pour assurer les urgences. Le lien n’a donc jamais été rompu dans l’équipe, y compris avec les deux ASV. Nous avons depuis longtemps une messagerie interne qui a notamment vocation à entretenir la cohésion, elle a joué pleinement son rôle durant ces deux mois. La reprise est plus compliquée. Nous avons une charge de travail énorme qui nous contraint à faire passer la gestion de l’équipe un peu au second plan. Cela étant, nous maintenons nos déjeuners en commun chaque jour. Cet espace informel nous permet de rester à l’écoute de nos collaborateurs, et si besoin de détecter des signaux montrant qu’il faut prendre plus de temps pour eux. Pour l’instant, rien de tel n’émerge, nous avons la chance d’avoir une équipe extrêmement soudée, qui a su faire face à la crise et à l’après, sans se désunir, bien au contraire. »