LES VÉTÉRINAIRES, LE MAILLON FORT - La Semaine Vétérinaire n° 1868 du 25/09/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1868 du 25/09/2020

ŒUVRE D’ASSISTANCE AUX BÊTES D’ABATTOIRS

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON

À 59 ans, l’OABA est aussi active qu’aux premiers jours. Fidèle à sa fondatrice, Jacqueline Gilardoni, l’équipe poursuit avec détermination, efficacité, courage et humanité ses missions envers les animaux et ses démarches auprès des éleveurs maltraitants. En témoigne son Assemblée générale qui s’est tenue le 12 septembre à Paris.

Nos confrères, le sénateur Arnaud Bazin (LR) et le député Loïc Dombreval (LREM), rappellent le rôle des vétérinaires comme experts du bien-être animal. Arnaud Bazin souligne qu’après avoir longtemps été les M. Jourdain de la discipline, les vétérinaires bénéficient désormais de la reconnaissance de leur expertise en la matière, leur formation scientifique apportant une plus-value à leur engagement associatif sur le terrain auprès des ONG. Ayant signé le référendum d’initiative partagée (RIP), Loïc Dombreval a appelé chacun à solliciter ses parlementaires - il en manque encore 45, à l’heure où nous imprimons ces pages - à s’engager en toute connaissance de cause. Le RIP est une proposition de loi, dont les 6 items seront à discuter au sein des deux assemblées : il ne s’agit donc pas pour les parlementaires d’un blanc-seing sur les 6 propositions, même si celle sur l’arrêt de l’élevage des animaux exploités pour leur fourrure semble facile à valider, de bon sens - Covid oblige, en prime - avec un accompagnement des éleveurs. L’arrêt des chasses traditionnelles, plaide Loïc Dombreval, est légitime pour celles qui sont cruelles (véneries souterraines, chasse à la glu) mais n’obère pas toute forme de chasse dans un cadre plus respectueux.

Des sauvetages réussis

S’appuyant sur des compétences vétérinaires et juridiques, l’OABA est sollicitée au quotidien par l’État, comme le détaille la cheffe de service adjointe DDCSPP de Haute-Saône, Edwige Fleutiaux. Chaque année les signalements sont en augmentation constante : des troupeaux sont laissés à l’abandon ou, pire, avec des cadavres dissimulés grossièrement, des animaux mourant de faim et de soif, dont l’état de souffrance impose une saisie et un placement immédiat. Or l’État ne dispose pas de services sociaux pour les veaux, les vaches et les troupeaux. Ainsi l’OABA met à sa disposition gracieusement ses fermes du bonheur (35 à ce jour), une partie de son équipe avec son directeur général Frédéric Freund, à la fois juriste et homme de terrain, et Max Josserand, qui sait transporter avec ménagement des animaux en grand état de faiblesse, et n’oublie pas, malgré les faits légitimement et juridiquement reprochables aux éleveurs responsables des maltraitances, de protéger ces derniers contre eux-mêmes, les envoyant chez leur médecin, pour une prise en charge médicale qui en a sauvé plus d’un du pire.

Lorsque les vétérinaires traitants ou ceux de la DDPP constatent des problèmes d’identification, c’est un symptôme d’alerte du début des maltraitances souvent par négligence, frappant plus les bovins, alors qu’à côté un même éleveur peut très bien manager correctement son élevage de pondeuses, par exemple.

Une étiquette parlante pour le consom’acteur

La visibilité pour le consom’acteur, responsable des produits d’origine animale qu’il achète, a été un projet d’étiquetage initié par la LFDA (La Fondation droit animal, éthique et sciences), et son président Louis Schweitzer, avec le groupe Casino et les producteurs de volailles, auquel l’OABA s’est immédiatement associée, et où le CIWF et Welfarm les ont rejoints, ainsi que Carrefour et les magasins U, enseignes concurrentes de Casino. Les trois acteurs de la grande distribution ont reçu le prix de l’OABA pour l’étiquette Bien-Être Animal, qui affiche les 5 niveaux de bien-être animal. Après les volailles, le référentiel est en cours d’élaboration pour le porc, et sera étendu aux autres espèces.

L’obligation d’insensibilisation (étourdissement) préalable à la saignée est un des 230 critères, dont l’absence dévalorise le produit en classe E, minimale. À terme, l’OABA espère pouvoir obtenir une étiquette précisant le mode d’abattage. La liberté de conscience doit être respectée jusque dans l’assiette.

Dans le cadre de l’expérimentation sur l’abattage à la ferme, Émilie Jeannin, éleveuse de Charolaises, présidente du Bœuf éthique, a reçu le prix de l’OABA pour son projet d’abattoir mobile, avec une levée de fonds d’1,8 M€, qui dès janvier 2021 devrait permettre aux éleveurs de reprendre la main sur les conditions d’abattage, sans imposer à leurs bêtes le stress du transport, de l’attente, etc.

Après la victoire historique de l’OABA contre le ministère de l’Agriculture, l’INAO et Ecocert, en Cour de justice de l’Union européenne, au terme de sept années de procédure, l’OABA a dit sa déception devant les mesures proposées par Didier Guillaume en janvier 2020, incapable d’interdire purement et simplement la castration des porcelets.

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AMÉLIORATION DES PRATIQUES EN ABATTOIRS VOISINS

Notre confrère Michel Courat, honoré par la médaille de l’OABA, dit sa profonde satisfaction d’être contacté régulièrement par des représentants de tous les grands groupes de distribution afin de poursuivre le travail d’amélioration des pratiques en abattoirs, à la suite d’audits diligentés souvent plusieurs années auparavant et qui continuent à être utiles. En revanche, il souligne les instructions illégales que la DGAL persiste à donner aux vétérinaires en abattoir, instructions qui la placent en infraction sur 4 points essentiels, selon les propos de la Commission européenne, qui a répondu noir sur blanc mi-juillet à ses interrogations. Ainsi la DGAL, qui avait été invitée mais n’était pas représentée à l’AG :

- tolère l’utilisation d’aiguillon électrique sur les porcs charcutiers, pratique rencontrée dans tous les abattoirs français, alors que cette pratique est interdite ;

- tolère le dépeçage des bêtes sans contrôle préalable que leur mort soit attestée, alors même que ce contrôle est un point essentiel et obligatoire. L’obligation du temps d’attente ne suffit pas ;

- tolère l’arrivée des bêtes pendant la nuit dans les abattoirs, sans contrôle systématique de chaque bête avant d’être abattue par un salarié de l’abattoir ;

- ferme les yeux sur l’absence de contrôle individuel des animaux avant leur abattage. Au lieu de 100 % on est à 10 % des abattoirs qui fonctionnent en conformité avec la réglementation.

Dans certains abattoirs que Michel Courat a audités, 2 % seulement des animaux sont inspectés avant abattage. Sur 10 000 porcs abattus par jour ainsi, 1 500 seulement sont inspectés, ce qui laisse un risque sanitaire planer sur les 8 500 porcs non inspectés.