HÉMATOLOGIE
PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
FORMATION
Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS
CONFÉRENCIER
BENOÎT RANNOU, diplomate ECVCP & ACVP (option pathologie clinique), responsable d’Azurvet à Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes).
Article rédigé d’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac, en novembre 2019, à Lyon.
La lymphocytose est une anomalie hématologique rare (sur 8 000 hémogrammes, elle a été mise en évidence dans 2,35 % des cas chez le chien et 0,54 % chez le chat1), qui peut être découverte de façon fortuite. Les causes et le pronostic des a ections responsables de lymphocytose sont variables, du stress adrénergique à la leucémie.
Une lymphocytose rapportée par un automate n’est pas toujours significative ni avérée. Pas toujours significative car, comme tout paramètre biologique, il existe un risque de détecter une valeur en dehors de l’intervalle de référence sans que cela ne soit secondaire à une maladie. Il faut en effet se rappeler que, généralement, les intervalles de référence sont constitués de telle sorte qu’ils comprennent les valeurs de 95 % des sujets en bonne santé. Ainsi, pour un paramètre donné, il faut s’attendre à ce qu’un animal en bonne santé sur 20 (5 %) présente une valeur en dehors de l’intervalle de référence – cette valeur reste cependant proche des limites de l’intervalle de référence. Il est également possible que cette lymphocytose ne soit pas réelle. En effet, les automates d’hématologie peuvent notamment compter des globules rouges nucléés (lors d’anémie régénérative ou de dysérythropoïèse) et des granulocytes neutrophiles non segmentés (lors de processus inflammatoires modérés à sévères) comme des lymphocytes et surestimer ainsi le comptage lymphocytaire. Afin de détecter ces erreurs, il convient de s’assurer de l’absence d’alarme donnée par l’automate – auquel cas le prélèvement et/ou l’analyse doivent être renouvelés – et d’inspecter les graphiques générés par l’automate. Pour ceux effectuant un différentiel par variation d’impédance, le pic des lymphocytes doit être bien individualisé par rapport à celui des granulocytes neutrophiles, alors que pour les automates effectuant un différentiel par cytométrie de flux, c’est le nuage de points qui doit être séparé de celui des monocytes et des granulocytes neutrophiles principalement. Pour confirmer de manière certaine la lymphocytose, l’examen du frottis sanguin est nécessaire.
Le frottis sanguin est également indispensable pour caractériser la lymphocytose. Un lymphocyte normal mesure 1,5 à 2 fois la taille d’un globule rouge, a un cytoplasme peu abondant, un noyau rond et une chromatine dense (mottée), généralement sans nucléole visible. Les lymphocytes activés, rares, font 2 à 3 fois la taille d’un globule rouge, ont un cytoplasme basophile et une chromatine moins condensée. Ils sont notamment présents lors d’un processus inflammatoire ou d’une vaccination récente. Les lymphocytes à grains (lymphocytes T ou natural killer) sont plus rarement observés.
Lors de leucémie aiguë ou de lymphome de stade V, tout ou partie du contingent lymphoïde est composé de cellules blastiques de taille et forme variables selon le type de leucémie ou de lymphome.
→ Si la lymphocytose concerne des lymphocytes matures, cas le plus fréquent, il convient d’éliminer le stress adrénergique, cause physiologique, notamment chez le jeune et chez le chat. Cette lymphocytose semble secondaire à une perte d’adhérence des lymphocytes aux parois de l’endothélium et à une augmentation du flux sanguin sous l’effet de l’adrénaline. En cas de doute, il convient de renouveler le prélèvement et l’analyse quelques heures plus tard.
Ensuite, les maladies inflammatoires chroniques génèrent une hyperplasie lymphoïde avec une augmentation des lymphocytes dans le courant circulant (rare). Les principales maladies rapportées comme cause de lymphocytose chez le chien sont les maladies transmises par les tiques (ehrlichiose, babésiose), la leishmaniose, le pyomètre chez la chienne. La lymphocytose peut être importante lors d’ehrlichiose (> 20 000 cellules/µl) et est souvent caractérisée par des lymphocytes à grains. Chez le chat, il convient de penser à l’anémie hémolytique auto-immune (AHAI), la toxoplasmose, l’anaplasmose, les mycoplasmoses et le FIV. L’hématologie, la sérologie et la PCR complètent alors la démarche.
L’hypocorticisme chez le chien, parce que les glucocorticoïdes inhibent la production de lymphocytes en favorisant l’apoptose, peut être accompagné d’une légère lymphocytose (dans 5 à 20 % des cas). Une lymphocytose modérée peut être également rencontrée lors de thymome, chez le chien ou le chat, et d’hyperthyroïdie, chez le chat. Des examens d’imagerie et d’endocrinologie sont alors nécessaires.
Enfin, la lymphocytose dans les phénomènes néoplasiques dépasse souvent 20 à 30 000 cellules/µl. Leucémie et lymphome à petites cellules évoluent à bas bruit et leur découverte peut être fortuite avec des comptages très élevés : au frottis, les lymphocytes sont matures, sans anomalie. Une cytologie, une cytométrie de flux et un test de clonalité permettent d’explorer et confirmer l’hypothèse.
→ La présence de lymphocytes immatures (cellules blastiques) oriente vers une hémopathie maligne (leucémie aiguë ou lymphome de stade V). Une leucémie lymphoïde aiguë se traduit par un comptage très élevé, une évolution aiguë, une hépatomégalie et/ou une splénomégalie, mais une adénopathie modérée puisque l’origine est la mœlle osseuse hématopoïétique. Elle est souvent associée à des cytopénies par étouffement des autres lignées sanguines dans la mœlle. Le lymphome de stade V est caractérisé par une adénomégalie marquée mais rarement associé à des cytopénies. Le myélogramme et la ponction des nœuds lymphatiques permettent d’établir le diagnostic. Des colorations spéciales et l’immunomarquage sont nécessaires.
1. Piane L., Beretvas J., Prevost M. et coll., Lymphocytose chez le chien et le chat : étude rétrospective sur 142 cas. Pratique médicale et chirurgicale de l’animal de compagnie, Revue vétérinaire clinique, AFVAC ; 2015 ; 50(2) : 79-80.