ARRÊTER LA CASTRATION DES PORCELETS, VŒU PIEUX OU OBJECTIF ATTEIGNABLE ? - La Semaine Vétérinaire n° 1870 du 09/10/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1870 du 09/10/2020

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : TANIT HALFON

La question de la castration des porcelets divise depuis plusieurs années. Si la France s’était initialement engagée à l’arrêter en 2018, c’est finalement la castration à vif qui sera officiellement interdite pour la fin de l’année 2021. Pour y parvenir, les éleveurs auront le droit d’utiliser des anesthésiques locaux. En parallèle, la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) a récemment pris position pour l’arrêt de la castration chirurgicale, et a rappelé l’intérêt de l’immunocastration.

POSSIBLE EN CIRCUIT COURT

ALAIN MAYER (L 89)

Vétérinaire porcin à Vouziers (Ardennes)

La recherche génétique ne permet pas encore de pouvoir sélectionner de manière satisfaisante des verrats sans odeur, et je ne crois pas qu’on puisse espérer des résultats sur le court terme. À ce jour, je pense donc que la seule solution possible pour arrêter la castration est l’immunocastration. Il y a des débouchés en circuit court, avec des éleveurs qui sont demandeurs, mais il faudrait revoir le conditionnement des vaccins, qui n’est pas adapté à des cheptels de petite taille. En revanche, il y a plus de freins au niveau des filières organisées dans lesquelles il y a un manque de confiance entre l’amont, et l’aval. Pour y remédier, il faudrait en passer par une vaccination certifiée, tant sur la réalisation de la vaccination que le délai entre la deuxième injection et l’abattage des animaux, afin de rassurer les abatteurs dont les marges sont bien trop faibles pour qu’ils prennent tout risque de se retrouver avec un stock de carcasses malodorantes ou sèches et fermes. Dans ces filières, se pose aussi la question du coût : qui va payer le surplus lié à la vaccination ?

ENCORE DES OBSTACLES À SURMONTER

ANOUCK LEMISTRE (T 02)

Vétérinaire porcin Chêne Vert Conseil à Lécousse (Ille-et-Vilaine)

Je pense comme la majorité des vétérinaires qu’il faut s’engager vers un arrêt de la castration chirurgicale. Les obstacles, encore nombreux, devront être surmontés collectivement. En effet le sujet est complexe, et englobe aussi bien des questions de bien-être - des animaux et des éleveurs -, que des problématiques de qualité des produits. Je pense donc que plusieurs filières de production cohabiteront, celle des mâles entiers, immunocastrés ou pas, et peut-être celle des mâles castrés, avec des problématiques spécifiques pour chacune d’entre elles. Pour les mâles entiers, les abatteurs devront développer des méthodes suffisamment efficaces pour qualifier les carcasses. Pour les immunocastrés, se pose la question de l’acceptabilité sociétale, mais aussi celle de l’organisation de travail pour les éleveurs. Pour la castration, l’anesthésie locale n’est pas suffisante pour gérer efficacement la douleur, et requiert plus de temps de travail pour l’éleveur. L’anesthésie générale, si elle est autorisée, ne pourra concerner qu’un marché de niche, celui des très gros élevages.

AUTORISER L’ANESTHÉSIE GAZEUSE POUR CERTAINES FILIÈRES

OLIVIER MANIAVAL (T 02)

Vétérinaire porcin réseau cristal à l’Union (Haute-Garonne)

Je pense que la part de porcs non castrés va fortement augmenter dans la production standard. Néanmoins, arrêter cette pratique sera difficilement envisageable pour les filières avec cahiers des charges haut de gamme, comme les races locales, les labels…au risque de perdre totalement la qualité gustative de la viande (saveur, onctuosité, etc.) qui les caractérisent. Pour conserver ces filières, il faudra les accompagner dans la mise en œuvre d’une anesthésie générale dans les exploitations, l’anesthésie locale n’étant clairement pas suffisante à mon sens pour gérer la douleur chirurgicale. Cela se fait déjà dans d’autres pays, preuve que cette pratique est possible. Pour ma part, je serais favorable à encadrer l’usage des anesthésiques généraux par les éleveurs. Dans cette optique, se poserait la question du coût, mais je pense qu’un coût additionnel pourrait être accepté.