GASTRO-ENTÉROLOGIE
PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
FORMATION
Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO
CONFÉRENCIER
YANNICK BONGRAND, diplômé ACVIM, spécialiste en médecine interne à la clinique Alliance (Bordeaux).
Article rédigé d’après une présentation faite à France Vet à Paris en juin 2019.
Les affections de l’œsophage sont variées et se regroupent en 3 catégories : les troubles de la motilité, les inflammations et les obstructions ou occlusions. Les signes cliniques sont généralement identiques quelle que soit l’affection en cause. Il s’agit le plus souvent de régurgitations et de difficultés lors de la déglutition. Une hypersalivation, une perte de poids, une dysorexie ou une pneumonie par fausse déglutition sont également parfois observées. Lors d’un trouble congénital, un retard de croissance peut être constaté.
→ Un mégaœsophage est une affection caractérisée par une hypomotilité de l’œsophage conduisant à une dilatation généralisée de celui-ci. Il peut être congénital : une prédisposition raciale est constatée notamment chez le siamois, le berger allemand, le dogue allemand, le labrador. La physiopathologie est inconnue mais un défaut d’afférence sensitive est suspecté. Un mégaœsophage est le plus souvent acquis et observé chez des chiens âgés. Le mégaœsophage idiopathique est l’affection la plus fréquemment constatée. Les autres causes sont les suivantes : maladies endocriniennes (hypoadrénocorticisme, hypothyroïdie), myasthénie, et, plus rarement, intoxication au plomb, lupus érythémateux systémique, polymyopathies, polyneuropathies, dysautonomie, œsophagite sévère et généralisée.
→ La radiographie thoracique est l’examen à privilégier en cas de suspicion. La présence d’une dilatation généralisée, généralement aérique (parfois liquidienne avec résidus alimentaires) de l’œsophage, ainsi que la visualisation de sa paroi (présence de deux lignes d’opacité tissulaire convergentes vers le cardia dans le médiastin caudal) suffisent à établir le diagnostic de mégaœsophage. Lors d’une anesthésie ou d’aérophagie (animal en polypnée), il est également possible d’observer une dilatation modérée de l’œsophage. L’intérêt de la radiographie thoracique est aussi de pouvoir détecter d’éventuelles complications telles qu’une pneumonie par fausse déglutition (opacification pulmonaire alvéolaire).
→ Lors de formes acquises, il s’agit ensuite d’en rechercher l’origine. Le mégaœsophage idiopathique est un diagnostic d’exclusion. Il est nécessaire de systématiquement rechercher une myasthénie grave (y compris chez un chien sans signe systémique) par dosage des anticorps anti-récepteur à l’acétylcholine, puis des causes endocriniennes : exploration d’une hypothyroïdie, dosage du cortisol basal et éventuellement post-stimulation à l’ACTH pour rechercher un hypoadrénocorticisme (attention, dans ce cas, le mégaœsophage peut être induit par une carence uniquement en glucocorticoïdes, il n’y a donc pas nécessairement des troubles électrolytiques associés). Les autres causes sont explorées par des examens complémentaires spécifiques en fonction du contexte clinique.
→ Le traitement est étiologique si une cause a été déterminée. Dans le cas contraire, le traitement est principalement hygiénique : faciliter le transit des aliments en administrant des repas fractionnés, légèrement surélevés. Ramollir la consistance des aliments est utile pour certains chiens. Lors de cas très sévères, une sonde de gastrotomie peut être posée. Une étude récente sur des chiens présentant un mégaœsophage congénital a permis d’obtenir une diminution du nombre de régurgitations en utilisant du sildénafil à 1 mg/kg, deux fois par jour1. Cette molécule agirait sur le relâchement du cardia, permettant de faciliter le passage des aliments. Des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer l’intérêt de ce traitement, notamment lors de formes acquises.
Une malformation des artères principales peut entraîner un étranglement de l’œsophage. La persistance du 4e arc aortique droit est l’anomalie vasculaire la plus fréquente : lorsque l’aorte est issue de l’arc aortique droit (à la place de l’arc aortique gauche), elle est décalée à droite, l’œsophage et la trachée sont donc étranglés entre l’aorte à droite, le tronc pulmonaire à gauche et le ligament artériel qui relie l’aorte et le tronc pulmonaire. Le resserrement de l’œsophage induit ce qui est appelé un jabot œsophagien. Une prédisposition raciale est constatée chez le berger allemand et le setter irlandais. L’animal atteint présente des régurgitations depuis le sevrage ainsi qu’un retard de croissance. La radiographie thoracique permet de déceler la présence d’un jabot œsophagien, dont la localisation est fortement évocatrice d’une anomalie de l’anneau vasculaire (dilatation œsophagienne proximale qui s’arrête à la base du cœur). Le diagnostic de certitude est obtenu par la réalisation d’un angioscanner. Le traitement est chirurgical (ligature et section du ligament artériel). Il est conseillé d’intervenir le plus tôt possible afin de limiter le développement du jabot œsophagien qui pourrait entraîner des signes cliniques irréversibles.
Les œsophagites sont des inflammations de la paroi de l’œsophage, dont les causes sont multiples : présence d’un corps étranger, ingurgitation d’une substance irritante ou chaude, d’un médicament (doxycycline chez le chat, clindamycine), reflux gastro-œsophagiens, vomissements chroniques, etc. Une œsophagite chronique entraîne une hypomotilité focale ou généralisée, voire une sténose. Le diagnostic est réalisé par endoscopie. À la radiographie thoracique, il est parfois possible d’observer une légère rétention liquidienne. Le traitement est symptomatique : utilisation d’un anti-sécrétoire (oméprazole 1 à 1,5 mg/kg par voie orale, deux fois par jour), d’un protecteur de la muqueuse (sucralfate 0,5 à 1 g, trois fois par jour) associés à une fragmentation des repas en éliminant les aliments gras. En cas de reflux gastro-œsophagiens, le métoclopramide (0,2-0,4 mg/kg, trois fois par jour) est préconisé.
La hernie hiatale est une protrusion d’un ou plusieurs organes abdominaux (généralement l’estomac) dans la cavité thoracique à travers le hiatus œsophagien du diaphragme. Les hernies hiatales sont congénitales (prédisposition des shar pei, chow-chow, bouledogues, carlins, boston terriers) ou acquises (traumatisme, obstruction des voies respiratoires hautes). Elles peuvent également résulter d’une combinaison de facteurs congénitaux (races brachycéphales) avec aggravation ultérieure par obstruction des voies respiratoires supérieures. Le traitement est généralement médical (même traitement que lors d’œsophagite), sauf dans les cas sévères où il est chirurgical.
Ils se retrouvent le plus souvent au niveau des sites physiologiques de rétrécissement : entrée de la poitrine, base du cœur ou hiatus œsophagien. Le diagnostic s’établit par radiographie thoracique ou endoscopie. La présence chronique d’un corps étranger dans l’œsophage peut entraîner une nécrose voire une sténose de la partie concernée de l’œsophage. Un traitement de l’œsophagite secondaire est indispensable.
Les sténoses apparaissent le plus souvent lors d’œsophagite profonde, en raison du développement de lésions fibrotiques, induisant un rétrécissement de la lumière œsophagienne. La radiographie thoracique avec produit de contraste peut permettre de mettre en évidence un rétrécissement marqué de l’œsophage. L’endoscopie est également un outil diagnostique mais aussi thérapeutique (dilatation de la sténose à l’aide d’un cathéter à ballonnet, en association avec un traitement médical de l’œsophagite). Deux à quatre interventions sont généralement nécessaires avec un intervalle de 3 à 5 jours. En cas d’échec, la mise en place d’un stent œsophagien peut être envisagée. En 2018, une équipe2 a testé l’application dans l’œsophage d’un tube d’œsophagostomie couplé à un système de dilatation, mais il n’y a pas encore assez de recul pour recommander cette technique actuellement.
Les tumeurs œsophagiennes primaires sont rares, il s’agit essentiellement de carcinomes épidermoïdes ou de sarcomes. Des granulomes parasitaires (spirocercose en outre-mer) et des abcès para-œsophagiens sont également décrits.
1. Quintavalla F., Menozzi A., Pozzoli C. et coll., Sildenafil improves clinical signs and radiographic features in dogs with congenital idiopathic megaœsophagus : a randomised controlled trial, Vet Rec., 2017;180(16):404.
2. Tan D.K., Weisse C., Berent A. et coll., Prospective evaluation of an indwelling esophageal balloon dilatation feeding tube for treatment of benign esophageal strictures in dogs and cats, J Vet Intern Med., 2018;32(2):693-700.