Abattage sans étourdissement : les observations de l’OABA - La Semaine Vétérinaire n° 1871 du 16/10/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1871 du 16/10/2020

TRIBUNE

COMMUNAUTÉ VÉTÉRINAIRE

Auteur(s) : JEAN-PIERRE KIEFFER

Fonctions : président de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA )

Après la publication des conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), notre confrère Jean-Pierre Kieffer, président de l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), livre ses observations.

En 2019, la Flandre puis la Wallonie ont pris des mesures visant à interdire l’abattage des animaux sans étourdissement préalable. Ces mesures, motivées par des considérations de protection animale, ont immédiatement été critiquées par les représentants des deux communautés religieuses concernées. La Cour constitutionnelle belge a été saisie aux fins d’annulation de cette interdiction de l’abattage sans étourdissement, au motif qu’elle violerait la liberté de culte. Consciente des enjeux posés par cette question, en matière de droits fondamentaux et de protection animale, la haute juridiction belge a décidé d’adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

L’information du consommateur

Les conclusions de l’avocat général de la CJUE, Gerard Hogan, publiées le 10 septembre 2020, ont déjà fait couler beaucoup d’encre. Mais peu de commentateurs ont relevé l’opinion de l’avocat général sur la nécessaire information du consommateur. Informer le consommateur sur le mode d’abattage des animaux n’est nullement une priorité du gouvernement français. Pour preuve, les récentes discussions au sein du Conseil national de l’alimentation en vue d’élaborer un étiquetage « Bien-être animal » fondé exclusivement sur les modes d’élevage, sans référence aux pratiques d’abattages… Pourtant, on sait que certaines viandes issues d’animaux abattus sans étourdissement peuvent se retrouver dans le circuit général, au mépris de la liberté de conscience des consommateurs qui ne veulent pas consommer ce type de viande, pour des raisons éthiques.

À cet égard, l’avocat général rappelle dans ses conclusions qu’il est de la responsabilité de l’État de s’assurer, « lorsque les viandes sont issues d’animaux qui ont été tués sans étourdissement préalable, que ce soit clairement indiqué pour tous les consommateurs ». Selon lui, la viande résultant d’un abattage selon des rites religieux consommée par des clients « qui n’ont pas connaissance - ni été informés - de la manière selon laquelle il s’avère que l’animal a été abattu ne serait conforme ni à l’esprit ni à la lettre de l’article 13 du TFUE1 ». En effet, si l’État est tenu de respecter les convictions religieuses des citoyens, il doit « tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux, en tant qu’êtres sensibles ».

La position de l’avocat général rejoint d’ailleurs celle de la Commission européenne qui, dans deux réponses parlementaires des 20 août et 27 novembre 2019, a clairement précisé que les États membres étaient tenus de veiller à ce que « la réglementation [de l’abattage rituel] soit appliquée uniquement pour répondre à des besoins religieux ». En conséquence, les États membres doivent « veiller à ce que la viande [provenant d’abattages réalisés sans étourdissement] ne se retrouve pas sur le marché général, y compris au moyen de mécanismes appropriés d’étiquetage et de traçabilité ».

Le gouvernement français serait bien inspiré de suivre ces recommandations. Lui qui ne jure que par la « complémentarité des circuits », ce système avalisé par une note de service de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) du 26 septembre 2012, qui autorise tout ou partie de la carcasse d’un animal abattu sans étourdissement à se retrouver dans le circuit conventionnel, à l’insu du consommateur. Une pratique trompeuse dénoncée par l’OABA qui a déposé, le 17 juin 2020, une requête devant le Conseil d’État afin d’obtenir la traçabilité des viandes et de leurs circuits de distribution.

1. Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

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