GESTION DE LA SÉCHERESSE : QUAND ET COMMENT COMPLÉMENTER ? - La Semaine Vétérinaire n° 1871 du 16/10/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1871 du 16/10/2020

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

CONFÉRENCIER

JULIEN CLÉMENT, vétérinaire à Hasparren (Pyrénées-Atlantiques), membre de la Commission vaches laitières de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires, SNGTV).

Article rédigé d’après une conférence présentée lors des Journées nationale de la SNGTV, du 15 au 17 mai 2019.

Face aux épisodes de sécheresse de plus en plus récurrents depuis le début des années 19901, pour assurer la pérennité des exploitations bovines françaises avec une gestion optimale, il est intéressant pour les éleveurs de connaître les mesures à mettre en place. À cet égard, on peut distinguer plusieurs types de sécheresse : météorologique, déficit prolongé de précipitations ; agricole, déficit en eau des sols superficiels (entre 1 et 2 m de profondeur) ; ou hydrologique, niveaux anormalement bas des lacs, rivières ou nappes souterraines. La sécheresse agricole dépend des précipitations, de l’humidité, de la température de l’air, du vent mais aussi de la nature des plantes et des sols et de l’évapotranspiration des plantes. De même, la sécheresse hydrologique dépend des précipitations mais aussi de l’état du sol influant sur le ruissellement et l’infiltration.

À quel moment complémenter ?

Or, même en l’absence d’épisodes de sécheresse avérés, la gestion du manque d’herbe en été est désormais devenue la règle sur une grande partie du territoire. C’est pourquoi, l’éleveur peut agir par complémentation des bovins. En premier lieu, celle-ci doit être mise en place pour préserver le capital « fourrages » et non pas le capital « animaux ». En effet, si les pâtures ont été surpâturées, cela compromettra fortement le potentiel de repousse lors de la période de stress hydrique, mais également lors de la reprise des précipitations après l’été. En second lieu, comme l’a indiqué Julien Clément, en situation de sécheresse avérée et d’absence de pousse d’herbe, on pourra conseiller à l’éleveur de « sacrifier » quelques parcelles « parking » proches de l’exploitation contenant si possible des zones ombragées et où l’abreuvement est le plus aisé, afin de préserver les autres parcelles du surpâturage. D’ailleurs, en cas de pâturage continu, il est recommandé de ne pas hésiter à clôturer une portion de la parcelle sur laquelle on va maintenir les vaches pour les alimenter.

Qui complémenter ?

En ce qui concerne les animaux, lorsque la situation de sécheresse est constatée et que le déficit fourrager est à craindre, il est primordial pour l’éleveur d’adapter son cheptel à ce défi. Pour cela, le conférencier conseille à l’éleveur de détecter au plus vite les vaches à réformer par la réalisation d’échographies, de faire partir un peu plus tôt les vaches proches de la réforme s’il y en a, et de placer un maximum de bovins en situation de besoins physiologiques « minimaux ». Ainsi, sevrer précocement les veaux à partir de 6 mois d’âge permettra de placer leurs mères dans un lot déjà constitué de vaches non laitières et de vaches en début de gestation (jusqu’à 7 mois de gestation) que l’on pourra sous-alimenter avec le moins de conséquences zootechniques possibles. Il peut être intéressant pour le vétérinaire de considérer avec l’éleveur les différents lots d’animaux présents et de voir ce qu’ils peuvent supporter en termes de sous-alimentation.

Des besoins variés

En élevage allaitant, il est important que les vaches suitées, les jeunes veaux (surtout les mâles), les génisses de 12-18 mois en vêlages précoces (avant 32 mois) ainsi que les vaches en fin de gestation (2 derniers mois) ne soient pas sous-alimentées (ou peu…). Pour les autres animaux (vaches taries, gestantes et génisses gestantes jusqu’au 7e mois, génisses de renouvellement en vêlage tardif), si l’on surveille leur état corporel, ils pourront puiser dans leurs réserves avec un impact zootechnique limité. Toutefois, en dessous d’un état corporel de 1,75 à 2, il deviendra dangereux de continuer à faire maigrir l’animal, met en garde le conférencier. En élevage laitier, toutes les catégories d’animaux devront être complémentées correctement, que ce soit les laitières (sous peine de sous-production), les taries (pas d’amaigrissement durant le tarissement) ou les génisses (car les vêlages précoces sont quasi systématiques de nos jours). Le travail du vétérinaire sera de faire prendre conscience à l’éleveur que les catégories d’animaux non productifs (taries et génisses) ne doivent pas être négligées même en ces temps difficiles, a indiqué Julien Clément.

Comment et avec quoi complémenter ?

Pour les vaches allaitantes « fragiles », il convient d’éviter de donner de la paille. La ration à privilégier devrait comporter 2 à 3 kg de concentré à 18 % de matière azotée totale (MAT) (ou un mélange fermier type 75 % maïs – 25 % tourteau de soja) et 150 g de compléments minéraux et vitamines (CMV). Il est aussi possible de donner des fourrages plus riches (ensilages et enrubannés), à volonté ou rationnés selon leurs valeurs nutritives (analyses conseillées pour ensilage et enrubanné d’herbe) en complément d’un CMV. Les veaux doivent être nourris avec un aliment veaux 18 % MAT. Quant aux animaux « robustes », ils peuvent avoir une ration constituée de foin à volonté (voire légèrement rationné…), associé à un CMV ou de paille mélassée (plutôt mélasse de betterave) à volonté et de 2 kg de concentré à 20 % avec un CMV riche en calcium. En élevage laitier, les génisses et les taries doivent avoir du foin à volonté associé à 2 kg de concentré 18 %, à 150 g de CMV, à un enrubanné à volonté ou rationné selon analyses et à un CMV. Il est recommandé par ailleurs de rentrer les taries trois semaines avant vêlage en gérant le bilan alimentaire cation anion (BACA) individuellement (par exemple, distribution de chlorure de magnésium lorsque les vaches sont attachées). Quel que soit le type d’élevage, les coproduits (maïs doux, pomme de terre, pulpe de betterave surpressée, carottes…), issus de l’industrie agroalimentaire, peuvent aussi permettre de combler un déficit fourrager. Cependant, il est important de se renseigner sur la valeur alimentaire de ces aliments, sur leurs limites d’incorporation (cf. fiches alimentation de la SNGTV), sur leur prix et, pour les coproduits humides, sur leur taux de matière sèche.

Des conditions d’élevage à respecter

Dans les situations de restriction alimentaire relative, il est important de veiller à un accès de tous les animaux à l’auge, sous peine de compétition importante et donc de privation pour les vaches dominées. On préférera donc, lorsque c’est possible, les solutions avec attache individuelle (cornadis ou attache à l’auge), en système d’auge avec accès libre, voire le dépôt d’alimentation au sol, en veillant à avoir la longueur adaptée au nombre d’animaux (50 cm par veau, 65 cm par génisse, 90 cm par vache). De plus, étant donné que durant la période de sécheresse l’éleveur est quasiment toujours obligé de puiser dans ses réserves hivernales de fourrage, il est primordial de réaliser un bilan fourrager pour pouvoir anticiper les éventuels achats d’aliments à réaliser. Le vétérinaire peut alors assister l’éleveur dans cette tâche, par le comptage et la pesée des boules de foin, d’enrubanné (attention au taux de matière sèche !) ou de paille, et par le cubage des silos de maïs, de céréales immatures ou d’herbe.

1.www.bit.ly/2SFeQOf