INNOVATIONS EN COURS POUR L’ARTHROSE - La Semaine Vétérinaire n° 1872 du 23/10/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1872 du 23/10/2020

BIOTHÉRAPIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO

La mise au jour de nouvelles voies neurobiologiques impliquées dans les douleurs arthrosiques permet d’envisager de nouveaux traitements, dont les anticorps monoclonaux anti-NGF.

La World Small Animal Veterinary Association (WSAVA), en partenariat avec Zoetis, a organisé deux webinaires, les 16 et 17 septembre 20201, sur les avancées scientifiques concernant l’arthrose chez le chien et le chat. La découverte de nouvelles voies neurobiologiques mises en cause dans les douleurs arthrosiques permet d’envisager le développement de traitements innovants. Les conférences ont été présentées par Duncan Lascelles, professeur de chirurgie et de prise en charge de la douleur à l’université de l’État de Caroline du Nord et membre du Global Pain Council de la WSAVA.

Un mal largement sous-estimé

Les dernières données démontrent que la prévalence des douleurs arthrosiques est élevée et qu’elle reste largement sous-estimée. Ainsi 37 % des chiens et 40 % des chats auraient des douleurs arthrosiques chroniques. Celles-ci n’entraînent pas seulement des difficultés locomotrices, mais induisent des effets délétères sur l’ensemble de l’organisme. Elles provoquent une détérioration musculo-squelettique, un déclin cognitif et affectif, ainsi qu’une altération du sommeil et de l’anxiété, ce qui peut perturber les relations sociales de l’animal et sa qualité de vie.

Le rôle de l’inflammation neurogène

L’arthrose résulte de la dégradation progressive du cartilage. Générés dans l’articulation, les signaux de douleur sont transmis à la mœlle épinière, puis au cerveau où ils sont perçus. Les douleurs arthrosiques découlent d’un processus complexe faisant intervenir de nombreux facteurs. Les avancées scientifiques ont permis de mettre en évidence le rôle du facteur de croissance nerveuse (Nerve Growth Factor, NGF) dans la transmission de la douleur associée à l’arthrose. Au cours du développement, cette neurotrophine contribue à la survie, la croissance et la différenciation neuronales. Chez l’adulte, sa surexpression a un rôle pro-nociceptif. Le NGF est produit par les tissus lésés et par les cellules inflammatoires, son taux est élevé au sein des articulations arthrosiques. Le NGF se lie aux récepteurs TrkA présents sur les terminaisons nerveuses périphériques, ce qui active le signal nociceptif, altère le fonctionnement du nerf et augmente la sensibilisation globale aux stimuli douloureux locaux. Ces phénomènes entraînent une sensibilisation centrale. Le NGF se lie également aux récepteurs TrkA sur les cellules inflammatoires, conduisant à la libération de médiateurs pro-inflammatoires et l’excrétion de davantage de NGF, ce qui alimente le cercle vicieux de la douleur et de l’inflammation.

Traitements : actualités et perspectives

Il n’existe pas de traitement étiologique de l’arthrose. Le plan thérapeutique doit être multimodal et individualisé. Actuellement, les recommandations scientifiques se basent sur les quatre piliers suivants : l’administration de médicaments analgésiques, AINS et piprants ; l’exercice physique ; l’optimisation du poids ; et la gestion alimentaire, par l’apport d’oméga 3 et la restriction calorique. Il n’y a actuellement pas de preuves suffisantes quant à l’efficacité de l’administration de chondroprotecteurs, de tramadol (résultats hétérogènes selon les publications), de la gabapentine (absence de données), et une seule étude a été menée sur l’amantadine, souligne Duncan Lascelles. D’autres analgésiques sont prometteurs, mais les études manquent à ce jour pour pouvoir les recommander (dérivés du cannabidiol, paracétamol, plasma riche en plaquettes, acide hyaluronique, botox, etc.).

De nouvelles pistes sont explorées, dont l’injection intra-articulaire de molécules agissant sur les neurones sensoriels hyperactifs de l’articulation. Cependant, l’espoir le plus important repose sur le développement des anticorps monoclonaux anti-NGF. Spécifiques d’espèce, ils empêchent le NGF de se lier aux récepteurs TrkA, bloquant ainsi les signaux de douleur. Indirectement, ils inhibent la libération des médiateurs proinflammatoires et du NGF par les cellules inflammatoires. Ils ont une durée d’action longue et un faible risque de toxicité. Ils ne traversent pas la barrière hémato-encéphalique. Des études sur les chiens et les chats sont en cours, dont les résultats provisoires sont positifs : une seule injection permettrait de réduire la douleur sur plusieurs semaines. Zoetis travaille actuellement sur la mise en place d’un traitement à base d’anticorps anti-NGF caninisés et félinisés à base d’injections sous-cutanées.

1. Liens des conférences en replay :

www.bit.ly/3iYVNJx

www.bit.ly/3lOvmbl