LÉSIONS SÉVÈRES ET CHRONIQUES DU PYLORE CHEZ LE CHEVAL - La Semaine Vétérinaire n° 1874 du 06/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1874 du 06/11/2020

DIGESTION

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ

Article rédigé d’après Bezdekova B., Wohlsein P. et Venner M., Chronic severe pyloric lesions in horses : 47 cases, Equine Veterinary Journal, 2020 ;52(2) : 200-204.

La pathologie pylorique n’est pas bien décrite chez le cheval ou dans d’autres espèces. Elle peut conduire à l’existence d’une sténose pylorique et un retard de la vidange de l’estomac. La sténose pylorique est définie comme une résistance structurelle à la vidange gastrique du fait de l’ulcération de la muqueuse ou de la présence de polypes qui peuvent provenir d’une inflammation chronique et d’une cicatrisation inadéquate de la muqueuse.

Les chevaux présentant une ulcération chronique au niveau du pylore sont généralement jeunes mais les facteurs de risque n’ont, à ce jour, pas été identifiés du fait du faible nombre de cas décrits. L’historique et les signes cliniques de ces cas sont vagues et non spécifiques. Cette étude rétrospective a pour objectif de décrire la présentation clinique, l’évolution, les découvertes pathologiques ainsi que les facteurs associés à la survie.

Ont été inclus dans l’étude 47 chevaux présentant des lésions chroniques et sévères du pylore. L’âge médian est de 3 ans (0,8-16 ans). La plupart des chevaux (72 %) présentent des signes pour une durée variant entre un mois et plus d’un an avant la consultation : 3 individus (6 %) présentent des signes depuis moins de 7 jours et 9 (19 %) depuis plus de un an. Les motifs de consultation les plus fréquents sont un amaigrissement (40 ; 87 %), des chevaux qui mangent lentement (39 ; 83 %), des coliques récurrentes (35 ; 74 %), un appétit sélectif (30 ; 64 %) et des chevaux fréquemment couchés (27 ; 57 %). En outre, 7 chevaux présentent des éructations (15 %), 5 ont des crottins anormalement petits (11 %), 4 ont des postures atypiques avec une tête en position basse et un polygone de sustentation diminué (9 %), 2 sont raides et réticents à bouger (4 %), 2 présentent du ptyalisme (4%), 2 un abattement permanent (4 %), 1 du bruxisme (2 %) et 1 avait un retard de croissance (2 %).

Hémato-biochimie

Les données de laboratoire sont disponibles pour 28 chevaux : 8 chevaux (29 %) présentent une hypoprotéinémie, 10 une hypoalbuminémie (36 %) avec une albumine comprise entre 24 et 28 g/L ; 1 cheval présente une leucocytose et 5 une concentration en hémoglobine basse.

Échographie abdominale

Les résultats de l’échographie abdominale sont disponibles pour 9 chevaux. L’estomac s’étend caudalement jusqu’au 14e ou 15e espace intercostal pour 6 chevaux (67 %), ce qui est interprété comme une dilatation de l’estomac. Une quantité anormale de liquide abdominal est présent chez 4 chevaux. Aucun cheval ne présente d’épaississement de la paroi de l’estomac ou du duodénum ou toute autre anomalie du tractus digestif.

Gastroscopie

Une endoscopie de l’œsophage et une gastroscopie sont réalisées chez les 47 chevaux. Parmi lesquels 9 chevaux (19 %) présentent un reflux dans l’œsophage distal. Une vidange gastrique ralentie peut être mise en évidence chez 25 chevaux (43 %). Des ulcérations de la muqueuse squameuse de grade 4 sur 4, visibles sur la photo 1, sont mises en évidence chez 40 chevaux (85 %), de grade 3 chez 6 chevaux (13 %) et de grade 2 chez un cheval (2 %). Le pylore est examiné chez 45 chevaux. Il n’est pas possible de passer le gastroscope dans cette région chez 2 chevaux sont confirmés comme présentant une affection chronique du pylore post-mortem. Chez ces 45 chevaux, des lésions chroniques et sévères sont identifiées. Sur 45 chevaux, 6 (13 %) présentent des lésions fibrino-suppurées surélevée mais aussi en dépression alors que d’autres présentent des lésions en creux uniquement (14/45, 31 %), des lésions plates (13/45, 29 %, sur la photo 2) ou surélevées (12/45, 27 %). La motricité du pylore peut être décrite dans 41 cas : elle est absente chez 39 chevaux (95 %) et sévèrement réduite chez 2 chevaux (5 %). Une duodénoscopie peut être réalisée dans seulement 3 cas. Une duodénite est suspectée et confirmée par histologie dans un de ces cas.

Traitement

Différents traitements sont mis en place en fonction de la préférence des cliniciens et des propriétaires. 5 chevaux sont gérés avec des changements de la ration sans traitement anti-ulcéreux spécifique. Au moment du diagnostic, 5 chevaux sont euthanasiés sans aucun essai de traitement. 34 chevaux reçoivent des traitements anti-ulcéreux. La durée du traitement médical recommandé est de 3 semaines : 2 chevaux reçoivent de la cimétidine, 3 un gastro-protecteur à base de plantes et 29 de l’oméprazole avec différents dosages (1 à 4 mg/kg, une fois par jour, per os). En plus de l’oméprazole, 3 chevaux reçoivent de la cimétidine (10 mg/kg, trois fois par jour, PO) ou de la ranitidine (6,6 mg/kg, trois fois par jour, PO), 10 reçoivent des gastro-protecteurs, 5 des antibiotiques (sulphonamides, métronidazole et/ou doxycycline) et 5 reçoivent de la prednisolone. Les propriétaires des chevaux mis sous traitement voient des modifications de régime alimentaire avec peu d’amidon et de l’huile. Un suivi est réalisé chez 13 chevaux qui permet de mettre en évidence une guérison complète des ulcères de la muqueuse squameuse chez 8 chevaux (61,5 %), partielle chez 4 chevaux (30,8 %) et pas d’évolution chez un cheval (7,7 %). Au niveau du pylore, il n’y a aucun changement de l’apparence des lésions chez 9 chevaux (69,2 %). Une amélioration partielle est visible chez 3 chevaux (23,1 %), avec une amélioration minime de la motilité pylorique chez 1 cheval.

Évolution

L’évolution est connue dans 44 cas. Parmi eux, 26 chevaux (59 %) sont euthanasiés. Un traitement a été entrepris chez 21 de ces chevaux non survivants. 18 chevaux ont survécu à long terme avec une durée de suivi comprise entre 6 mois et 6 ans : 13 de ces chevaux ont été traités avec de l’oméprazole et 1 avec de la cimétidine. 5 chevaux ont survécu sans aucun traitement.

La durée des signes cliniques, la présence ou l’absence de coliques récurrentes, un cheval couché fréquemment, une œsophagite et une vidange de l’estomac retardée n’ont pas été associés avec la survie des chevaux.

Discussion

Les ulcères gastriques de la portion glandulaire peuvent affecter l’antre pylorique ou le pylore. Cette affection est souvent associée avec une contre-performance mais le devenir des chevaux présentant ces lésions n’ont pas été bien décrites jusque-là.

Les signes cliniques associés avec des lésions sévères et chroniques du pylore sont non spécifiques. Néanmoins, il est fréquemment rapporté des chevaux qui mangent lentement et qui présentent une perte d’état. Des coliques ont été rapportées pour 3/4 des chevaux. La durée de ces signes cliniques variaient de 1 jour à plusieurs années.

L’endoscopie du pylore est le seul diagnostic possible ante-mortem pour visualiser ces lésions.

La conclusion de cette étude est que les lésions sévères du pylore sont associées à une ulcération chronique, une inflammation, un dysfonctionnement du pylore et une vidange de l’estomac retardée. Les chevaux jeunes au moment du diagnostic ont moins de chance de survivre à long terme par rapport à ceux ayant plus de 3 ans. La prévalence de ces lésions n’a pas pu être liée, à ce jour, à la gestion des chevaux ni aux pratiques alimentaires ou d’autres facteurs de risque.