VIDÉOSURVEILLANCE : L’INFORMATION À COMMUNIQUER - La Semaine Vétérinaire n° 1874 du 06/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1874 du 06/11/2020

NUMÉRIQUE

ENTREPRISE

Auteur(s) : FABRICE JAFFRÉ

Fonctions : PRÉSIDENT DE KENA CONSEIL, TITULAIRE DU CERTIFICAT DE SPÉCIALISATION DE DÉLÉGUÉ À LA PROTECTION DES DONNÉES DU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS DE PARIS.

Après avoir détaillé dans notre précédent numéro1 les principales mesures réglementaires liées à la mise en place d’une vidéoprotection, tour d’horizon de l’information obligatoire à dispenser, tant aux visiteurs qu’au personnel, concernant l’existence de la vidéosurveillance, la durée de conservation des images et les droits des personnes filmées.

L’installation d’un système de vidéosurveillance doit être portée à la connaissance de toute personne entrant dans la clinique (client, délégué, personnel…) par voie d’une affiche ou d’un panonceau. Plusieurs informations doivent y figurer2 : un pictogramme représentant une caméra, la finalité du traitement (généralement « la sécurité des personnes et des biens »), le nom et le téléphone du responsable, la durée de conservation des images, l’existence de droits et la possibilité d’introduire une réclamation auprès de la CNIL.

Afin que les panneaux affichés restent lisibles, l’intégralité des informations qui doit être portée à la connaissance des clients - figurant dans l’article 13 du RGPD - peut l’être par d’autres moyens, par exemple sur le site web de la clinique ou sur une affiche intérieure. Ces autres informations sont notamment la base légale du traitement (l’intérêt légitime) et l’ensemble des destinataires des données personnelles (entre autres le prestataire chargé de la surveillance). Le panonceau mentionnera comment consulter ces informations complémentaires.

L’ensemble du personnel de la clinique sera également informé de la mise en place de la vidéosurveillance. Il est possible de le faire par courriel, courrier ou avenant au contrat de travail. Si un comité d’entreprise existe, ce dernier devra être informé et consulté avant toute décision d’installer des caméras. En revanche, l’installation d’un dispositif de vidéosurveillance destiné à assurer uniquement la protection de pièces ou locaux et non accessibles aux salariés (par exemple un local réservé au vétérinaire) n’est soumise à aucune condition particulière.

Limitée dans le temps

Les données à caractère personnel ne doivent être stockées que « le temps nécessaire à l’accomplissement des finalités pour lesquelles elles ont été traitées ». La conservation des images ne pourra excéder un mois. Et « la durée maximale de conservation des images ne doit pas être fixée en fonction de la seule capacité technique de stockage de l’enregistreur », précise la CNIL. Il est conseillé de ne conserver les images que quelques jours. Cette durée suffit en effet à effectuer les vérifications nécessaires en cas d’incident et nécessite moins d’espace de stockage, ce qui permet donc de diminuer les coûts. Une durée de 30 jours, même si elle est légale, semble être difficile à justifier auprès de la CNIL en cas de contrôle. La suppression des images (après le nombre de jours défini dans l’autorisation préfectorale) doit être si possible automatisée afin de fiabiliser le process. Si, à la suite d’un incident, des procédures disciplinaires ou pénales sont engagées, les images sont alors extraites, après consignation de cette opération dans le registre spécifique à la vidéosurveillance, et conservées pour la durée de la procédure. Tout officier de police judiciaire ou magistrat peut par réquisition judiciaire obtenir lecture et copie des images.

Dans le respect des individus

Toutes les personnes filmées bénéficient de droits concernant les images : le droit d’accès, le droit d’opposition (avec des limites) et le droit d’effacement. Une demande de visionnage des enregistrements doit se faire dans le respect des droits des tiers, autrement dit des autres personnes potentiellement présentes sur les images. Cela peut donc nécessiter le masquage ou le floutage sur l’extrait vidéo concerné, ce qui n’est pas forcément simple à mettre en œuvre. Mais cette complexité éventuelle ne peut servir d’excuse pour refuser un droit d’accès. En revanche la personne qui exerce son droit doit fournir un minimum de précisions quant à la fourchette de visualisation : par exemple le 9 septembre entre 14 h et 16 h. En cas de demande excessive ou manifestement infondée, le responsable du traitement peut soit facturer des frais « raisonnables », soit refuser de donner suite à la demande, en justifiant ce refus. Dans le cas contraire, le vétérinaire dispose d’un mois pour répondre à la demande, en vérifiant au préalable l’identité du demandeur afin de ne pas être responsable d’une violation de données. En pratique, les exercices de ce droit d’accès devraient être assez rares. Bien évidemment les images dépassant la durée de conservation définie ne peuvent donner droit à un accès, d’où l’intérêt de bien informer les clients de la durée de conservation des vidéos sur l’affiche ou le panonceau.

Pour la vidéosurveillance fondée sur l’intérêt légitime (le plus courant), la personne concernée a le droit de s’opposer au traitement « pour des motifs tenant à sa situation particulière ». Dans cette hypothèse le traitement doit être interrompu sauf si le responsable de traitement oppose des motifs qui l’emportent sur les droits et libertés de la personne concernée. Là encore, peu de demandes sont à prévoir. Enfin, concernant le droit d’effacement, on devrait surtout le constater en cas de manquement aux obligations légales : s’il manque une affiche dans la salle d’attente ou si des lacunes de sécurité sont manifestes par exemple.

Pas d’analyse d’impact a priori

De manière générale, le responsable de traitement de la clinique est tenu de réaliser une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD) si le traitement constitue « un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques ». La CNIL donne à la fois une liste d’obligations d’AIPD, une liste d’exclusions d’AIPD, et des critères permettant de classer ou non le traitement à risque. A priori, le système de vidéosurveillance d’une clinique vétérinaire ne rentre pas dans le critère « surveillance systématique à grande échelle d’une zone accessible au public », sauf peut-être pour les hôpitaux vétérinaires - la « grande échelle » n’étant pas définie précisément dans le RGPD. Il faudra surveiller la jurisprudence sur ce point. En revanche le couplage de la vidéosurveillance avec un système de reconnaissance faciale - mais pas une simple détection de visage - devra à tout le moins faire l’objet d’une AIPD.

La loi « informatique et libertés » et le RGPD ne remettent pas en cause la mise en place d’un système de vidéosurveillance au sein de la clinique vétérinaire. Cependant les nombreuses exigences techniques et réglementaires nécessitent de bien choisir son installateur - certifié - et de procéder méthodiquement afin de remplir les différentes exigences réglementaires, ou de se faire accompagner.

1. Lire La Semaine Vétérinaire n° 1872-73 du 23 et 30 octobre 2020, p. 44-45, « Vidéoprotection : des contraintes à anticiper »

2. Un modèle de panonceau de vidéosurveillance est téléchargeable au format word afin d’être adapté à la clinique : www.bit.ly/3oj2IkH

RETOUR D’EXPÉRIENCE

OLIVIER PENNANT

Praticien à Vergt (Dordogne),

Il n’a équipé au départ que le chenil, afin d’éviter d’être sur place pour la surveillance des animaux hospitalisés. Puis des caméras ont été installées à l’accueil et à l’extérieur. « Le feu vert de la préfecture a été obtenu en moins de 3 semaines. Les images sont conservées 15 jours, puis écrasées automatiquement. »

STÉPHANE ROHR

Praticien à Montigny-lès-Metz (Moselle),

Il a procédé à l’installation de caméras dans toutes les pièces sauf les salles de consultation. « L’accès à la salle contenant le disque dur où sont stockées les images est sécurisé, par une poignée à code. Avec l’installateur, nous avons choisi une durée de conservation de 7 jours. »