EXPRESSION
Ce collectif rassemble 77 membres actifs et dispose d’un groupe de discussion privé et d’une page publique sur Facebook1. Son but est de sensibiliser la profession autour des questions d’égalité femmes/hommes et de lutter pour l’équité entre les genres.
Un article de France Info/France 3 Centre-Val de Loire2 au sujet du manque de vétérinaires ruraux, mis en ligne le 9 octobre 2020, publie les propos d’Hervé Denis, praticien rural et élu ordinal, qui, pour expliquer la désertification vétérinaire dans le monde rural, évoque la féminisation de la profession en professant que « les femmes ont en général une attirance pour le monde rural moindre ». Les femmes seraient-elles vraiment à l’origine du problème ? L’article avance pourtant d’autres hypothèses : la baisse de rentabilité financière et la pénibilité d’un métier avec des horaires à rallonge. Mais, encore une fois, le spectre de la féminisation est agité, comme récemment encore dans un quotidien local3 où notre confrère Gérard Vignault, lui aussi élu ordinal, témoigne en ce sens.
Ainsi, au lieu de questionner les rapports de plus en plus compliqués avec les éleveurs qui font tout pour ne pas appeler leur vétérinaire mais exigent en même temps de lui une corvéabilité sans faille, au lieu d’interpeller les pouvoirs publics sur l’absence criante dans nos campagnes de services publics, bureaux de postes, hôpitaux, médecins généralistes et spécialistes, écoles, cinémas et autres maternités, au lieu de mettre en avant la très faible rémunération par l’État de missions sanitaires de plus en plus chronophages, au lieu de questionner la concurrence d’autres acteurs de l’élevage, on agite une fois de plus le chiffon rouge de la féminisation.
Argument d’autant moins pertinent que, comme le remarque le journaliste en réaction à ces propos, si globalement 66 % des ruraux sont des hommes, dans la tranche d’âge 30-39 ans cette activité compte autant de femmes que d’hommes, et chez les 20-29 ans on compte carrément 66 % de femmes ! Et les témoignages de l’apport des femmes à la rurale sont légion. Je fais un voeu, chers confrères : arrêtons de faire porter le chapeau aux femmes, cherchons collectivement des solutions pour améliorer les relations entre éleveurs et vétérinaires, consolider les revenus, arrêter l’hémorragie de service public, condamnons fermement les remarques sexistes que subissent trop souvent les femmes vétérinaires, parfois dès leur entretien d’embauche, et puis, soyons fous, militons pour un allongement du congé paternité et une meilleure protection médicale et financière pour les femmes enceintes, puisque la possibilité qu’ont les femmes de porter un enfant est la seule et unique différence entre les vétérinaires femmes et les vétérinaires hommes.
3. Le Bien public, édition du 6 septembre 2020.