LES MENUS VÉGÉTARIENS S’INVITENT À LA TABLE DES ÉTUDIANTS VÉTÉRINAIRES - La Semaine Vétérinaire n° 1876 du 20/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1876 du 20/11/2020

PRATIQUES ALIMENTAIRES

ANALYSE

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON

Pas moins de 60 % des étudiants déclarent que la formation vétérinaire a modifié leur consommation alimentaire. Évolution des mentalités oblige, les restaurants universitaires, dont ceux des écoles vétérinaires, s’adaptent pour proposer des menus sans viande.

Nous sommes ce que nous mangeons », écrivait Jane Goodall en 2008, et à l’heure de la Convention citoyenne pour le climat et du mouvement Lundi vert, regarder l’assiette des étudiants est instructif. Si les étudiants en médecine consacrent leurs thèses à l’approche végétarienne et végane, très peu de thèses vétérinaires s’y intéressent. En 1974, une thèse portait sur les produits végétaux texturés et produits carnés. Et en 2003, notre consoeur Anne-Claire Lomellini consacrait sa thèse à La justification du « crime alimentaire » ou les raisons de consommer de la chair animale. La proposition de ce sujet de thèse avait d’ailleurs intrigué à l’époque alors que, selon notre consoeur, le questionnement était pourtant évident en tant que vétérinaire.

25 % d’étudiants vétérinaires flexi/végétariens

Notre consoeur Laura Quiniou a réalisé une thèse en 20181 auprès des étudiants des 4 écoles vétérinaires entre 2017 et 2018, qui a mobilisé 43,6 % de la population, soit 1 222 étudiants, une excellente participation. Sans surprise, l’échantillon se compose de 81,6 % de femmes et 18,4 % d’hommes : 43,3 % envisageaient en 5e année une option « animaux de compagnie » ; 41,3 % une option « mixte/rurale »; et 10,7 % une option « équine ». Une majorité n’avait jamais visité d’élevage ni d’abattoir avant l’entrée à l’école. Parmi eux, 73,6 % se disent omnivores, 17,9 % flexitariens, 6,7 % végétariens et 1,7 % végans, les plaçant au-dessus de la moyenne nationale : 11 % de non omnivores, pour les 16-25 ans selon Diplomeo, 15 % chez les adultes, selon FeelEat. Aucune différence statistique n’a été observée selon les années ni les écoles, même si les alforiens sont les moins omnivores alors que les toulousains sont les plus « viandes ». En revanche, les étudiants vétérinaires de sexe masculin sont significativement plus omnivores que les femmes. Celles et ceux qui se destinent à la rurale/mixte sont plus omnivores, alors que ce sont les vétégariens/végans qui sont surreprésentés pour l’orientation animaux de compagnie. Les motivations du régime végétarien/ végan sont : le bien-être animal, l’écologie et la santé personnelle. Le coût de ce régime est un plus, sans être la motivation première. Chez les omnivores, l’influence des habitudes familiales est importante, tout comme le plaisir gustatif. De façon très intéressante, la moitié des végétariens/flexitariens le sont devenus après leur entrée à l’école, grâce aux connaissances acquises et à l’affranchissement des habitudes familiales possibles. Ils se disent plus sensibles aux conditions d’élevage, à l’origine des produits. Ils sont 59,6 % à indiquer que leur formation vétérinaire a modifié leur consommation alimentaire. La preuve que la connaissance de la réalité participe au changement des pratiques alimentaires.

Des menus végétalisés au quotidien

Les restaurants universitaires ont bien compris cette évolution des mentalités, et, à l’heure de passer à table, on est à des années-lumière de la macédoine de nos classes prépa ! À l’École vétérinaire de Toulouse, par exemple, en trois années, grâce à la diversification d’approvisionnement du CNOUS, les ingrédients des plats ont changé avec désormais une proposition végétarienne par jour, choisie par un quart des étudiants (vétérinaires et infirmiers). Le mouvement Lundi vert a été adopté au niveau national dès son lancement l’an dernier, en janvier 2019, instituant une proposition végétarienne le lundi, désormais généralisée au quotidien. « Les viandards s’y mettent, ils goûtent et… ils en reprennent », témoigne Françoise Iquia, cheffe de cuisine au restaurant universitaire du Chemin des Capelles. Qui ajoute : « Nous avons reçu des formations pour travailler de nouvelles matières, comme l’émincé végétal sous vide, remarquable pour faire des navarins, et les hachés de soja qui, dans les lasagnes, miment visuellement la viande. » Au menu chaque jour, donc, des protéines végétales avec du chili sin carne, des lasagnes sans viande, des hamburgers à base de galette lentilles/ betteraves/cèpes bio qui font un tabac. En cuisine, les équipes sont heureuses de développer de nouvelles recettes, de renouveler leur répertoire et d’oeuvrer pour la préservation de la planète. À Oniris (Nantes), sont plébiscitées les lasagnes et moussaka végétales, ainsi que les steaks panés blé-épinard, avec 30 à 35 % d’étudiants qui optent pour les menus végétariens, notamment parmi les 2e et 3e années, les 1re année hésitant par méconnaissance. À l’école de Marcy, la salad’bar avec entrée à volonté pour les végétariens, permettant beaucoup de choix et de salades légumineuses, a dû être arrêtée en raison des contraintes liées au Covid-19. Quant au restaurant universitaire de Maisons- Alfort, il est fermé depuis deux ans. Chaque jour, environ 10 % des étudiants prennent un menu végétarien.

1. www.bit.ly/2IoLO3v

Sources :

www.bit.ly/2GTXaMB

www.bit.ly/35sCfK9

www.bit.ly/3njLu5s

www.bit.ly/3pl1FkD

Lundi vert fait école

Le CNOUS a adopté nationalement la saison 2 de Lundi vert, qui fait la part belle aux légumineuses, dont il existe 19 500 espèces, là où nous en citons de tête souvent quatre : pois chiches, haricots, fèves et lentilles. Les légumineuses cochent toutes les bonnes cases : faiblement caloriques, pauvres en lipides, riches en fibres, composées de glucides complexes qui augmentent la satiété. Au-delà de la formation des équipes en cuisine, le CNOUS développe des ateliers pour les étudiants, afin de leur apprendre à bien se nourrir et à cuisiner, tout en proposant des opérations « nudge », afin de faire découvrir d’autres saveurs et ingrédients protéiques d’origine végétale. Actuellement, 86 % des restaurants universitaires ont une offre végétarienne, avec 180 recettes végétalisées. Et 12 % des étudiants demandent des repas végétariens. Pour les étudiants boursiers, le repas est à 1 €, un bel effort de solidarité. A priori, même si les données chiffrées manquent, il n’y a pas de différence en matière de préférence alimentaire entre les disciplines des étudiants sauf pour… les futurs professeurs d’éducation physique. La lecture de leur cours de nutrition montre clairement un amour inconditionnel des protéines animales !