CONFÉRENCE
PRATIQUE MIXTE
FORMATION
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
CONFÉRENCIER
CLAUDE FAIVRE, vétérinaire et directeur opérationnel du laboratoire Wamine.
Article rédigé d’après la conférence faite lors du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) du 28 au 30 octobre 2020 à Poitiers.
Il y eu longtemps un fossé entre l’utilisation traditionnelle des plantes, l’herboristerie et la médecine officielle chimique, reposant sur les critères d’une médecine basée sur les faits1 (evidence based medicine). Or, pour répondre à la demande actuelle en solutions naturelles en proposant des extraits végétaux pouvant prétendre à la qualification de « phytomédicaments », il est indispensable de respecter certaines étapes. Ces traitements ne devront toutefois être utilisés qu’après avoir réalisé un diagnostic respectant les différents moyens d’investigation fournis par les technologies actuelles, afin d’éviter toute perte de chances à l’animal et d’obtenir le consentement éclairé de son propriétaire.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) distingue plusieurs types de matières premières d’origine végétale utilisées à des fins thérapeutiques : les plantes médicinales stricto sensu sont des plantes entières ou parties de plantes ayant subi un minimum de transformations et de manipulations avant leur utilisation ; les préparations extractives sont des matières premières à usage pharmaceutiques et des huiles essentielles ; les produits finis à base de plantes, obtenus par mélange de plusieurs plantes et d’excipients, qui pour alléguer une indication doivent déposer une AMM avec les spécifications d’usage ; et enfin les substances d’origine végétale, des molécules pures extraites de végétaux.
La stratégie phytothérapique ne répond pas à la notion d’effet dose, mais à une somme d’actions appelée « totum synergique », agissant simultanément sur plusieurs fonctions déficientes responsables de l’état pathologique de l’animal ou de l’ensemble des animaux malades2. Par conséquent, un syndrome ne peut se résoudre en phytothérapie, avec une seule plante. Il est nécessaire d’associer plusieurs extraits standardisés. La préparation magistrale, obligatoirement prescrite et délivrée par le vétérinaire, doit répondre à plusieurs critères de qualité. Ainsi, les extraits de plantes utilisés doivent être reconnus et autorisés par l’ANSM. Chaque plante renfermant de nombreuses familles de molécules, en quantités variables et dépendantes de nombreux facteurs externes, il apparaît nécessaire d’obtenir des industriels des préparations extractives capables de s’affranchir de cette variabilité des principes actifs.
Or le « médicament » à la disposition du praticien doit répondre non seulement aux BPF (bonnes pratiques de fabrication) mais aussi à des critères de standardisation, qui restent à déterminer officiellement pour s’assurer d’une constance de sa composition et par conséquent de la reproductibilité de ses effets. C’est pourquoi il est indispensable de tenir compte des facteurs de variabilité dus à la culture de la plante (biotope originel et climat, saisons de récolte, modes de culture, traitements phytosanitaires) et dépendants de la plante elle-même (cycle de végétation). Pour la fabrication de la préparation magistrale, une méthodologie spécifique, quels que soient les matières premières et les procédés, doit être respectée, afin d’assurer la qualité et l’innocuité des produits tout au long de la chaîne de production. Ainsi, après un sourcing écoresponsable, il faut assurer une bonne conservation des plantes pour préserver l’intégrité des principes actifs en évitant leur dégradation : par congélation ou cryobroyage.
Avant de déclencher le processus d’extraction, un contrôle chromatographique est effectué sur un échantillon de la plante afin de comparer les teneurs en principes actifs dans la plante sèche, la plante fraîche et le produit fini. L’extrait est ensuite mis en solution par ajout de glycérine, ce qui permet d’ajuster le dosage en variant sur la quantité de solvant. Pour alléguer des propriétés thérapeutiques et des indications de la préparation, il faudra alors analyser la structure des molécules cibles en utilisant les méthodes les plus modernes et ainsi affiner un profil phytochimique reproductible. La dernière étape sera l’utilisation et les études cliniques in vivo, qui permettront d’envisager des allégations thérapeutiques.
En définitive, la phytothérapie, pour prendre une place comme technique thérapeutique à part entière et scientifiquement validée, doit donc s’affranchir des notions de « traditionnellement utilisée pour », grâce à une connaissance la plus précise possible du profil phytochimique de l’extrait utilisé, à une standardisation des produits issus des différents procédés de fabrication et à une méta-analyse de l’utilisation clinique dans l’espèce cible.
1. Hélène Lehmann, Le médicament à base de plantes en Europe : statut, enregistrement, contrôles, thèse de doctorat de droit, université de Strasbourg, Éditions universitaires européennes, 2013.
2. Wagner H., Ulrich-Merzenich G., Synergy research: approaching a new generation of phytopharmaceuticals, Phytomedicine, 2009;16(2-3):97-110.
La législation actuelle n’autorise que des substances dont les effets sont connus et reproductibles. L’utilisation officielle de préparations à base de plantes repose encore dans la pharmacopée sur la notion « d’utilisation traditionnelle pour des affections mineures » et sur la connaissance généraliste des composants de la plante.
Le terme « phytothérapie » n’est apparu dans le dictionnaire que dans les années 1980, le mot « thérapie » induisant la notion de médicament. Le phytomédicament ne pourra être réalisé qu’à partir d’extraits standardisés : les matières premières à usage pharmaceutique (MPUP) pour une prescription magistrale (association de plusieurs plantes afin de réguler les nombreux dysfonctionnements de l’organisme révélés par l’anamnèse).