LA MÉDECINE VÉTÉRINAIRE AU SECOURS DE LA SANTÉ HUMAINE - La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020

ONE HEALTH

ANALYSE

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON

Vice-recteur de la faculté vétérinaire de Liège, le professeur Fabrice Bureau y enseigne la biochimie et fait partie du centre de recherche interdisciplinaire GIGA où il a créé le laboratoire d’immunologie cellulaire et moléculaire et dirigé l’unité de recherche GIGA-Inflammation, Infection et Immunité. Il s’est la ncé fin septembre dans une étude de dépistage du Sars-CoV-2 par tests salivaires.

Vous avez décidé de lancer fin septembre une étude de dépistage du Sars-CoV-2 par tests salivaires et anonymes sur le campus de Liège. Pourquoi ?

Nous avons estimé, mon collègue Laurent Gillet et moi, que continuer à utiliser la PCR sans changer le mode de prélèvement, chronophage, était une erreur. Pour arriver à 110 000 tests par jour en Belgique, il faut un test facile à réaliser. Les tests salivaires n’étaient pas encore validés ni commercialisés à l’époque, d’où notre choix pratique et pragmatique. Depuis que le campus est en code rouge (enseignement à distance), nous avons estimé éthique de mettre notre capacité de dépistage à la disposition des maisons de repos et de retraite pour qui c’est essentiel.

Quels sont les premiers résultats ?

Nos tests n’ont pas permis de juguler l’épidémie, car ils ont été réalisés trop tard, au moment de la progression exponentielle : nous sommes passés en quatre semaines d’une prévalence de 2 %, puis 3,5 %, 5,2 % et 7 %. Les contaminations avaient clairement lieu à l’extérieur du campus, mais comme l’étude était anonyme nous n’avons pas pu réaliser d’enquête épidémiologique approfondie. Les personnes se connectaient pour avoir leurs résultats en ligne et en cas de test positif pouvaient télécharger un certificat de mise à l’écart, avec une excellente corrélation entre le nombre de certificats et ceux de cas positifs.

Le Point, qui vous a interviewé début octobre, a sous-titré un de ses paragraphes de l’édition web « La médecine vétérinaire au secours des humains ». Comment le pragmatisme vétérinaire peut-il aider la médecine humaine ?

Quand nous nous sommes lancés dans cette aventure, on nous a pris pour des ovnis. Du fait de notre formation, nos idées et nos approches étaient différentes. Le médecin fait de la médecine individuelle, et souhaite pour son patient le test optimal, le plus sensible possible. En tant que vétérinaires, nous avons pensé médecine de troupeau : une approche pragmatique, un test facile d’emploi, même s’il est moins sensible, donc le test salivaire. Les vétérinaires ont deux avantages/atouts : nous connaissons les épidémies, nous y sommes confrontés régulièrement, et la gestion des collectivités, donc des troupeaux, c’est notre quotidien.

Y a-t-il un conseil scientifique auprès du gouvernement ? Des vétérinaires y sont-ils présents ?

La Belgique a 9 ministres de la Santé, et aucun vétérinaire parmi les membres de leur task force.

Avez-vous fait école auprès de vos collègues européens ?

Non malheureusement, car nous sommes la tête dans le guidon. Dans ma carrière, j’ai beaucoup utilisé l’expression « travailler jour et nuit », qui est aujourd’hui ma réalité, laissant peu de temps pour les échanges, ce que je regrette.

Le One Health est-il une réalité concrète en Belgique ?

Non, ici « Une Santé » c’est un peu théorique. Mais notre implication dans la lutte contre la Covid va changer la donne. Si au début nous avons lu dans les yeux des médecins de l’étonnement à voir des solutions venir de notre approche vétérinaire, nous avons été bien accueillis, et nos idées ont été prises avec sérieux, puis implémentées. Aujourd’hui même, le roi est venu en visite à l’université, pour reconnaître notre implication, c’est encourageant. Et l’alliance des excellences avec l’approche de l’individu et la gestion des collectivités est certainement l’avenir