« LA TRANSFUSION SANGUINE N’EST PLUS UN TRAITEMENT DE LA DERNIÈRE CHANCE » - La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020

LIVRE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : TANIT HALFON

Ces dernières années, la pratique de la transfusion a évolué parallèlement à celles des urgences et des soins intensifs. Une meilleure connaissance des groupes sanguins des carnivores domestiques et de nouvelles techniques de groupage ont permis d’améliorer les pratiques transfusionnelles. Le point avec Isabelle Goy-Thollot, coordinatrice d’un tout nouvel ouvrage sur le sujet.

Une structure vétérinaire généraliste est amenée à pratiquer des transfusions. Dans ce contexte, il est intéressant de connaître le groupe sanguin des animaux de l’ensemble du personnel, au cas où une urgence transfusionnelle se présente. Explications avec Isabelle Goy-Thollot, vétérinaire ex-responsable du service d’urgences et de soins intensifs (SIAMU) de VetAgro Sup et coordinatrice d’un récent ouvrage sur la transfusion sanguine.

Quels éléments ont motivé l’écriture de ce livre ? Que pourra y trouver le lecteur ?

Actuellement, il n’existe pas sur ce thème d’ouvrages en français et peu sont disponibles en anglais. La pratique s’est développée avec l’essor des services d’urgences et de soins intensifs avec environ 80 à 90 % des transfusions qui se font dans un contexte d’urgence. S’y ajoutent une meilleure connaissance de la compatibilité sanguine, une meilleure définition des indications et la mise en place de procédures, sortant ainsi la transfusion sanguine de son rôle de traitement de la dernière chance. L’intérêt croissant pour la transfusion est croissant, associant une volonté des vétérinaires d’améliorer leurs pratiques transfusionnelles et une demande des propriétaires. Et puis c’est un sujet qui me passionne. Cet ouvrage est tourné vers la pratique, avec des articles courts et illustrés, tout en se référant à une solide base bibliographique.

Quelles sont les évolutions les plus notables de ces dernières années en matière de transfusion ?

Les indications sont davantage ciblées. Il y a eu également d’énormes progrès dans les techniques de groupage, et le développement de tests de compatibilité (cross match) au chevet de l’animal qui ont permis de faire un bond en avant dans la démocratisation de cette pratique. Les groupes sanguins sont maintenant mieux connus. Si la médecine vétérinaire ne dispose pas encore de protocoles validés et standardisés comme en médecine humaine, les bonnes pratiques à adopter à chaque étape de la transfusion - donneur, comptabilité, asepsie, méthode de prélèvement, conservation et administration des produits sanguins - se formalisent. Concernant le matériel, pas de révolution, si ce n’est l’apparition de poches à format adapté au chat, mais dans lesquelles il faut rajouter l’anticoagulant. Des poches destinées à la médecine humaine sont utilisées chez le chien.

Quels conseils donneriez-vous au praticien qui souhaite développer cette pratique ? Est-il par exemple possible de créer une banque de sang ? De plus, quel serait le matériel de base à acquérir ?

Je les encourage à « grouper » les animaux du personnel de la clinique afin de créer un réseau de donneurs potentiels. Certains praticiens passionnés ont également un réseau de donneurs constitué d’animaux de leur clientèle. La banque de sang est, à mon sens, à réserver à des structures spécialisées, car cela implique une gestion rigoureuse et contraignante des stocks ainsi que la pratique d’un nombre conséquent de transfusions. En outre, il faut aussi avoir conscience que créer une banque de sang signifie accepter implicitement de devenir une structure de référés pour les transfusions. Il faut être prêt à garantir la qualité des produits sanguins : le sang est un produit fragile, soumis au risque d’une contamination exogène si les conditions de stockage ne sont pas optimales ! En ce qui concerne le matériel, rappelons que les poches à transfusion ont une durée de vie limitée. C’est intéressant d’en avoir en stock si la clinique a l’habitude de faire des transfusions plusieurs fois dans l’année. Si cette pratique est plus anecdotique, disposer d’une solution anticoagulante citrate-dextrose, homogénéisée extemporanément lors du prélèvement dans des contenants stériles. Le prélèvement de sang doit se faire dans des conditions aseptiques avec désinfection de la zone de prélèvement - tonte, scrub chlorhexidine, etc. - et utilisation de gants stériles.

Le généraliste doit être prêt, c’est un acte valorisant et intéressant. Il peut être confronté à des urgences vitales qui ne peuvent pas attendre. Toutefois, pour des cas complexes de transfusion féline, ou des cas pour lesquels des transfusions multiples sont à prévoir, il vaut mieux référer.

L’ouvrage aborde également la transfusion des nouveaux animaux de compagnie. Est-ce une pratique accessible à tous ? Quelles en sont les principales indications ?

Cette pratique est plutôt réservée aux structures dédiées aux NAC ou centres spécialisés avec un service spécifique pour ces animaux. L’anémie est l’indication majeure à la transfusion chez les petits mammifères domestiques. Plusieurs causes sont possibles, citons par exemple l’hyperœstrogénisme chez la femelle furet non stérilisée, qui provoque une diminution de l’hématopoïèse. Dans ce cas, la transfusion peut être utilisée comme traitement. Ceci dit, pour l’instant, les connaissances sont limitées pour les groupes sanguins des petits mammifères domestiques, avec uniquement des études chez le furet. Il y a plusieurs autres facteurs limitants, notamment la difficulté de prélèvement, ce qui fait que la transfusion est peu pratiquée, avec recours fréquent aux « moyens du bord ».

La Transfusion sanguine chez le chien, le chat, les nouveaux animaux de compagnie et les animaux exotiques, ouvrage collectif scientifique sous la direction d’Isabelle Goy-Thollot, Éditions du Point Vétérinaire, Vet Index, 2020, 296 pages, 42 €.

LA XÉNOTRANSFUSION

L’ouvrage ne fait pas l’impasse sur la xénotransfusion - sang de chien administré au chat -, une pratique restée longtemps taboue au sein de la profession vétérinaire. Un chapitre lui est consacré, dans lequel tous les arguments et contre-arguments scientifiques sont clairement exposés. La conclusion : l’utilisation de sang de chien pour transfuser un chat peut être pertinente en contexte d’urgence, mais doit rester une solution exceptionnelle avec consentement du propriétaire et surtout ne doit jamais être renouvelée.