LES VÉTÉRINAIRES, DE PRÉCIEUSES SENTINELLES - La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020

CHEVAUX MUTILÉS

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

Depuis plus d’un an, des cas de mutilations d’équidés sont encore rapportés dans l’Hexagone. Si le soufflé médiatique est retombé après l’emballement de l’été, les enquêtes se poursuivent et témoignent d’une collaboration constructive.

Près de 450 cas de suspicions de mutilation d’équidés seraient recensés actuellement sur l’Hexagone, depuis le 19 novembre 2019, date du premier cas rapporté. Moins de 300 auraient été écartés, et 80 cas auraient une origine humaine avérée.

Que le soufflé médiatique soit retombé au niveau du grand public n’a pas que des effets négatifs : cela limite l’effet copycat suspecté en août lors de l’emballement médiatique. C’est en effet un phénomène de mimétisme qui pousse certains individus à commettre des actes qu’ils voient aux informations puis qu’ils miment.

Les gendarmes poursuivent les enquêtes et ne peuvent bien entendu pas communiquer à ce stade. À ce jour, la région Hauts-de-France est la plus touchée par le nombre d’équidés morts, et la Bourgogne-Franche-Comté est celle qui recense le plus grand nombre de mutilations.

Mobilisation et coordination

Jamais une telle mobilisation, mais également coordination n’avaient émergé sur le territoire. En effet, la Ligue française pour la protection du cheval (LFPC), présidée par notre confrère Richard Corde, l’Ordre national des vétérinaires, l’Académie vétérinaire de France, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp), le service de police judiciaire de la gendarmerie, l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), la Fédération française d’équitation (FFE) et les détenteurs d’équidés se sont mis en ordre de marche depuis plusieurs mois. « Notre détermination à lutter contre toute forme de maltraitance envers les équidés est totale et nous souhaitons, en lien avec la Ligue française pour la protection du cheval, mobiliser l’ensemble des acteurs de la filière cheval en France », martèle Serge Lecomte, président de la FFE. L’IFCE, sous la direction de notre confrère Jean-Roch Gaillet, a répondu avec efficacité et a mis en place un numéro vert1. La FFE et la LFPC se sont portées partie civile dans les plaintes déposées dès la mi-août. Depuis le 4 septembre, une cellule de crise dédiée est en place au niveau du Respe, réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine, qui s’appuie sur son réseau de vétérinaires sentinelles (VS) - des fiches de process vétérinaire sont mises à disposition des confrères et consœurs et détaillent les démarches à suivre.

Conserver des indices, établir la cause des blessures et l’origine de la mort de l’animal : le rôle des vétérinaires est essentiel dans ce cadre. « Les gendarmes pourront s’appuyer sur l’expertise du Respe et de ses vétérinaires sentinelles pour objectiver les cas de mutilation et réaliser les constats et analyses nécessaires aux enquêtes », expliquaient dans un communiqué cet été la LFPC et le Respe. Les bons réflexes pour les vétérinaires : remonter l’information des cas de mutilation et préserver la scène d’un acte de cruauté pour que les gendarmes puissent faire les relevés nécessaires. Une approche digne d’une médecine forensique, dont l’enseignement en France dans le domaine vétérinaire n’est pas encore établi. La police scientifique est ainsi un allié des praticiens qui apportent également leur expertise de l’animal.

Les praticiens qui auraient des informations sont appelés à signaler les cas à la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) et à inciter les propriétaires des équidés mutilés à porter plainte auprès de la gendarmerie. Une prise de contact avec l’Oclaesp est aussi recommandée.

Des problématiques à dépasser

Les vétérinaires, comme les propriétaires, se heurtent à certains écueils, dont un majeur : l’autopsie. Elle n’est pas réalisable sur place, et reste difficile à effectuer dans un centre d’équarrissage. En outre, le transport d’un équidé mort vers un centre d’autopsie est difficile d’un point de vue réglemenatire. Or, sans une autopsie dédiée, il est difficile d’assurer que l’origine de la mort du cheval est liée à une intervention humaine ou animale : certains actes d’espèces sauvages peuvent ressembler à des mutilations humaines selon des enquêtes effectuées en Suisse, par exemple suite à des constatations similaires il y a plusieurs années d’équidés mutilés. En outre, quelle prise en charge financière attendre pour ces autopsies ? Si la gendarmerie ouvre une enquête et que le procureur ouvre une requête, les autopsies sont prises en charge.

Centraliser les cas

Si une plateforme permettait de centraliser les données de maltraitance émanant d’associations de protection animale, de vétérinaires, etc., cela permettrait de relier certains cas, d’avoir des signaux d’alerte précoces lorsque des évolutions anormales émergent et de gagner en efficacité pour la résolution des affaires. Actuellement, un éparpillement et un manque de centralisation nuisent à la réactivité.

1. Numéro vert gratuit mis en place par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation avec le personnel de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) : 0800 738 908, du lundi au vendredi de 9 h à 17 h.

SITUATION AU 15 OCTOBRE 2020

- 418 cas recensés de tous types (avérés et parasites),

- 75 affaires ont donné lieu à une enquête,

- 62 faits sont en cours de traitement pour identifier les causes,

- dans 22 cas sur les 75, les actes perpétrés ont causé la mort de l’animal,

- 36 cas classés violents et sadiques : mutilations importantes,

- 17 derniers cas : pas clairs.