OPHTALMOLOGIE
PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
FORMATION
Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO
CONFÉRENCIER
THIERRY AZOULAY, spécialiste en ophtalmologie à la clinique vétérinaire des Halles (Strasbourg). Article rédigé d’après une présentation faite à France Vet à Paris en juin 2019.
Les conjonctivites sont fréquentes chez le chat, avec des causes et des traitements variés. Elles sont le plus souvent d’origine infectieuse ou associées à un corps étranger. Les conjonctivites éosinophiliques et lipogranulomateuses sont deux entités rares mais spécifiques au chat.
L’infection par l’herpès virus félin est la cause la plus fréquente de conjonctivite chez le chat. Elle est observée majoritairement chez les sujets jeunes, parfois associée à des signes respiratoires. Les surinfections bactériennes sont fréquentes. La conjonctivite peut se compliquer avec le développement d’un ulcère dendritique (ulcère ramifié initialement), pathognomonique d’une infection herpétique, puis l’ulcère s’étend et forme des plaques en forme de « cartes de géographie ». La présence de symblépharons (adhérences de la conjonctive sur elle-même, sur la cornée ou sur les paupières) ou d’une kératoconjonctivite sèche (conséquence de l’inflammation, de la destruction des glandes lacrymales et/ou d’une fibrose des canalicules excréteurs) fait également partie des complications d’une infection herpétique. Des récidives sont fréquemment constatées lors de réactivation virale. Le diagnostic est confirmé par réaction de polymérisation en chaîne (PCR), à partir d’un prélèvement conjonctival ou cornéen. De nombreux faux positifs sont constatés (latence du virus) et des faux négatifs sont possibles. Lorsque la conjonctivite est aiguë sans atteinte de la cornée, le traitement des surinfections bactériennes seules peut être suffisant. Lors de conjonctivite chronique ou aiguë associée à une kératite, l’administration d’un médicament virostatique est recommandée. La molécule la plus utilisée est le ganciclovir1 (Virgan), à appliquer 4 à 6 fois par jour pendant 21 jours. Une irritation locale est possible, ce qui limite son utilisation au long cours. Le famciclovir2 (Oravir) a un coût plus élevé mais une efficacité prouvée in vivo et une bonne tolérance. Selon les études, la dose efficace est très variable : de 62,5 mg une à deux fois par jour par animal à 90 mg/kg trois fois par jour pendant 21 jours. À ce jour, il n’y a pas de preuve de l’efficacité in vivo de l’utilisation d’interférons α et ω dans ce contexte. La L-lysine (250-500 mg/j) empêche la multiplication in vitro du virus, mais les études in vivo donnent des résultats contradictoires. Le traitement des surinfections bactériennes fait appel à des collyres antibiotiques. En cas d’insu sance lacrymale, des substituts lacrymaux sont administrés. Les corticoïdes et la ciclosporine sont contre-indiqués en cas de conjonctivite herpétique. La vaccination aurait également un intérêt thérapeutique.
La conjonctivite à caliciviru, beaucoup moins fréquente que celle due à l’herpès virus félin, est associée à des symptômes systémiques sévères. En général, il n’y a pas d’atteinte de la cornée. Il n’existe pas de traitement spécifique, seules les surinfections bactériennes sont traitées.
Elles sont primitives ou secondaires à une infection virale. La flore normale conjonctivale du chat comprend 75 % de bactéries Gram positif et 25 % de Gram négatif. Les conjonctivites bactériennes sont traitées avec un collyre antibiotique (voir tableau), qu’il convient de choisir en fonction des germes en cause, tout en respectant le principe de la cascade et la réglementation sur les antibiotiques critiques. D’autres collyres utilisés en médecine humaine peuvent être prescrits chez les chats, notamment la tobramycine lors d’ulcère.
Chlamydophila felis est une bactérie intracellulaire à Gram négatif, responsable d’infections aiguës ou latentes. La conjonctivite est généralement initialement unilatérale. La cornée n’est pas atteinte. Elle peut être associée à des signes respiratoires. L’excrétion dure plusieurs mois et davantage chez des chats atteints du FIV. Il s’agit d’une zoonose rare. Le diagnostic se réalise par frottis conjonctival (présence d’inclusions basophiles) ou par recherche PCR. La doxycycline (10 mg/kg/j) doit être administrée au cours d’un repas, pendant au moins 28 jours, et être associée à un traitement local (tétracyclines, chloramphénicol).
La conjonctivite à Mycoplasma, moins fréquente, est souvent constatée lors d’une co-infection. Il n’y a pas d’atteinte respiratoire associée. Le diagnostic est réalisé par PCR. La guérison est attendue en une semaine en traitant localement avec des tétracyclines ou du chloramphénicol.
La conjonctivite à Bordetella bronchiseptica (Gram négatif) est observée principalement dans les collectivités. Elle s’accompagne d’écoulements mucopurulents, d’une atteinte respiratoire, d’une adénomégalie ou de fièvre. Le traitement consiste à administrer des antibiotiques par voie orale (doxycycline ou amoxicilline-acide clavulanique).
Elles sont très rares et dues à Thelazia callipaeda en Europe. Le praticien doit retirer manuellement les parasites et prescrire des antibiotiques locaux et des anti-inflammatoires non stéroïdiens, ainsi qu’une spécialité à base de moxidectine-imidaclopride.
Elle est rare chez le chat. Elle se manifeste par un prurit oculaire, une hyperhémie conjonctivale, des sécrétions séreuses, voire, dans les stades chroniques, une blépharite et une hyperplasie des follicules lymphoïdes. Elle est due à une réaction d’hypersensibilité de type 1 - associée à une atopie - ou de type 4 - irritations locales par un collyre mal toléré. Le diagnostic se fait en fonction du contexte clinique et peut être conforté par la présence de polynucléaires éosinophiliques (PNE) sur le frottis conjonctival. Il est nécessaire de rincer abondamment l’œil et, à chaque fois que cela est possible, une éviction de l’allergène est effectuée. Dans le cas d’une intolérance à un collyre, celui-ci est interrompu. Un collyre sans conservateur (uni-dose) lui est substitué. Pour les conjonctivites allergiques de type 1, il convient d’associer des corticoïdes locaux à des antihistaminiques et/ou des décongestionnants.
Cette entité est spécifique du chat. Elle est due à l’infiltration de la conjonctive par des polynucléaires éosinophiliques. Elle se traduit cliniquement par la présence de petits nodules blancs sur les conjonctives et la cornée, comme « des taches de bougie ». Elle peut être isolée ou associée à une kératite éosinophilique. Une hyperhémie et une hyperplasie des follicules lymphoïdes sont constatées. Les paupières sont dépigmentées, voire ulcérées. Le diagnostic s’établit par un frottis conjonctival (PNE > 10 % et présence de nombreux mastocytes). Le traitement est à base de corticothérapie locale (Fradexam pommade 2-3 fois/j) ou cyclosporine (Optimmune 2 fois/j) jusqu’à disparition des lésions.
Elle est rare et spécifique du chat d’âge moyen ou avancé. Elle se caractérise par la présence de granulomes multiples le long de la conjonctive palpébrale. Ces nodules sont issus d’une inflammation des glandes de Meibomius due à la libération de leur contenu. Le traitement est chirurgical (exérèse des nodules).
1. et 2. Pharmacopée humaine.