J’AI CHANGÉ D’AVIS - La Semaine Vétérinaire n° 1878 du 04/12/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1878 du 04/12/2020

DROIT

ENTREPRISE

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY

Légalement considéré comme un bien meuble, l’animal subit sous certaines conditions la faculté de rétractation de son nouveau propriétaire. Code rural, Code civil mais aussi code de la consommation peuvent intervenir dans les procédures.

On nous fait croire que le bonheur c’est d’avoir/De l’avoir plein nos armoires/Dérisions de nous dérisoires. » Ces paroles d’Alain Souchon sonnent particulièrement juste dans notre société de consommation. Consommation, et consommateurs pour s’y livrer. Si le client est roi, le consommateur est encore au-dessus. Il achète, évalue, renvoie s’il n’est pas satisfait. La loi le conforte depuis longtemps dans cette irresponsabilité. À tel point que notre consommateur en oublie l’essence de la vie. La vie, le vivant ne sont donc pas épargnés par cette course à posséder. Encore à ce jour légalement considéré comme un bien meuble, l’animal subit malheureusement sous certaines conditions la faculté de rétractation de son nouveau propriétaire. Le statut d’être vivant doué de sensibilité dans tout cela ? Ce statut ressort bien de l’article 515-14 du Code civil. Mais comme pour tout texte, il faut prendre la peine de le lire jusqu’au bout. Et au bout on trouve : « Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. »

Le droit de rétractation

Pour les chiens, chats et chevaux, code rural et de la pêche maritime, Code civil mais aussi code de la consommation sont au menu. Notre consommateur habitué à la facilité y va donc gaiement de l’usage de son droit de rétractation. Il a réservé un chiot, un chaton, un cheval. Il n’en veut plus et bien entendu estime qu’il doit être remboursé intégralement de ce qu’il a versé pour la réservation. Fondé ou infondé ? Que dispose la loi en pareil cas ?

Le droit de rétractation de 14 jours est bien réel. Il concerne les biens meubles et donc assurément les ventes d’animaux. Pour autant, il n’est pas applicable à la réservation contrairement à ce que pensent les acheteurs. Écartons tout d’abord la réservation intervenue directement à l’élevage. Elle n’est en effet pas concernée par un quelconque droit de changer d’avis. Le droit de rétractation est ainsi strictement lié aux dispositions de la vente à distance.

Cette vente/contrat est définie par l’article L221-1 du code de la consommation qui dispose qu’il s’agit de « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat ».

Lorsqu’un acheteur ne se rend pas sur l’élevage et qu’il envoie une somme pour la réservation d’un animal, il enclenche l’entrée dans le mécanisme de la vente à distance. Dans un tel processus, l’article L221- 18 stipule que « le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance ». Notre réservataire persuadé de son bon droit au vu de ce texte commet toujours la même erreur : il n’a pas lu jusqu’au bout. S’il était consciencieux, il aurait pu s’apercevoir que quelques lignes plus bas, la loi édicte que « le délai (…) court à compter du jour de la réception du bien ».

Dans le cas d’une réservation

C’est aussi simple que cela : pour pouvoir se rétracter et obtenir le remboursement intégral de ce qui a été versé, il faut avoir préalablement pris possession de l’animal. L’article L221-18 n’est donc pas applicable dans l’hypothèse de la seule réservation. La rétractation est-elle pour autant interdite ? Pas du tout. On peut toujours se rétracter d’une réservation. La différence est qu’à ce stade le changement d’avis aura un prix : la perte de la somme déjà versée. C’est la stricte application de l’article 1590 du Code civil et de l’article L214-1 du code de la consommation.

En conclusion. Se rétracter : oui. Obtenir le remboursement de la somme versée : pas toujours. Dans tous les cas, si le changement d’avis lors de la réservation se conçoit aisément, il n’en est pas du tout de même pour celui qui intervient impunément après la remise de l’animal. Une évolution législative serait la bienvenue.