COLLECTE DE LAIT, LA VALSE DES COMPTAGES CELLULAIRES - La Semaine Vétérinaire n° 1879 du 11/12/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1879 du 11/12/2020

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

Article rédigé d’après une conférence présentée par Philippe Le Page, vétérinaire (Finistère), et Gaël Gounot, vétérinaire (Ille-et-Vilaine), lors du congrès de la Société nationale des groupements techiques vétérinaires (SNGTV) du 28 au 30 octobre 2020 à Poitiers.

Un lait issu d’une vache non infectée contient généralement moins de 100 000 cellules par ml et dépasse rarement le seuil de 300 000 cellules par ml. Parmi les cellules présentes, la présence de leucocytes est notablement influencée par l’inflammation de la mamelle. Ainsi, lors d’infection leur population peut passer brutalement de quelques milliers à plusieurs millions de cellules par ml de lait et persister longtemps. Même si suivant la nature du germe responsable, les courbes de comptages cellulaires effectués sur des traites successives peuvent varier sensiblement, les valeurs des concentrations cellulaires révèlent néanmoins l’importance des infections mammaires dans un troupeau. Or, les mammites, en modifiant la composition du lait, altèrent son aptitude à la transformation. En effet, la baisse du taux de caséine, l’augmentation des taux de protéines solubles ou la diminution du lactose se traduisent par une dégradation des rendements fromagers par exemple1. Ces mécanismes ont des conséquences ensuite sur le paiement du lait au producteur.

Un impact financier lourd

Ainsi, la réglementation2,3 oblige les laiteries à payer le lait en fonction de sa « qualité » - flore microbienne totale, cellules, spores butyriques, lipolyse, critères bactériologiques, etc. - et de sa composition en matière grasse et en matière protéique. Les grilles de paiement en vigueur sont très variables d’une région à l’autre, toutefois le lait contenant plus de 400 000 cellules par ml est toujours considéré comme impropre à la consommation dans l’Union européenne4, qu’il soit cru ou traité thermiquement. Si la moyenne géométrique des livraisons mensuelles sur les trois derniers mois donne des résultats de comptages cellulaires supérieurs à 400 0000 cellules par ml de lait, les producteurs sont placés en situation d’« alerte en cellules ». Ils doivent alors s’engager dans un plan d’actions correctives défini par le Centre régional interprofessionnel de l’économie laitière (CRIEL) ou « plan cellules » pour y remédier5.

Des mesures encadrées

En France, la détermination des concentrations cellulaires du lait de tank est effectuée par les laboratoires interprofessionnels avec des matériels agréés par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation6. Quel que soit le lieu de production ou de collecte, les mêmes procédés de prélèvements et d’analyses sont utilisés. Sur mandat du ministère, le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) assure le contrôle, l’harmonisation et la coordination de l’ensemble des laboratoires et encadre le contrôle laitier et le paiement du lait. La méthode d’analyse la plus employée actuellement est la méthode fluoro-opto-électronique car elle répond aux besoins de précision et de rapidité pour le paiement du lait et pour le contrôle des performances. En général, l’appareil utilisé par les laboratoires interprofessionnels ainsi que par le contrôle laitier est un Fossomatic du fabriquant FOSS France SAS. En France, la calibration et l’étalonnage des machines sont décrits très précisément7 et reposent sur des échantillons calibrés envoyés par Actalia-Cecalait (ETG, échantillon à teneur garantie). Ces derniers sont obtenus par mélanges proportionnels d’un lait de mélange fortement chargé en cellules et d’un lait pauvre en cellules ainsi qu’un lait exempt de cellules (point 0). La gamme d’ETG va de 0 à 1 800 000 cellules/ml. Les valeurs de référence sont déterminées par comptage au microscope et confirmées ensuite, par un groupe d’experts, par méthode automatique au compteur fluoroopto- électronique.

Or, dans une étude de 2017, réalisée au sein du réseau Vetanimax8 et présentée aux JNGTV 2018, des différences de résultats de comptages cellulaires ont été observées entre 11 DCC (DeLaval Cell Counter) et le Fossomatic du laboratoire interprofessionnel de Carhaix pour une même gamme de lait standardisé (Actalia-Cecalait). Ces résultats ont surpris les auteurs de l’étude car ils différaient de ceux obtenus dans une étude préalable9. C’est pourquoi, une seconde enquête a été menée en 2017. Une gamme de laits standardisés obtenus chez Actalia-Cecalait a été envoyée en Allemagne, en Belgique, en Espagne et en Italie. Les résultats obtenus étaient similaires. Le laboratoire interprofessionnel de Carhaix avait des résultats proches des valeurs annoncées pour la gamme de laits standardisés tandis que les valeurs obtenues par les autres laboratoires s’en écartaient de façon assez importante, tout en étant comparables entres eux.

Face à ces constats, les auteurs se sont interrogés sur les conséquences financières pour les éleveurs français (pénalisations financières, suspensions de collectes, indexation des bovins et réformes pour concentration cellulaire individuelle, CCI, élevée). L’explication de cette divergence de résulats de comptage cellulaire se trouverait peut-être, selon les conférenciers, dans l’emploi de matériels ou de méthodes de mesures différentes et/ou dans l’usage d’ETG distincts. Le nouvel ETG (cf. analyse rurale p. 38-39) international, dorénavant disponible, devrait permettre de résoudre ce problème, même si, selon eux, il sera tout de même intéressant se réaliser des mesures sur les DCC avec ce nouvel ETG pour vérifier leur étalonnage.

1. Thèse de Sandra Pougheon, Contribution à l’etude des variations de la composition du lait et ses consequences en technologie laitière, École nationale vétérinaire de Toulouse, 2001. www.bit.ly/3mCVir1

2. www.bit.ly/2JGwccs

3. www.bit.ly/33ABVri

4. www.bit.ly/3ohnxfu

5. www.bit.ly/3fXjjqi

6. www.bit.ly/37pYgsx

7. www.bit.ly/3gbblu1

8. www.vetanimax.com

9. Billon P., Roussel P, Gaudin V. et coll., Some investigations about the better use of the DCC device of DeLaval, 2005. www.bit.ly/33GAnvL