IMAGE DE LA PROFESSION VÉTÉRINAIRE : BILAN ET DÉFIS FUTURS - La Semaine Vétérinaire n° 1879 du 11/12/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1879 du 11/12/2020

DOSSIER

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, LA PROFESSION VÉTÉRINAIRE EST EN PLEINE ÉVOLUTION POUR RÉPONDRE NOTAMMENT AUX NOUVELLES ATTENTES DE LA CLIENTÈLE (MODE D’EXERCICE, PROFIL DE SES PRATICIENS, ETC.). QUELLE EST ACTUELLEMENT LA REPRÉSENTATION SOCIÉTALE DU MÉTIER ? QUELS SONT LES DÉFIS À VENIR EN TERMES D’IMAGE À RELEVER PAR LA PROFESSION ?

Plus de 9 Français sur 10 estiment que la profession vétérinaire propose un service de qualité. La profession vétérinaire jouit donc d’une excellente image dans la société, associée à l’idée que les vétérinaires sont les personnes les plus compétentes pour s’occuper de la santé animale », lit-on dans le Livre Bleu de la réflexion Vetfuturs. Face à ce « plébiscite », pourquoi s’interroger davantage sur la représentation sociale actuelle des praticiens ? « En 2018, j’ai mené une enquête à ce sujet, dans le cadre de ma thèse vétérinaire1, car je pensais qu’il était nécessaire de dresser un état des lieux plus détaillé », commente Lydia Schlesser. Et de poursuivre : « En effet, peu d’études récentes venaient confirmer ou infirmer cet axiome de Vetfuturs (enquête OpinionWay), commandée par le ministère de l’Agriculture en 2013. De plus, sur les réseaux sociaux, je lisais des discours beaucoup plus tranchés, émanant des vétérinaires eux-mêmes. Généralement, soit ils exprimaient une sorte d’autosatisfaction par rapport à cette présumée bonne image, soit au contraire ils émettaient l’opinion qu’ils n’étaient pas si bien perçus que cela. Compte tenu par exemple de l’augmentation des avis négatifs postés sur Google. » C’est pourquoi, afin de clarifier la situation, Lydia Schlesser a interrogé dans son enquête 825 personnes, propriétaires d’animaux ou pas.

Technique et communication

De cette étude, corrélée avec d’autres données bibliographiques, les données révèlent que la profession jouit eff ectivement d’une excellente image… mais que ladite image est aussi en cours d’évolution, surtout auprès de la tranche des 18-25 ans. « Ces derniers, explique Lydia Schlesser, ne connaissent parfois même pas l’existence de l’activité en rurale ! Résultat : la vision du vétérinaire comme un praticien mixte de campagne, qui reste encore aujourd’hui la plus répandue, est en train d’être rattrapée par l’image d’un vétérinaire femme exerçant en milieu urbain, en canine pure. Ce qui finalement colle plutôt bien avec la pratique de la nouvelle génération de vétérinaires. » Qu’attend le public actuellement de la profession ? « On s’aperçoit que de plus en plus les clients, surtout les plus jeunes, accordent quasiment autant d’importance aux qualités de communication du vétérinaire qu’à sa compétence médicale ! Donc attention : il ne suffit plus maintenant d’être un très bon technicien, il faut aussi consacrer beaucoup de temps aux explications si l’on veut garder une bonne image, surtout en canine et auprès de la jeune génération de clients. En revanche, c’est beaucoup moins vrai en rurale. » Vit-elle personnellement cela dans sa pratique quotidienne ? « Oui, il faut leur expliquer le diagnostic, parfois aussi le traitement si on veut éviter d’être remis en cause. Globalement, les clients se renseignent beaucoup par eux-mêmes avant la consultation.

Je suis également étonnée par le nombre de propriétaires qui prennent la peine de lire l’intégralité des notices des médicaments. » La clinique de Guérande (Loire-Atlantique) où elle travaille actuellement reçoit également plus de demandes concernant les médecines complémentaires.

Un bémol : les prix

Cependant, la question d’un tarif trop élevé, couplé avec une mauvaise compréhension des prix pratiqués, reste le principal reproche adressé à la profession. « Cette impression, commente Lydia Schlesser, a sans doute été renforcée par l’enquête de l’ UFC Que Choisir, réalisée en octobre 2018, qui pointait du doigt les disparités de tarifs pour un même acte entre les régions, et parfois au sein d’une même ville. Même si cette étude montrait également que le prix des actes avait peu augmenté depuis 2011. J’ai constaté dans mon enquête que, globalement, les agriculteurs exploitants trouvent davantage que les prix des vétérinaires sont en adéquation avec le service rendu. » Autre bémol important à apporter : environ 25 % des répondants étaient d’accord avec la phrase suivante : « J’ai le sentiment que les vétérinaires s’intéressent plus à l’argent qu’au bien-être de mon animal », et ce, d’autant plus chez les 25-34 ans.

« Du temps, de l’attention »

Face à ces réticences financières, la jeune femme explique : « Ici, en canine, nos clients nous limitent rarement quand nous leur proposons des examens complémentaires. Mais je fais toujours des devis, dont certains sont signés quand je ne sens pas bien les propriétaires. Et quand le prix est supérieur à 150 €, ils peuvent payer en deux fois, voire en quatre fois si la somme excède 450 €. Avant de conclure : l’enquête montre qu’un profond attachement perdure entre le client et son vétérinaire : son choix se fait d’ailleurs toujours davantage sur le bouche-à-oreille que sur les moyens modernes, tels que les sites Internet ou les avis en ligne. Ici, à Guérande, on tutoie même un tiers de nos clients ! Du temps, de l’attention, des manipulations douces… En canine surtout, cette relation de confiance est à cultiver si l’on veut conserver en pratique la bonne image que se fait a priori de nous le public. »

1. Thèse de Lydia Schlesser, Représentations sociétales du métier de vétérinaire en France en 2018 : résultats basés sur une enquête, Oniris, 2019. www.bit.ly/3mBwMH2

« Il faut changer notre image, surtout en rurale ! »

TÉMOIGNAGE ANONYME,

EXTRAIT DE LA THÈSE D’ANNE BERTOLIATTI-FONTANA (ALFORT 2019)1.

En vérité, c’est toute l’image de la profession qui doit être modifiée ! Notamment la communication sur notre travail qui est, je trouve, très mauvaise : on donne une image trop rose du métier. Et aussi parce que les gens pensent que l’on est corvéable et qu’on est tout le temps à leur service. Rappeler à la population qu’on est des humains, avec une vie de famille, ça pourrait limiter les abus de certains propriétaires.

1. Thèse vétérinaire d’Anne Bertoliatti-Fontana, Conciliation vie personnelle et vie professionnelle chez les femmes vétérinaires - Enquête auprès d’étudiantes et de vétérinaires en exercice, École nationale vétérinaire d’Alfort, 2019.

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