« SON IMAGE MYTHIQUE D’AMI DES ANIMAUX RÉSISTE BIEN » - La Semaine Vétérinaire n° 1879 du 11/12/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1879 du 11/12/2020

DOSSIER

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

ENTRETIEN AVEC EMMANUEL THÉBAUD (NANTES 1997), DIRECTEUR COMMUNICATION ET MARKETING AUPRÈS DE LA CENTRALE D’ACHAT COVETO (VENDÉE), AUTEUR NOTAMMENT DE FÉMINISATION, UN ATOUT D’IMAGE ?, EXTRAIT DES JOURNÉES NATIONALES DES GTV, À REIMS, EN MAI 2014.

Quelle est l’image du vétérinaire qui émerge ces dernières années dans le champ culturel ?

C’est le stéréotype décrit dans le récent film Les Vétos. À savoir : la figure d’une jeune vétérinaire femme, dynamique, volontaire, intelligente, qui travaille, assez souvent, en mixte. Quand c’est le cas, confrontée à des horaires épuisants, à des hommes méprisants ou à des voisins méfiants, grâce à sa force de caractère, elle réussit à trouver sa place et de vrais moments de bonheur tant auprès des agriculteurs que de ses confrères. Je pense que l’on devrait exploiter ce type de modèles pour recruter des étudiantes vétérinaires prêtes à relever le défide la rurale !

Et il y a aussi moins d’hommes qui veulent devenir vétérinaires ?

Oui, par ricochet, certains petits garçons considèrent même aujourd’hui que c’est « un métier de fille » ! Si on souhaite rééquilibrer les genres dans les écoles vétérinaires, il faudra sans doute aussi parvenir à rééquilibrer l’image médiatique des vétérinaires en remettant dans la lumière plus de praticiens masculins.

Mais le vétérinaire a la chance de rester encore rarement publiquement « attaqué » ?

Les vétérinaires n’échappent malheureusement pas aux phénomènes de « bashing » sur les réseaux sociaux, d’autant plus que la charge affective est importante autour de l’animal de compagnie. Néanmoins, contrairement à bien d’autres professions (politiques, journalistes, enseignants) - qui sont les « proies » favorites, notamment des complotistes -, la profession vétérinaire est relativement préservée de la critique globale sur la place publique ! Le métier fait invariablement partie du top 10 des carrières qui attirent les enfants. De même que l’animal jouit d’un regard de plus en plus positif de la part de la société, son médecin, celui qui le connaît le mieux, qui lui parle, en bref son vétérinaire, bénéficie du même regard positif. Son image mythique d’ami des animaux résiste bien. C’est pourquoi je pense que notre profession doit absolument continuer à endosser cette posture malgré ses quelques effets pervers. Il serait à mon avis, à cet égard, très préjudiciable de vouloir « s’en débarrasser » et se présenter au public comme un « simple » technicien des soins, contrairement à ce que certains vétérinaires semblent parfois souhaiter dans les débats.

D’autant plus que l’avenir réserve aux vétérinaires bien des défis ?

Comme le grand public nous voit naturellement comme les anges gardiens des animaux, il attend aussi de nous d’être les garants du bien-être animal, y compris dans les élevages. Du coup, c’est un rôle compliqué à endosser, car le vétérinaire doit aussi veiller à la productivité et rester le partenaire de l’exploitant. De même, le grand public attend de lui qu’il soit un garant de la biodiversité. Pour l’heure, nous sommes donc encore des « bien-aimés ». Par exemple, j’ai lu cet été une enquête à charge parue sous forme de bande-dessinée, baptisée Algues vertes, l’Histoire interdite1. Les vétérinaires auraient pu être associés à l’image très négative de l’élevage porcin intensif, mais les auteurs ne s’en sont absolument pas pris à eux. Les vétérinaires présentés dans cet ouvrage sont en effet tous dans le camp des victimes des algues vertes : un vétérinaire a notamment perdu son cheval et est lui-même hospitalisé à la suite d’une balade sur la plage… Pour conclure, au final, présentement, notre profession reste encore rarement prise à parti dans ces choix de société et de production. Mais jusqu’à quand ?

1. Algues vertes, l’Histoire interdite d’Inès Léraud et de Pierre Van Hove, coll. La Revue dessinée, Éditions Delcourt, 2019. Lanceurs d’alertes, agriculteurs et scientifiques sont au cœur de cette enquête sanitaire et environnementale. Le lieu du crime : le littoral breton.