ORTHOPÉDIE
PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
FORMATION
Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO
CONFÉRENCIER
GUILLAUME RAGETLY, diplômé ECVS et ACVS, spécialiste en chirurgie au centre hospitalier vétérinaire (CHV) Frégis (Arcueil, Val-de-Marne). Article rédigé d’après une présentation faite à France Vet à Paris en juin 2019.
Les boiteries sont un motif de consultation fréquent chez le chien. La consultation doit être structurée et conduite avec rigueur : elle nécessite le recueil des commémoratifs, la réalisation d’un examen à distance, d’un examen général et neurologique et d’un examen orthopédique rapproché. Elle permet d’obtenir un diagnostic différentiel. Les examens complémentaires permettront d’établir un diagnostic définitif.
Le format du chien (petite ou grande race) et son âge sont deux éléments importants à prendre en compte. À titre d’exemple, une boiterie du membre pelvien chez un animal en croissance de petit format évoque en premier lieu une luxation de la rotule ou une maladie de Legg-Calvé-Perthes, alors que chez un animal adulte de grande race, une rupture du ligament croisé antérieur (RLCA) ou une arthrose seront suspectées. Le recueil des commémoratifs s’attachera à préciser le mode de vie du chien (davantage de tendinites et d’entorses chez les chiens sportifs par exemple), le contexte d’apparition de la boiterie, son évolution et la réponse aux traitements éventuels. Certains pièges sont à éviter : la RLCA est une affection majoritairement dégénérative (donc d’apparition progressive), mais le plus souvent les propriétaires ont l’impression que la boiterie est apparue brusquement. Il est nécessaire de bien les interroger sur d’éventuels changements d’habitude de leur animal dans les semaines précédant l’apparition de la boiterie.
L’objectif de l’examen à distance est de localiser le membre atteint et d’évaluer la sévérité de la boiterie. Indispensable pour le suivi, il est important de grader la boiterie de 0 à 5 : 0 = absence de boiterie, 1 = boiterie intermittente, 2 = constante et modérée, 3 = constante et marquée, 4 = sévère avec appui limité, 5 = sans appui. Une composante nerveuse peut également être observée à l’examen à distance.
Il arrive fréquemment que les observations de l’animal à la clinique soient différentes de celles chez les propriétaires. Un animal stressé en consultation boite souvent moins qu’au sein de son foyer. Il est utile de demander au propriétaire de filmer son animal chez lui. Les boiteries chez les chiens de petit format sont également souvent sous-estimées en raison de la vitesse de leur foulée. Il est intéressant de les filmer puis de regarder la vidéo au ralenti : il est ainsi plus facile de voir si l’animal baisse la tête lorsque le membre sain touche le sol, et donc qu’il boite du membre controlatéral.
Quelques démarches typiques, bien que rares, peuvent être constatées à l’examen à distance : une « marche sur des œufs » est évocatrice d’une polyarthrite ; une contracture du muscle infra-épineux donne une position caractéristique du membre thoracique gauche en supination ; une hyperextension du tarse avec appui vers l’avant chez des chiens en croissance évoque une lésion des hanches. Il est important d’observer la position d’un chien assis (« sit test ») : le fait de s’asseoir de travers est souvent un signe de lésion du genou (douleur à la flexion).
Il permet d’exclure les maladies non orthopédiques (par exemple une thromboembolie). L’examen neurologique est indispensable afin de détecter un déficit proprioceptif ou une perte d’équilibre. Lors du placer proprioceptif, il est important de bien soutenir le poids de l’animal pour pouvoir détecter des déficits subtils, en plaçant par exemple une main sous le bassin ou sous le thorax pour la proprioception antérieure. L’atteinte d’un seul membre, par intermittence, les arrêts en promenade et l’effet bénéfique d’un anti-inflammatoire non stéroïdien penchent en faveur d’un problème orthopédique.
L’examen orthopédique passe par la palpation, la pression et la mobilisation des membres, des articulations et des masses musculaires. Il permet de mettre en évidence la présence d’une douleur, d’une tuméfaction, d’une effusion articulaire, d’ankylose, de crépitations ou d’un défaut d’amplitude en extension et en flexion. Il est important de comparer avec le membre controlatéral. Il est recommandé de commencer en examinant l’animal debout (réduction du stress) : mobilisation de la colonne vertébrale et de la queue, puis palpation des membres et des articulations. L’examen se poursuit, éventuellement avec le chien couché : mobilisation des doigts puis des différentes sections du membre, pour finir par les articulations.
Certains tests aident au diagnostic, il ne faut pas hésiter à les réaliser sur des animaux sains afin de s’habituer à la perception et aux réactions normales des sujets. En ce qui concerne l’épaule, le « test du biceps » est le plus intéressant : il consiste à placer l’épaule en flexion complète, en gardant le coude légèrement fléchi, et d’appuyer sur le biceps. En cas de douleur vive, ce test confirme que la lésion se situe à l’épaule ; il peut s’agir d’une tendinite du biceps chez les chiens sportifs de grande race.
Le test de Campbell est le plus utile pour mettre en évidence une douleur du coude : il consiste en une rotation interne du carpe et une flexion du coude. En cas d’inflammation du coude et d’atteinte du compartiment médial, le chien exprimera de la douleur. En cas de non-union du processus anconé, l’extension du coude est douloureuse. Une boiterie d’un antérieur est plus souvent due à une lésion du coude plutôt que de l’épaule.
La suspicion d’une RLCA correspond à trois critères : l’empâtement du tendon rotulien (impossibilité de le palper en présence d’une synovite) ; la présence d’une tuméfaction médiale ; une douleur à l’hyperextension des genoux. Le signe du tiroir présente une forte spécificité sur les chiens adultes mais une faible sensibilité : en cas de signe positif il s’agit d’une RLCA, mais si le test est négatif il ne faut surtout pas exclure cette affection (la présence d’une fibrose importante du genou peut expliquer que le test soit négatif). Une boiterie d’un membre pelvien sur un grand chien doit être considérée comme une RLCA jusqu’à preuve du contraire.
Pour établir le diagnostic de luxation de la rotule, il est nécessaire de mettre le genou en hyperextension et d’effectuer une torsion du genou, éventuellement sous sédation si l’animal est très contracté.
L’évaluation des hanches s’effectue en réalisant une hyperextension progressive. Chez le jeune, il est possible de placer l’animal debout sur ces pattes arrière en lui tenant les antérieurs en hauteur. Le « test du triangle » est utile pour diagnostiquer une luxation de hanche (palper l’ischium et le haut de l’ilium : le grand trochanter doit se situer en dessous de la ligne ischium-ilium). Le test d’Ortolani contribue à évaluer la sévérité d’une dysplasie. Lors d’un processus sévère, il est possible de ne pas pouvoir réaliser cette manipulation car la hanche est subluxée de façon continue.
En fonction des commémoratifs et de l’examen clinique, les causes classiques sont d’abord recherchées – dysplasie du coude, RLCA, luxation des rotules, dysplasie de la hanche (voir tableau).
Les examens complémentaires à réaliser sont choisis en fonction notamment de la localisation de l’anomalie (voir tableau), de l’expertise de l’opérateur, du caractère invasif ou non de la procédure et du coût. La radiographie est l’outil le plus fréquemment utilisé en première intention. La clinique prime toujours sur les radiographies. Il est nécessaire de bien maîtriser l’outil technique. À titre d’exemple, lors d’une radiographie du grasset, il est indispensable de bien régler les constantes et de superposer les condyles, afin de visualiser le tendon patellaire. Si ce n’est pas le cas, l’inflammation articulaire sera invisible.