CONGRÈS
PRATIQUE MIXTE
Auteur(s) : TANIT HALFON
La castration chirurgicale à vif des porcelets et la caudectomie apparaissent comme deux sujets prioritaires pour avancer sur la question du bien-être des porcs d’élevage. Si des alternatives à la castration existent, l’arrêt de la caudectomie est plus difficile à envisager.
A méliorer le bien-être des porcs d’élevage, plus facile à dire qu’à faire ? Il est clair que la réponse est oui, tant persistent encore des questions notamment d’ordre technique et économique, comme l’a montré le dernier congrès de l’Association française de médecine vétérinaire porcine (AFMVP), dont la première session s’est tenue le 3 décembre dernier. En matière de bien-être animal, la question des pratiques douloureuses est prioritaire. À commencer par la castration chirurgicale à vif des porcelets, qui sera officiellement interdite à partir du 1er janvier 2022 (arrêté du 24 février 2020). En France, cela fait des années que le sujet est débattu, et récemment la profession vétérinaire, via la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) et l’Association des vétérinaires exerçant en productions organisées (AVPO), avait pris position en indiquant qu’aucune méthode de gestion de la douleur durant la chirurgie n’était satisfaisante. De fait, pour eux, la seule solution viable passait par l’élevage de mâles entiers, avec ou sans immunocastration.
Si cette dernière est une pratique encore anecdotique en France, elle a fait ses preuves dans d’autres pays et depuis longtemps : le vaccin Improvac de Zoetis est ainsi utilisé depuis vingt ans sur le terrain, dont dix ans en Europe, ce qui correspond à environ 3,5 millions de porcs immunisés chaque mois, sans retours terrain négatifs. Par ailleurs, des sondages, notamment celui mené par le consortium IPEMA (Approches innovantes pour la production de porcs mâles entiers ou Innovative approaches for pork production with entire males1), ont montré que les consommateurs n’étaient majoritairement pas réticents à l’immunocastration. L’éleveur gagne aussi au change, avec un gain moyen quotidien des porcs immunocastrés supérieur à celui des porcs castrés (+ 26,3 g/j), mais aussi avec des animaux plus calmes du fait de l’arrêt des comportements agressifs sexuels, notamment du comportement de monte. Tout comme l’abatteur et le transformateur puisque les carcasses ne sont pas malodorantes, qu’il y a une plus grande quantité de viande et moins de gras, ou encore que les qualités organoleptiques (couleur, odeur, texture) de la viande demeurent inchangées.
Arrêter la caudectomie à la naissance s’avère bien plus complexe. La réglementation stipule que la coupe de queues est interdite en routine et qu’elle ne devrait être envisagée qu’à la condition que l’éleveur ait tout tenté pour éviter la caudophagie - la coupe des queues des porcelets n’est autorisée que jusqu’à 7 jours d’âge. Problème : cette dernière est multifactorielle, rendant difficile la maîtrise de l’ensemble des facteurs de risque. Malgré les études à ce sujet, il n’existe toujours pas de consensus sur la hiérarchisation des moyens à mettre en place pour l’éviter, et des questions persistent sur les matériaux manipulables. Ces derniers sont classés en trois catégories : optimal (litière), sous-optimal (corde, bois, paille en râtelier, etc.) et minime (plastique, chaîne) ; en outre, la réglementation définissant les normes minimales à respecter en type et nombre de matériaux pour l’élevage porcin indique notamment que les matériaux d’intérêt minime doivent être associés à des matériaux du niveau sous-optimal. Pourtant, les retours terrain ne sont pas si catégoriques. Pour exemple, un essai mené par les chambres d’Agriculture de Bretagne dans lequel n’a pas été mesuré un effet de l’enrichissement du milieu de vie (caillebotis) sur l’état et la longueur des queues (voir Formation page 27). Des résultats qui vont dans le sens d’une enquête terrain menée en Finlande, dans laquelle les éleveurs étaient invités à s’exprimer sur leur analyse des facteurs de risque de caudophagie : il en était ressorti que l’accès à l’aliment, les soins aux animaux et l’abreuvement étaient pour eux les facteurs de risque prioritaires. Cela dit, des fiches conseils pour le bien-être des porcs ont déjà pu être rédigées, dont une sur l’enrichissement du milieu de vie. Elles sont accessibles en ligne2.
1. Consortium de chercheurs sur les alternatives à la castration chirurgicale des porcelets : www.bit.ly/2WrlhGB.
Améliorer le bien-être des porcs d’élevage coûte très cher. Pour exemple, le besoin d’investissement pour les maternités porcines françaises a été estimé à 1 milliard d’euros. Pour l’augmentation de la surface des porcs en post-engraissement (passage de 0,7 à 1 mètre carré), le budget à prévoir serait de 2,5 milliards d’euros. Qui va payer ? L’équation est complexe, et Christine Roguet, agro-économiste à l’Ifip-Institut du porc, a proposé trois pistes de financement : par les éleveurs via un gain de performance, mais toutes les nouvelles pratiques ne s’y prêtent pas ; par le contribuable, en réorientant les aides publiques comme celles liées à la politique agricole commune ou celles du plan de relance français ; enfin par le consommateur, via les nouveaux labels ou une taxe globale. En ce qui concerne les labels, si les Français sont favorables à un étiquetage, ils ne sont pas forcément prêts à en assumer le surcoût. Par ailleurs, ces évolutions ne sont pas sans risque : risque d’accélérer la concentration structurelle, les plus petits élevages pouvant avoir plus de difficultés à faire des investissements ; risque d’augmenter les importations en provenance de pays ayant moins de contraintes ; et enfin risque d’accentuer la baisse de la consommation s’il n’y a pas de réponse à la demande sociétale et s’il y a une forte hausse du prix des produits.