CAUDOPHAGIE
PRATIQUE MIXTE
FORMATION
Auteur(s) : TANIT HALFON
La caudectomie est réalisée dans la plupart des élevages de porcs européens dans le but de réduire le risque de caudophagie. Néanmoins, selon la réglementation européenne, cette pratique est interdite en routine et ne doit être envisagée qu’en dernier recours, après avoir pris d’autres mesures pour l’éviter. L’enrichissement du milieu de vie en fait partie et des études ont déjà montré les avantages de plusieurs matériaux manipulables par les porcs. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a également défini les matériaux idéaux qui doivent être sûrs, mobiles, déformables et comestibles s’ils sont destructibles. Dans ce contexte, une étude menée par les chambres d’agriculture de Bretagne s’est penchée sur la faisabilité d’élever des porcs à queue entière dans des élevages sur caillebotis. Deux groupes de porcelets, issus de trois bandes successives, sont comparés. Dans le premier (99 porcs - groupe QE), la queue des porcelets est laissée intacte, tandis qu’elle est coupée dans le deuxième (66 porcs - groupe QC). Au sevrage et en engraissement, les porcs de chaque groupe sont soumis à deux stratégies d’enrichissement : ils disposent soit d’une chaîne métallique (E), soit d’une chaîne associée à d’autres objets de nature organique (E+, corde pour le sevrage, associée à de la paille et un morceau de bois attaché à une chaîne pour l’engraissement). En cas d’observation d’épisodes répétitifs de caudophagie, de nouveaux matériaux manipulables sont ajoutés pour les animaux des cases E+.
L’état de la queue est significativement meilleur chez les porcs du groupe QC en fin de post-sevrage/début d’engraissement, avec 51 % des porcs QE qui ont une note d’état de 1 ou 2, contre 9 % des porcs QC (grille des notations des morsures de queue de l’Institut du porc, Ifip1). En fin d’engraissement en revanche, il n’y a pas de différence dans l’état de la queue entre les 2 groupes avec des notes de 2 et 3 chez respectivement 6 % et 7 % des porcs QC et QE. Au final, 83 % des porcs QE ont subi de la caudophagie en postsevrage. En engraissement, 4 % des porcs QE n’ayant pas eu à subir de caudophagie auparavant, vont y être exposés durant cette phase. Par ailleurs, si tous les objets manipulables ont été utilisés, en post-sevrage comme en engraissement, le niveau d’enrichissement du milieu de vie n’a pas joué sur l’état de la queue. De plus, le degré d’enrichissement du milieu ne joue pas non plus sur l’utilisation des matériaux par les animaux. Au global, il en ressort que les performances de croissance sont similaires entre les animaux des deux groupes. À l’abattoir, aucune différence significative n’a été notée pour le poids des carcasses et les TMP (taux de muscle des pièces). Les saisies constatées pour les 2 groupes ne sont pas liées à l’état des queues.
Ces résultats indiquent qu’il est possible d’élever des porcs à queue entière jusqu’à l’abattage. Ils montrent aussi que le post-sevrage est la période la plus à risque pour la caudophagie. Les meilleurs résultats en engraissement montrent d’une part que la cicatrisation des queues qui ont été mâchonnées en post-sevrage s’est bien faite, et que l’état de la queue en abattoir n’est donc pas un indicateur fiable pour la caudophagie en élevage. De plus, même si l’étude n’a pas montré d’impact de l’enrichissement du milieu sur l’état des queues, la seule corde mise à disposition en post-sevrage pourrait ne pas avoir été suffisante, et la paille serait à tester, une étude ayant montré qu’elle permettait de réduire le cannibalisme, même distribuée en petite quantité. En Finlande, les éleveurs considèrent que la paille est le meilleur matériau manipulable pour réduire le risque de caudophagie. Cependant, les résultats de l’étude montrent bien que la gestion du risque de caudophagie nécessite de bien prendre en compte tous les facteurs de risque associés, et ce dès le post-sevrage. Plusieurs facteurs de stress sont communément décrits : séparation truie-portée, mélanges, transitions alimentaires. En engraissement, le stress pourrait être plus limité et donc les épisodes de caudophagie plus rares.
1. Note 0 : absence de marque visible ; 1 : quelques griffures ; 2 : queue rouge, tuméfiée, apparence humide ou plaie saignante de taille réduite ; 3 : plaie importante, perte d’une partie de la queue.
Article rédigé d’après une conférence des 52e Journées de la recherche porcine à Paris (4 et 5 février 2020), N. Villain et Y. Ramonet, « Élever des porcs à queue entière logés sur caillebotis. Observation de l’état des queues et effet de l’enrichissement du milieu », 2020, 385-390