LES MISSIONS DE L’ORDRE POUR 2021 - La Semaine Vétérinaire n° 1882 du 15/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1882 du 15/01/2021

PROFESSION

ANALYSE

Auteur(s) : JEAN-PAUL DELHOM

L’engagement de la profession face à la pandémie et les enjeux à venir sont autant de points qui ont marqué les vœux de l’Ordre en ce début d’année.

Durant cette année difficile, « la profession vétérinaire a fait preuve de générosité par la mise à disposition des masques, des vêtements de protection, d’appareils d’aide à la respiration et aussi d’adaptation, en maintenant son activité », a tenu à saluer Jacques Guérin, président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), en introduction de ses vœux de l’Ordre en visioconférence le 5 janvier dernier. « Mais des amertumes surgissent en constatant que la profession n’a pas été énormément mobilisée dans le cadre de cette crise », ajoute-t-il. Cette crise a été un moment fort de l’engagement de la profession alors que 5 000 confrères et consœurs se sont proposés à la réserve sanitaire sans être appelés. Mais l’utilisation de la biologie vétérinaire et de ses plateformes de tests PCR ne s’est pas faite sans difficultés. L’arrivée d’un vétérinaire au conseil scientifique est une marque de reconnaissance attendue ardemment en ce début d’année 2021.

Faire connaître et rendre opérationnel

La création du Haut Conseil scientifique, qui regroupe des experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Programme national des Nations unies pour l’environnement, ancre bien le concept vétérinaire « One Health » au niveau international comme il l’était dans les équipes de recherches pluridisciplinaires. Il reste encore beaucoup de pédagogie à déployer pour le faire connaître au niveau du citoyen et le rendre opérationnel au niveau du terrain. La collaboration des biologistes, médecins, pharmaciens, vétérinaires n’est toujours pas réglée. L’implication des médecins dans les différents plans Écoantibio est attendue.

Le vote de la loi portant diverses dispositions d’adaptation du droit national au droit de l’Union européenne (Ddadue), le 18 novembre 2020, aidera au maintien ou à l’installation de vétérinaires dans les zones rurales1. Le travail d’approche fait par Vetfuturs France dans ses réflexions et par l’Observatoire national de la démographie vétérinaire a permis de reconnaître l’urgence du problème de la désertification médicale explique Jacques Guérin. Des collaborations ministérielles efficaces ont su créer les conditions pour passer des dispositions législatives. Les décrets et arrêtés d’application sont attendus avec impatience.

La médecine solidaire soulève des questions

La protection animale est un sujet dont l’importance est grandissante dans l’opinion publique2. Elle soulève des questions dont il faudra débattre. Celle de la levée du secret professionnel lors de maltraitance devra être abordée pour conserver la confiance de sa clientèle et éviter les agressions physiques.

Le Conseil de l’Ordre va proposer pour les deux prochaines années une « solution unifiée, rationnelle, sécurisée » pour permettre à des personnes dans la précarité d’accéder aux soins pour leurs animaux. Ce projet sera lancé en 2021 sous la marque « Vétérinaire pour la vie, pour la planète » en France et en Outre-mer. Il s’agit de créer 13 associations régionales qui porteront 45 antennes départementales. Une fédération animera l’ensemble. L’aide apportée par le ministère de l’Agriculture dans le cadre du plan de relance structurera ce réseau particulier.

L’accès aux soins pour les éleveurs, dans les régions qui peinent à attirer de jeunes vétérinaires, est un des sujets à traiter en 2021. La formation est une des solutions évoquées.

Une cinquième école vétérinaire ?

Le sujet fait débat au sein de la profession : celui de nouvelles écoles vétérinaires, dont le projet d’une cinquième école vétérinaire. Le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, veut créer une cinquième école vétérinaire à Limoges. Il était invité à prendre la parole lors des vœux de l’Ordre. Son souhait : un nouveau mode de formation basé sur des stages sur le terrain. « Si l’on veut attirer des enfants issus du milieu rural, une école publique sera toujours plus efficace même s’il faut repenser son modèle. Dès la rentrée 2021, de jeunes stagiaires seront accueillis, des formations proposées. Le CHU de Poitiers, l’école supérieure d’agronomie de Bordeaux feront partie de ce réseau. »

Jacques Guérin partage cette approche, qu’il faudra accompagner selon lui. Au 31 décembre 2020, 1 113 nouveaux vétérinaires ont été inscrits à l’Ordre, dont 52 % ont été formés à l’étranger. « La souveraineté de la France par rapport à la formation des vétérinaires est une question qui appelle la réponse des politiques. » Pour Jacques Guérin, plus que le nombre de vétérinaires, ce qui est en question ce sont le modèle économique, la qualité de vie dans les zones rurales, l’équilibre vie privée-vie professionnelle. « S’il faut une cinquième école, il doit y avoir les mêmes contraintes que pour les autres : recherches cliniques et fondamentales, standard européen. » Et de renchérir que « la Nouvelle-Aquitaine va devenir à n’en pas douter un laboratoire d’idées ».

Une compétence moins médiatique : l’anticipation

Viviane Moquay, présidente de la section Alimentation et santé du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), met en avant une compétence des vétérinaires moins médiatique, l’anticipation. L’organisation sanitaire repose, en France, sur le vétérinaire privé en raison du faible taux de vétérinaires officiels par unité de cheptel. L’ensemble des rapports pointe un risque important de déficit de la surveillance sanitaire, lié à la raréfaction des installations de vétérinaires en zones rurales. Un dialogue constructif avec les professions agricoles et les élus sur les conditions d’exercice en milieu rural est souhaité. Les missions en santé publique doivent être abordées avec les pouvoirs publics.

Jacques Guérin estime que la gestion des données dans les élevages, la permanence et la continuité des soins, le suivi sanitaire permanent, la télémédecine, la délégation d’actes sont des dossiers identifiés. Malgré tout, ils n’ont pas abouti. Le président du CNOV forme le vœu que les éleveurs, vétérinaires et services d’État se réunissent, sous le patronage du ministère de l’Agriculture, pour les finaliser cette année. Il faudra innover dans leur façon de percevoir la profession dans les zones rurales et veiller à ce que « la médecine des animaux de compagnie ne soit pas prise en otage des rapports de force que nous avons maintenant de manière permanente dans les productions animales ».

En 2020, deux ordonnances assez anciennes ont été ratifiées : l’une de 2011 sur l’acte vétérinaire, l’autre de 2015 sur la réforme de l’Ordre des vétérinaires. Une loi sur l’Ordre datant de 1947 a été abrogée. En 2021, Jacques Guérin souhaite lancer un grand chantier qui est celui de la profession vétérinaire, ses missions et ses modalités d’exercice dans le code rural.

1. À lire aussi en page 38 de ce numéro.

2. À lire aussi en pages 16 et 17 de ce numéro.

L’indépendance professionnelle

Notre consœur, Florence Dirn, présidente du conseil régional de l’Ordre des vétérinaires des Hauts-de-France, s’inquiète de l’émergence d’investisseurs voulant rentrer au capital des sociétés vétérinaires. Elle pose la question de l’indépendance professionnelle, valeur fondamentale et pilier majeur pour les professions libérales réglementées. Pour Jacques Guérin, l’Ordre doit garantir l’indépendance de la personne physique, de la personne morale et traduire ce qu’est l’indépendance d’une société vétérinaire. Le code rural et de la pêche maritime parle aussi d’indépendance de la profession. C’est une notion déontologique cardinale qu’il faut revisiter de temps en temps.

Ces sociétés ne sont pas régies uniquement par le code du commerce mais aussi par le code rural et de la pêche maritime. Les vétérinaires exerçant au sein de ces sociétés sont confrontés à des raisons d’intérêt général que sont la santé animale et publique, la protection animale et celle du consommateur. En 2021, tout un processus va être décliné pour se terminer par un débat au congrès des élus de l’Ordre national des vétérinaires à Saint-Malo entre des conseillers ordinaux, des juristes, des philosophes et des médecins.