ENSEIGNEMENT
ANALYSE
Auteur(s) : CLAUDIA LUCENAY-SCHIMENTI
Chaque année, des étudiants français voulant devenir vétérinaires se heurtent aux portes des écoles de leur pays et se retrouvent face à un choix épineux : se réorienter, ou partir étudier dans d’autres pays d’Europe. Parmi ces destinations figure la Roumanie. Claudia Lucenay-Schimenti, en 3e année à la faculté de médecine vétérinaire de Bucarest, nous apporte son témoignage.
En Roumanie, les facultés publiques de Bucarest, Cluj-Napoca, Ia.i et Timisoara proposent des enseignements vétérinaires en français ou en anglais, et ce ne sont pas moins de 760 Français qui étudiaient dans ces facultés en 2020 ! En 6 années, les étudiants obtiennent un diplôme européen, puis peuvent s’ils le souhaitent repartir pratiquer en France ou ailleurs en Europe.
L’admission dans ces facultés se fait sur dossier. Les candidats doivent être en possession du baccalauréat, et les notes obtenues au cours des années au lycée peuvent également être prises en compte. Dans certains cas, ceux qui étudient déjà dans une école vétérinaire peuvent faire une équivalence pour passer directement en 2e année. Une fois le dossier d’inscription déposé, les candidats sont classés d’après des critères d’admission (par exemple une attestation de volontariat dans un élevage ou une association de protection animale) pouvant varier d’une faculté à l’autre.
Chaque année, à la rentrée qui se fait début octobre, des étudiants aux origines et profils très variés se rencontrent dans leur nouvelle université. Certains sortent d’une classe préparatoire, d’autres d’une licence, d’autres encore directement du lycée, et quelques-uns ont déjà un métier depuis des années et entament leur reconversion professionnelle. Les deux premières années restent relativement théoriques, avec notamment des cours de physiologie, anatomie et physiopathologie. C’est à partir de la 3e année que commence la pratique en clinique. Chaque année, les étudiants sont évalués durant deux sessions de partiels, chaque examen étant noté sur 10, et doivent obligatoirement effectuer un stage de minimum 90 heures dans une clinique, un élevage ou une association de protection animale.
À la fin des 6 années d’étude, une fois tous les examens du dernier semestre validés, les étudiants passent un examen final composé d’un QCM théorique, d’un examen pratique et de leur thèse, puis obtiennent un certificat de réussite en roumain. Pour les étudiants fraîchement diplômés souhaitant exercer en France, ils doivent créer un dossier pour l’Ordre vétérinaire de leur région. Suite à un rendez-vous avec un conseiller ordinal leur expliquant leurs droits et devoirs, les nouveaux docteurs reçoivent leur numéro d’ordre, et donc l’autorisation d’exercer en France.
Somme toute, partir étudier en Roumanie est une alternative pour ceux qui ont raté le concours d’entrée en école vétérinaire en France ou qui ne souhaitent tout simplement pas le passer et ainsi économiser de précieuses années. Bien que les frais de scolarité annuels puissent paraître élevés en comparaison à la France, ils restent inférieurs à ceux des facultés d’autres pays tels que l’Espagne et sont rapidement équilibrés par le faible coût de la vie en Roumanie. De plus, les étudiants ayant obtenu les meilleures notes peuvent bénéficier d’une bourse mensuelle octroyée par les facultés. Celle de Bucarest propose par ailleurs à chaque nouvelle promotion un nombre fixe de places dites « budgétisées ». Ces places, remises en jeu chaque année, sont offertes aux étudiants les mieux classés de leur promotion, et ils sont alors exemptés des frais de scolarité pour l’année suivante. Cependant, à chaque rentrée, la faculté de Bucarest a tendance à diminuer le nombre de places budgétisées qu’elle propose, passant de 15 pour la promotion de 2018-2024 contre 5 pour celle de 2020-2026.
Finalement, la plus grande difficulté à laquelle doivent faire face les étudiants expatriés réside dans les préjugés de certains autres étudiants et vétérinaires en France, que ce soit à propos de la Roumanie ou des études en elles-mêmes. Ils peuvent à tout moment être tenus de justifier leur choix d’étudier à l’étranger et doivent parfois défendre la qualité de leur diplôme de doctorat en médecine vétérinaire, pourtant reconnu dans toute l’Union européenne. Le fait d’être loin de leur famille et d’être confronté à une culture et une langue différentes peut aussi être éprouvant pour beaucoup d’étudiants, mais à la fois très enrichissant. Avant de partir à plus ou moins 2 000 km de chez soi, il est donc important de prendre conscience que vivre loin de son pays natal et entrer dans un système éducatif à l’étranger nécessite une prise d’autonomie et une bonne capacité d’adaptation.
Premier congrès vétérinaire 100 % francophone de Roumanie, VetNapoca est organisé par un groupe d’étudiants de Cluj-Napoca (CMC Vétérinaire) en partenariat avec l’université des sciences agronomiques et de la médecine vétérinaire (USAMV) Cluj-Napoca, la faculté de médecine vétérinaire de Cluj-Napoca, l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) et l’Institut français de Roumanie, et coordonné par notre confrère Laurent Jessenne et Cristina Bianca Pocol, enseignante à l’USAMV Cluj. Prévu fin mars 2020, cet événement a été reporté à une date indéterminée en raison du contexte sanitaire. Un report étant impossible en présentiel en 2020, les organisateurs ont proposé une version en ligne VetNapoc@, les 27 et 28 novembre derniers, qui a réuni près de 250 étudiants des 4 facultés vétérinaires roumaines ainsi que 11 intervenants.