LA LUZERNE : À VALORISER DANS L’ALIMENTATION DES CHEVAUX ? - La Semaine Vétérinaire n° 1884 du 29/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1884 du 29/01/2021

NUTRITION

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

Les propriétaires français utilisent moins de luzerne dans les rations des chevaux que d’autres pays, alors que cette plante est d’un grand intérêt. Une tendance qu’essaient d’inverser la Coopération agricole Luzerne de France et l’entreprise Désialis, soutenues scientifiquement par une société de recherche spécialisée en nutrition équine, Lab To Field.

En 2018, la production de luzerne déshydratée de la Coopération agricole Luzerne de France était de 741 000 tonnes. Son directeur, Éric Guillemot, espère encore une progression, en diffusant notamment de l’information scientifique auprès des praticiens vétérinaires. La société Désialis, qui commercialise essentiellement de la luzerne, sous forme de granulés ou de balles, mais aussi des pulpes de betterave déshydratées, s’inscrit dans la même dynamique. C’est également un des grands sujets d’étude de Lab To Field (LTF), un laboratoire de recherche spécialisé sur les liens d’interdépendance entre alimentation, santé, comportement et performance. Sous la direction de Samy Julliand, expert en physiologie de la digestion chez les équins, LTF mène depuis 2015 des expérimentations pour comprendre l’origine des bénéfices santé et performance de la luzerne pour les chevaux.

Pourquoi la luzerne est-elle un aliment santé ? Qu’a-t-on appris en termes de prévention des maladies digestives ?

Samy Julliand : Dans l’estomac du cheval, l’amidon et les sucres solubles peuvent être rapidement fermentés. Les produits de la fermentation, associés à un environnement acide, sont dangereux pour l’intégrité des muqueuses gastriques. C’est pourquoi la luzerne est particulièrement intéressante, car, de toutes les plantes classiquement distribuées aux chevaux, elle présente le plus fort pouvoir tampon. Lors de différents essais, les chercheurs de LTF ont observé que la substitution d’une fraction des céréales de la ration par de la luzerne permettait d’améliorer l’écosystème et la santé gastrique.

En parallèle, LTF effectue d’autres recherches pour évaluer l’intérêt de la luzerne sur la performance sportive. En partant de quelle hypothèse ?

La luzerne est très riche en protéines, essentielle pour le développement musculaire, et en fibres, source d’énergie « naturelle » du cheval. Chez le cheval athlète, nous mesurons les modifications physiologiques, au repos et à l’effort, ainsi que l’évolution des performances, avec des régimes classiquement distribués en courses ou des régimes enrichis en luzerne.

Pourquoi les résultats de la recherche ont-ils du mal à s’appliquer sur le terrain ici ?

Il est possible qu’en France, le transfert d’informations scientifiques prenne plus de temps, car la majorité des publications originelles sont en anglais. C’est pourquoi notre équipe a créé en 2018 le congrès LTF, un évènement bisannuel, en France et en français. Nous avons dû malheureusement reporter l’édition 2020 à novembre 2021, compte tenu de la crise sanitaire encore en cours.

Quel regard portez-vous sur les initiatives de la Coopérative agricole Luzerne de France et de la société Désialis pour promouvoir cette plante auprès des vétérinaires ?

Je pense que leurs efforts vont dans le sens de l’Histoire.