Y A-T-IL DES VACCINO-SCEPTIQUES CHEZ LES VÉTÉRINAIRES ? - La Semaine Vétérinaire n° 1884 du 29/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1884 du 29/01/2021

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

Impossible de savoir quelle proportion de vaccino-sceptiques comporte la profession. La question est d’autant plus intéressante qu’une partie des gens, notamment dans la population rurale, aimerait connaître l’avis de leur vétérinaire en la matière, pour les aider à dire oui ou non à leur propre vaccination en santé humaine !

COMMENT PEUT-ON DÉNIER EN BLOC LES AVANCÉES VACCINALES ?

HÉLÈNE JOLY (N 09)

Praticienne canine à Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie)

Quelle proportion y a-t-il de vaccino-sceptiques chez les vétérinaires ? Je n’en ai aucune idée mais il y en a… Et je pense que les assistants et assistantes vétérinaires le sont davantage. J’en connais en effet plusieurs qui ne font pas vacciner leurs propres animaux… Cela me laisse perplexe, car cela revient à ne pas reconnaître des faits scientifiques historiques avérés. Certes, aucun médicament ne comporte zéro danger, mais il faut raisonner en termes de bénéfices-risques. Je comprends cependant que la vaccination contre la Covid-19 puisse faire un peu plus peur, car elle est « nouvelle ». Personnellement, je suis en faveur d’une médecine sans extrémisme. En santé animale, à la clinique, je me suis intéressée aux protocoles vaccinaux, pour ne pas agir de manière mécanique. Et je pratique aussi la phytothérapie, en médecine complémentaire. Par ailleurs, nous avons « lissé » nos tarifs sur tous les vaccins afin que le tarif de la consultation vaccinale – appelée « visite annuelle de santé » – ne soit plus dépendant du nombre de vaccins réalisés.

NE PAS TOMBER DANS UN DISCOURS ÉMOTIONNEL

SOPHIE LE DREAN-QUENEC’HDU (N 93)

Praticienne canine à Melesse (Ille-et-Vilaine)

Comme il existe des vaccinosceptiques chez les médecins, il doit bien aussi exister des vaccino-sceptiques dans notre profession, en tout cas à titre personnel ! Même s’il me paraît légitime de s’interroger sur la pertinence et le rapport coût-bénéfice de chaque vaccin, il me semble que le principe même de la vaccination ne peut pas être remis en question. Il est nécessaire d’expliquer davantage les différents types de vaccins, les effets attendus, les risques associés et les rapports coûts-bénéfices pour l’individu, mais aussi, et surtout, pour la population. C’est cet impact populationnel que les vétérinaires, par leur formation différente de celle des médecins, sont plus à même d’expliquer. Si je me vaccine contre la Covid-19, j’ai en tête de me protéger personnellement ainsi que mes proches. C’est globalement le principe de toute vaccination, pour les animaux comme pour les humains, principe que nous appliquons dans notre pratique quotidienne, en sortant des discours émotionnels, ou populistes.

NE LAISSONS PAS LA PLACE AUX FAUSSES ALLÉGATIONS

CÉCILE ENAULT (A 08)

Praticienne à dominante rurale à Sartilly (Manche)

L’an dernier, au sein de notre équipe, la moitié seulement des vétérinaires et des assistantes se sont fait vacciner contre la grippe. Pourtant, quotidiennement, nous préconisons unanimement la vaccination des animaux de rente contre diverses affections !

Ces dernières semaines, je ressens le scepticisme ambiant général envers les vaccins. Toutes professions confondues, médicales ou non, chacun y va de son avis. Plusieurs éleveurs m’ont demandé ce que je pensais de la vaccination contre la Covid-19 et si je me ferai vacciner ! Bien sûr, nous ne sommes pas médecins et nous devons nous cantonner à notre métier. Néanmoins, notre avis compte à leurs yeux. Ce « crédit d’office » qui nous est accordé, je le ressens comme une responsabilité. Il n’est pas de notre ressort de diffuser des messages en santé humaine, mais il est de notre devoir de nous tenir scientifiquement informés sur le sujet et d’être à même d’argumenter, démentir ou guider les personnes qui doutent. Les complotistes, eux, ne doutent pas mais communiquent très bien. Ne leur laissons pas tout le champ libre.