PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE CONTRE LA MALTRAITANCE ANIMALE - La Semaine Vétérinaire n° 1885 du 05/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1885 du 05/02/2021

LÉGISLATION

ANALYSE

Auteur(s) : CHRISTIAN DIAZ

La proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale a été adoptée par l’Assemblée nationale le 29 janvier dernier. C’est la première étape de la procédure accélérée prévue par l’article 45 de la Constitution, comprenant un seul passage par chambre – Assemblée nationale puis Sénat – avant son adoption. Décryptage.

Condensé d’une dizaine de propositions de loi déposées pendant l’été, cette PPL symbolise l’intérêt des politiques pour la protection animale, tout en évitant d’aborder des sujets par trop polémiques, susceptibles de rencontrer l’opposition de certains lobbies – chasse à courre, vénerie sous terre, courses de taureaux – ou de se heurter à l’incompréhension du public – chiens dits dangereux, catégories, etc.

Ses quatre chapitres modifient des dispositions du code rural et de la pêche maritime et du code pénal, dont certaines concernent l’exercice vétérinaire.

Conditions de détention des animaux de compagnie et des équidés

1 – Attestation de connaissances

Tout détenteur d’équidés est tenu de justifier de ses connaissances relatives aux besoins spécifiques des équidés par la détention d’un certificat de connaissance. Tout particulier qui acquiert pour la première fois un animal de compagnie signe un certificat d’engagement et de connaissances des besoins spécifiques de l’espèce. Le contenu de ces certificats doit être déterminé par décret.

On note que si le certificat relatif aux équidés concerne tous les détenteurs, professionnels ou non, le certificat relatif aux animaux de compagnie ne concerne ni les éleveurs, ni les particuliers qui ont déjà possédé un animal de compagnie.

Le cédant, à titre gratuit ou onéreux, doit s’assurer que le cessionnaire a bien signé ce certificat.

2 – Identification des animaux domestiques

La possibilité de constater et verbaliser le défaut d’identification d’un animal domestique est étendue aux gardes champêtres et policiers municipaux. Cette disposition s’applique à tous les animaux domestiques.

L’amendement conférant au vétérinaire la possibilité de dénoncer l’absence d’identification d’un animal de compagnie n’a pas été retenu.

3 – Refuges et fourrières

L’animal errant, accueilli en fourrière ou en refuge, en devient la propriété après un délai porté de 8 à 15 jours.

Le fichier central est en charge de collecter les données relatives aux établissements hébergeant des animaux de compagnie à titre professionnel.

La famille d’accueil est définie comme une personne physique accueillant temporairement, sans transfert de propriété, à son domicile, un chien ou un chat confié par un refuge en vue de son adoption.

Rappelons la définition du refuge (décret du 11 mai 2004) : « On entend par refuge pour animaux un établissement à but non lucratif où des animaux de compagnie peuvent être détenus en nombre substantiel. Lorsque la législation nationale et/ou des mesures administratives le permettent, un tel établissement peut accueillir des animaux errants. »

Il résulte de ce qui précède que les associations de protection animale sans refuge – elles sont nombreuses – ne pourraient plus placer des chiens et chats en famille d’accueil, pratique aujourd’hui répandue.

Le vétérinaire responsable du refuge se voit confier une lourde tâche chargée de responsabilité : « Le placement d’un animal en famille d’accueil ne peut être réalisé qu’à l’issue d’une évaluation physiologique et comportementale menée par le vétérinaire sanitaire du refuge attestant de l’absence de danger pour la famille d’accueil et pour l’animal. » On peut considérer cette formulation comme engageant la responsabilité du vétérinaire sanitaire du refuge dont on peut raisonnablement se demander comment il pourrait en toute sécurité pour sa personne garantir l’absence de danger (risque zéro ?) d’un animal alors même que le plus faible niveau de risque d’un chien évalué selon l’article L. 211-14-1 du code rural reconnaît a minima les risques inhérents à l’espèce canine.

4 – Cession des animaux de compagnie

Le commerce des nouveaux animaux de compagnie est encadré par de nouvelles dispositions plus contraignantes.

L’article L. 214-7 du code rural est modifié : il étend aux animaleries l’interdiction de vendre des chiens, chats et autres animaux de compagnie dont la liste est fixée par arrêté. Cette disposition, absente du texte original, adoptée contre l’avis du gouvernement sous la pression des associations de protection animale, soulève l’incompréhension des professionnels concernés, relayée par leur syndicat.

Seuls les professionnels pourraient proposer la cession d’animaux de compagnie via un site internet. Rappelons que, depuis le 1er janvier 2016, on est professionnel dès le premier produit vendu, issu d’une femelle que l’on détient. La notion d’« éleveur particulier » est obsolète.

Les offres de cession doivent être plus complètes en ce qui concerne l’identification des produits cédés, qui doit notamment mentionner leur lieu de naissance. Ainsi les animaux provenant de l’étranger seront clairement identifiés comme tels avant leur délivrance.

Un nouvel article 515-15 du Code civil prévoit la prise en charge et le financement du devenir de l’animal de compagnie lorsque son détenteur ne sera plus en charge d’assumer son entretien (décès ou invalidité). Ce mandat est enregistré au fichier national d’identification.

5 – Mesures de protection des équidés

Si la névrectomie n’est pas interdite, elle doit être enregistrée sur le document d’identification de l’équidé et au fichier national d’identification des équidés, le SIRE (système d’information relatif aux équidés, relevant de l’IFCE, Institut français du cheval et de l’équitation) par le vétérinaire qui l’a pratiquée.

Sous couvert de protection animale, l’Assemblée nationale adopte un amendement détaillé visant à permettre la vente aux enchères d’un équidé non réclamé par son propriétaire, dont la pension n’aurait pas été payée. Le dépositaire pourrait ainsi être rémunéré par les fonds retirés de cette vente.

Compte tenu de la description exhaustive de la procédure, elle ne nécessite pas d’être précisée par décret pour sa mise en application immédiate.

L’utilisation des équidés dans les spectacles de type « carrousel vivant » est interdite.

Renforcement des sanctions dans la lutte contre la maltraitance à l’encontre des animaux domestiques

1 – Sévices graves, actes de cruauté, abandon

Les sanctions prévues par l’article 521-1 du code pénal sont majorées à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende, portées à 5 ans et 75 000 euros en cas de mort de l’animal. Cette même peine est également encourue lorsque l’abandon, déjà assimilé à ces actes de cruauté, est aggravé par le fait de le perpétrer dans des conditions mettant en péril la vie de l’animal. L’avenir dira si ces sanctions seront réellement appliquées par les juges.

2 – Atteintes volontaires à la vie d’un animal

« Le fait, sans nécessité, de donner volontairement la mort à un animal », contraventionnel (article R. 655-1 du code pénal) est correctionnalisé, les sanctions comprennent maintenant une possible peine de prison, ainsi que des peines complémentaires.

Les courses de taureaux et les combats de coqs ne sont pas concernés par ces mesures répressives, au nom des traditions locales en vigueur.

3 – État de nécessité

Selon l’article 122-7 du code pénal, « n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui, un animal ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne, de l’animal ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».

Les animaux étant assimilés par le Code civil à des biens corporels, cette modification de l’article L. 122-7, sans portée juridique, démontre cependant la volonté du législateur de réformer le statut de l’animal pour lui conférer à l’avenir une personnalité juridique particulière.

L’article 99-1 du code pénal, concernant le devenir d’un animal saisi par la justice, est modifié d’une part pour en éviter la maltraitance, d’autre part pour tenir compte du rapport entre le coût de son maintien sous la garde de la justice et sa valeur économique.

4 – Répression de la zoopornographie

Les sévices de nature sexuelle, jusque-là brièvement mentionnés dans l’article 521-1 du code pénal, font l’objet d’un traitement particulier. Ainsi, non seulement les sévices de nature sexuelle sont réprimés, mais l’enregistrement et la diffusion des images le sont également.

5 – Secret professionnel des vétérinaires

L’article 226-14 du code pénal prévoyant les possibilités de levée du secret professionnel est étendu à la profession vétérinaire. Ainsi l’article 226-13 qui réprime la levée du secret professionnel n’est pas applicable au vétérinaire qui porte à la connaissance du procureur de la République toute information relative à des sévices graves, des sévices à caractère sexuel, ou à un acte de cruauté envers un animal (…) constatés dans le cadre de son exercice professionnel.

Cette information ne lève pas l’obligation de l’article L. 203-6 du code rural qui impose au vétérinaire sanitaire de signaler à l’autorité administrative les manquements graves à la réglementation susceptibles de porter atteinte à la santé publique vétérinaire, qui inclut notamment la protection animale.

Cet amendement est protecteur pour les vétérinaires. En effet, l’article 226-14 précise : « Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi. »

Fin de la captivité d’espèces sauvages utilisées à des fins commerciales

1 – Interdiction de la détention d’animaux sauvages par les cirques itinérants et les delphinariums

– Interdiction de la détention, en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants, de l’ensemble des animaux d’espèces non domestiques. Cette interdiction entre en vigueur, pour l’ensemble des espèces concernées, 5 ans après la promulgation de la loi.

– Interdiction de détenir en captivité des spécimens de cétacés sauf dans des établissements de soins pour animaux trouvés malades ou blessés ou dont les propriétaires se sont dessaisis.

– Interdiction de la reproduction des cétacés en captivité.

– Interdiction d’acquérir des cétacés.

2 – Interdiction de présenter certains « animaux d’espèces non domestiques en discothèque ou lors d’évènements festifs analogues, y compris dans un cadre privé (…) et dans le cadre d’émissions télévisées ou réalisées en plateau ».

3 – Interdiction « de détenir des ours et des loups en vue de les présenter au public à l’occasion de spectacles itinérants ».

Fin de l’élevage de visons d’Amérique destinés à la production de fourrure

Les élevages de vison d’Amérique et d’animaux d’autres espèces non domestiques exclusivement élevés pour la fourrure sont interdits. Cette interdiction s’applique deux ans après la promulgation de la loi pour les élevages de visons et immédiatement pour les autres animaux. L’élevage des lapins angora, espèce domestique, qui a récemment fait l’objet d’une décision du Conseil d’État, n’est pas concerné par cette interdiction.