TÉMOIGNAGES
PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD
Au début par hasard, ensuite davantage par choix, les cliniques associées de Gex et de Divonne-les-Bains, dans l’Ain, travaillent actuellement avec sept vétérinaires, issus de quatre pays européens différents ! Zoom sur cette équipe internationale.
Dans ses cliniques de Gex et de Divonne-les-Bains, Hugues Claude se laisse parfois surnommer avec humour « le Coq » ! Pourquoi ? Parce que cet animal est l’emblème de sa Wallonie francophone d’origine… L’autre raison, c’est qu’il y travaille avec une équipe exclusivement féminine, dont des assistantes spécialisées vétérinaires et six autres diplômées vétérinaires - venues de Belgique, d’Espagne, du Portugal et de France.
Dans ce coin du département de l’Ain, c’est le français qui demeure la langue dominante d’échange. « Tout le monde le parle bien, ainsi que l’anglais, observe Hugues Claude. Sur demande, nous réalisons des consultations dans ces langues, mais aussi en espagnol et en portugais, grâce notamment à Irène Rodriguez (espagnole d’origine) et Silvia Goncalves (portugaise d’origine, diplômée à Lisbonne en 2006). Jusqu’en janvier 2020, nous avions aussi des consultations en italien. C’est très pratique pour nos clients étrangers. » En effet, dans cette zone géographique limitrophe avec la Suisse, vivent nombre de travailleurs italiens, portugais et espagnols. « J’aime réaliser des consultations en portugais ou en espagnol, confirme Silvia Goncalves. C’est utile, car même si un étranger maîtrise bien le français, il n’est pas évident de connaître le vocabulaire médical. D’ailleurs, à Lisbonne ou à Porto, où résident de nombreux retraités français, je suis sûre qu’ils aimeraient de même pouvoir bénéficier de consultations faites par des vétérinaires, en français ! »
Justement, existe-t-il déjà, de par sa propre expérience, une Europe réussie des vétérinaires ? « Je pense que dans des pays latins comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal, on bénéficie en effet tous d’une bonne formation de base. Ensuite, la différence se fait de par le parcours personnel que l’on choisit de suivre en complément. Moi par exemple, durant ma formation, à chacune des périodes d’été, j’ai effectué des stages dans différents domaines de la médecine vétérinaire pour découvrir ce métier complexe. Ceci dit, je trouve que la France a bien de la chance de voir revenir à elle des étudiants vétérinaires formés ailleurs en Europe, et qui ne lui ont donc rien coûté ! »
De nationalité belge et sortie de l’université de Liège en 2014, Aline Milcent a déjà eu des expériences dans quatre autres cliniques françaises, mais elle a envie de rester avec Hugues Claude « parce qu’il a une très bonne gestion d’équipe. Et puis, les patrons sont compréhensifs. Ils ne refusent pas de mieux nous former en pratique. Ils savent répondre à nos questions, à nos incertitudes si nous en avons. » « Au départ, je pense qu’il faut être un peu “paternaliste”, en réalisant parfois certains actes en duo ou sous “surveillance”, confirme en écho Hugues Claude. Et si demain je pouvais recruter un profil anglophone complémentaire, ce serait génial ! Je ne regrette pas d’avoir recruté plusieurs profils étrangers : ils nous apportent tous quelque chose. »
DAPHNÉ MAZEL
Française, sortie en 2018 de l’université de Valence (Espagne)
Après avoir eu mon bac à 17 ans, j’ai été diplômée vétérinaire à 22 ans. Le fait d’avoir suivi ma formation en Espagne n’a pas freiné mon patron dans l’étude de ma candidature. On a ici beaucoup de réunions entre vétérinaires, j’aime y être formée sans arrêt… Divers protocoles sont harmonisés et affichés, tout le monde s’entend bien : on n’est pas dans le jugement, chacun est respectueux du travail et des compétences de l’autre. Enfin, j’apprécie notre contexte international et notre bel esprit d’équipe : on a même formé un groupe sur WhatsApp où l’on se passe aussi parfois des infos concernant le travail. Oui, vraiment, j’encourage les chefs de cliniques français qui n’osent pas employer des étudiants formés à l’étranger à nous laisser tenter notre chance !
VANESSA REYMOND
Française, sortie en 2001 de l’École nationale vétérinaire de Toulouse (France)
Notre diversité de formation est enrichissante : ici, de ce fait, il n’y a pas de vétos « formatés », l’équipe a l’habitude de s’adapter à des différences de travail. Cela m’a par exemple permis de progresser en pharmacopée, en utilisant des médicaments peu connus en France. Lors du passage d’une vétérinaire libanaise, l’équipe a aussi découvert des bistouris électriques avec de nouveaux embouts chirurgicaux très pratiques ! Au sein de cette diversité, notre cohérence s’acquiert grâce à de nombreuses réunions d’équipe. Et hors travail, comme nous sommes tous des pièces rapportées (venues d’autres régions ou d’autres pays), cela a favorisé la naissance d’échanges très conviviaux.
IRÈNE RODRIGUEZ
Espagnole, sortie en 2013 de la faculté de León (Espagne) Outre mon cursus à la faculté de León, j’ai complété ma formation vétérinaire à Barcelone et aux Canaries puis effectué un internat privé à Cannes. L’équipe d’ici est cosmopolite, mais reste dans l’Union européenne. Globalement, je trouve que nous sommes tous synchros dans nos manières de pratiquer. Je pense qu’à l’avenir des équipes internationales comme la nôtre vont se multiplier en France. Car, comme le monde, la médecine vétérinaire devient elle aussi plus globale ! Tant mieux, c’est davantage enrichissant que de rester enfermé dans ses seules habitudes à soi.
HUGUES CLAUDE
Belge, sorti en 1990 de l’ancienne École vétérinaire de Cureghem1
À 24 ans, Daphné Mazel est notre benjamine. Parfois des clients lui disent : « Mademoiselle, appelez-moi le vétérinaire ! » En Espagne, il n’y a que 5 ans d’études, contre 6 en Belgique, mais je ne sens pas forcément la différence de niveau… Personnellement, je trouve que les pays latins forment plutôt bien leurs étudiants. J’espère en revanche qu’en Belgique, ils vont de nouveau progresser maintenant qu’ils ont limité les promotions à 250 étudiants, car quand ils en formaient dans les 650, certains sortaient de l’université sans jamais avoir stérilisé un chat ! Les étudiants français, eux, ont l’habitude d’avoir une bonne et rapide analyse d’une situation clinique. Les Belges vont souvent plus dans le détail. Cela a des avantages et des inconvénients : de ce fait, ils peuvent être moins productifs, mais on a ensuite une meilleure acceptation et moins de possibles litiges ultérieurs avec des clients, car ces derniers ont eu le temps de tout comprendre… Cependant, au-delà de l’école, je trouve que la compétence des jeunes étudiants dépend aussi beaucoup de leur caractère et du parcours professionnel pratique suivi. Les périodes d’essai permettent d’en juger.
1. Aujourd’hui faculté de médecine vétérinaire de l’université de Liège.