L’ASTHME ÉQUIN - La Semaine Vétérinaire n° 1888 du 26/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1888 du 26/02/2021

PATHOGÉNIE ET DIAGNOSTIC

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ

D’après le séminaire sur l’asthme équin organisé dans le cadre des 48e Journées annuelles de l’Association vétérinaire équine française (AVEF) avec le laboratoire Boehringer Ingelheim, le 5 novembre 2020 à Marseille.

Légère, modérée ou sévère, telles sont les formes de l’asthme équin. Léger ou modéré (AEM), il correspond à la maladie inflammatoire des voies respiratoires profondes (MIVRP) ou inflammatory airway disease (IAD). L’asthme équin sévère (AES) correspond à la maladie obstructive des voies respiratoires profondes (MOVRP) ou pousse ou recurrent airway obstruction (RAO). Ne pas oublier non plus les chevaux souffrant « d’asthme estival » ou summer pasture recurrent airway obstruction (SPRAO) qui peuvent présenter une forme modérée ou sévère d’asthme lorsqu’ils sont en pâture.

L’AES concerne les chevaux adultes présentant une inflammation et une obstruction des voies respiratoires profondes accompagnées de signes cliniques comme une toux fréquente et une dyspnée expiratoire au repos. Inversement, l’utilisation du terme d’AEM s’applique à un cheval, quel que soit son âge, présentant une toux chronique (> 4 semaines) et ou des contre-performances, avec évidence d’accumulation excessive de mucus dans la trachée et/ou une augmentation des neutrophiles, des éosinophiles et/ou des mastocytes dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire (photo 1)1.

Prévalence

L’incidence de l’AEM chez les chevaux de course varie de 11 à 74 % en fonction de la méthode diagnostique utilisée (endoscopie, cytologie) et des conditions d’examen (repos versus après exercice). L’incidence de l’AES chez des chevaux avec des parents sains est de 10 % et avec des parents atteints d’environ 44 %.

Pathogénie

L’asthme équin modéré

La pathogénie de cette affection reste incomplètement définie. Son étiologie implique des facteurs divers qui agissent de manière synergique pour initier ou prolonger l’inflammation des voies respiratoires. Une variété importante d’agents étiologiques peut être impliquée, et ce, à différents niveaux en fonction des populations de chevaux et de l’environnement auquel ils sont exposés : cela inclut notamment l’entraînement, les repas, le mode d’hébergement, la saison, les pratiques de médecine préventive et la génétique.

L’environnement : un facteur de risque identifié

Des agents non infectieux sont potentiellement au cœur du développement de cette affection. Les chevaux hébergés dans des boxes au sein d’écuries sont particulièrement exposés à une charge importante de particules aérosols et de gaz. Au sein de cet environnement, la fraction respirable peut contenir une grande variété de particules organiques et inorganiques incluant des champignons, des moisissures, des endotoxines, des matériaux végétaux et des gaz nocifs.

Ainsi, un certain nombre d’études ont identifié le fait de mettre les chevaux en box comme un facteur de risque pour le développement de l’asthme équin modéré.

Les allergènes ont-ils un rôle dans le développement de cette maladie ?

La présence de pourcentages importants d’éosinophiles et/ou de mastocytes dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire chez certains chevaux suggère le rôle « d’aéro-allergènes » dans l’apparition de cette affection.

Les bactéries et/ou virus interviennent-ils dans le développement de cette maladie ?

Il est vraisemblable qu’un lien existe entre infection bactérienne ou virale et asthme équin modéré chez les jeunes chevaux notamment. Néanmoins, il faut garder en tête que différents facteurs peuvent agir de manière synergique.

Existe-t-il un phénotype différent lié aux signes cliniques, à l’âge et à la discipline ?

Des phénotypes différents existent et semblent liés aux signes cliniques et à l’âge de l’animal.

La présence de cellules métachromatiques dans l’asthme équin modéré par exemple a été associée à une hyperréactivité des voies respiratoires et à la présence d’une obstruction pulmonaire subclinique. Cela semble être plus le cas chez de jeunes chevaux (< 5 ans). La présence de neutrophiles semble plus associée à la présence d’une toux et de mucus trachéal.

Il semble également que l’on ne parle pas exactement de la même chose si l’on considère des chevaux de course - galopeurs ou trotteurs - ou de sport.

L’asthme équin sévère

Chez les chevaux asthmatiques sévères, on sait qu’il existe une prédisposition génétique et des familles de chevaux poussifs. L’étiologie principale de l’asthme équin sévère est l’inhalation de moisissures contenues dans le foin mais aussi la paille. Une grande variété de moisissures a été identifiée en suspension dans l’air dans les écuries qui contiennent du foin et de la paille : spores de champignons et actinomycètes tels qu’Aspergillus fumigatus, Faenia rectivirgula et Thermo actinomyces vulgaris. Ainsi, il a été mis en évidence que des challenges avec des extraits d’A. fumigatus ou de F. rectivirgula induisent une inflammation pulmonaire neutrophilique chez des chevaux asthmatiques sévères non symptomatiques mais pas chez des chevaux contrôles.

Diagnostic clinique

Lors de « crise de pousse », la seule clinique peut suffire pour diagnostiquer un asthme équin sévère. Un cheval en crise de pousse présentera des signes de détresse respiratoire avec polypnée et dyspnée expiratoire (expiration active avec présence d’une « ligne de pousse »). La dyspnée se traduit également par la dilatation des naseaux et un mouvement de « pompage » au niveau de l’anus. Du jetage muco-purulent peut être présent au niveau des deux naseaux. Une toux peut également être présente spontanément ou lors de palpation de la trachée en région crâniale. À l’auscultation pulmonaire, on entend la plupart du temps des bruits respiratoires augmentés et souvent des bruits anormaux tels que des crépitements ou des sifflements. En cas de « crise de pousse », une auscultation simple est suffisante, le cheval étant alors incapable de supporter l’auscultation au sac.

Concernant des chevaux présentant un asthme équin modéré ou un asthme équin sévère en période de rémission, les signes cliniques au repos sont non seulement peu spécifiques - toux, jetage - mais non constants.

Examens complémentaires

Bilan sanguin

Les chevaux atteints d’asthme équin présentent généralement une hématologie et une biochimie sanguine dans les normes. Une étude de Gy et al. (2019)2 a néanmoins mis en évidence l’intérêt de certains paramètres dans le diagnostic de l’asthme équin de type neutrophilique avec le dosage de l’haptoglobine, de la protéine du surfactant D (SP-D, surfactant protein-D) et de la sécrétoglobine (SCGB).

Endoscopie

La présence de mucus dans la trachée visible par endoscopie peut être indicatrice de l’existence d’asthme équin modéré mais n’est pas spécifique non plus (photo 1).

Prélèvement respiratoire

Le lavage broncho-alvéolaire (LBA) est le prélèvement de choix et peut se faire soit en aveugle avec une sonde type Bivona ou Cook, soit avec un gastroscope de 3 m de long (photos 2 et 3). À noter que dans le cas de l’utilisation d’une sonde en aveugle et du fait de spécificités anatomiques, le prélèvement se fera en majorité dans le poumon caudal droit. Les recommandations sont d’instiller 250 ml ou plus de NaCl stérile, sachant qu’il est préférable de préchauffer ce liquide à 37 °C (moins de bronchospasme et moins de toux).

La préparation et l’interprétation cytologique des lames sont fondamentales afin de bien distinguer les différentes cellules présentes, notamment les cellules inflammatoires que sont les neutrophiles mais aussi les éosinophiles et les mastocytes. Le choix du laboratoire et du cytologiste est donc crucial.

Les neutrophiles sont considérés comme normaux lorsqu’ils sont inférieurs à 5 %, voire à 10 % en fonction notamment des populations de chevaux considérées (pourcentage plus élevé chez les chevaux de course par rapport aux chevaux de sport).

Les éosinophiles sont considérés comme normaux lorsqu’ils sont inférieurs à 1 % (chevaux de sport et chevaux de course, études nord-américaines3, 4) ou 5 % (chevaux de course, en France ou en Suède). De même, les mastocytes sont considérés comme normaux lorsqu’ils sont inférieurs à 3 % ou 5 %.

Néanmoins le diagnostic de l’asthme équin ne se résume pas à l’interprétation d’un LBA. L’histoire, la discipline du cheval et son examen clinique sont essentiels.

Pour en savoir plus :

1. Couëtil L.L., Cardwell J.M., Gerber V. et coll., Inflammatory airway disease of horses, Revised consensus statement, J Vet Intern Med., 2016;30(2), 503-515.

2. Gy C., Leclere M., Vargas A. et coll., Investigation of blood biomarkers for the diagnosis of mild to moderate asthma in horses, J Vet Intern Med., 2019;33(4):1789-1795

3. Pirie R.S., Recurrent airway obstruction : a review, Equine Vet J., 2014;46(3):276-288.

4. Pirie R.S., Couëtil L.L., Robinson N.E. et coll., Equine asthma: An appropriate, translational and comprehendible terminology ?, Equine Vet J., 2016;48(4):403-405.