CONFÉRENCE
PRATIQUE MIXTE
FORMATION
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
CONFÉRENCIER
LOÏC GUIOUILLIER, vétérinaire (Mayenne), président de la commission Médecines complémentaires et membre de la commission Médicament de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV)
Article rédigé d’après la conférence, Un exemple de l’apport des médecines complémentaires dans la gestion de la reproduction, présentée lors du congrès de la SNGTV du 28 au 30 octobre 2020 à Poitiers.
Dans un contexte national de réduction de l’usage des antibiotiques en élevage (plan Écoantibio 21), les éleveurs en agriculture biologique (AB) et en agriculture conventionnelle demandent de plus en plus aux vétérinaires d’inclure dans leurs protocoles de soins des traitements complémentaires : phytothérapie ou homéopathie. Mais comment répondre à ces demandes ? Avec quels critères cliniques et quelle efficacité ? Telles sont les interrogations aux quelles a tenté de répondre Loïc Guiouillier en s’intéressant plus parti culièrement aux suivis de troupeau en matière de reproduction.
À cet égard, il a mené une enquête terrain (élevage de 100 vaches prim’holstein) qui reposait sur l’utilisation de solutions thérapeutiques alternatives en fonction des observations faites sur les animaux d’un élevage. L’objectif était de proposer une base de travail pour établir des protocoles permettant de valider ou non ces pratiques et se doter de solutions thérapeutiques répondant aux attentes des éleveurs, notam ment en agriculture biologique. Dans l’élevage étudié, les vétérinaires sont passés toutes les 3 semaines pour inspecter les vaches ayant mis bas depuis la dernière visite, revoir celles ayant reçu un traitement lors de la visite précédente, ainsi que celles n’ayant pas été revues en chaleur, et procéder aux diagnostics de gestation.
Dans les 10 jours post-partum, pour les vaches présentant des signes de non-délivrance, plusieurs remèdes homéopathiques2 ont été prescrits : Arnica montana 15 CH, en cas de suite de vêlage difficile, tuméfaction des tissus vaginaux, douleur à l’examen vaginal et à la marche ; Actea racemosa 9 CH, pour la rétention placentaire, sans signes particuliers, ni odeur, ni couleur spéciale ; Pyrogenium 9 CH, lors d’odeur très forte, d’hyperthermie et d’atteinte de l’état général ; Sabina 9 CH, pour un écoulement de sang rouge ; Secale cornutum 9 CH, pour un écoulement liquidien en quantité importante, noirâtre et d’odeur nauséabonde. Ces traitements ont été donnés matin et soir aux vaches concernées, par voie orale, pendant 3 jours, durée à l’issue de laquelle une suite thérapeutique a été envisagée si nécessaire. Puis, dans les 10 à 30 jours post-partum, en cas de de non-délivrance ou de signes de métrite (vidange incomplète de l’utérus avec production de sécrétions purulentes et involution incomplète de l’utérus), des prostaglandines ont été administrées aux vaches en 2 injections à 10-12 jours d’intervalle.
Lors d’endométrite (trace de sécrétions purulentes dans les glaires utérines après 3 semaines post-partum), en première intention, un produit d’hygiène utérine et vaginale (HUV) à base d’huiles essentielles, de macérat de calendula et de quatre huiles essentielles - Eugenia caryophyllus, Melaleuca alternifolia, Cymbopogon martinii, Pelargonium asperum - est injecté par voie intra-utérine, et en seconde intention, en cas de non-guérison constatée à la visite suivante, un antibiotique est administré par voie intra-utérine. Enfin, selon les cas, des remèdes homéopathiques2 ont été prescrits, matin et soir pendant 3 jours, et administrés par voie orale pour améliorer l’état général des animaux. Il s’agit de Natrum muriaticum 9 CH - pour une vache épuisée par sa lactation, avec mauvais poil, craintive et souvent isolée du reste du troupeau -, Sepia 9 CH - pour une vache paraissant plus vieille que son âge, avec relâchement de la sangle abdominale, de la mamelle, se cachant dans le troupeau -, Silicea 9 CH - si une vache est épuisée, craintive, émaciée, présentant facilement des suppurations sur des plaies, avec mauvais poil.
Les résultats de l’enquête ont montré que certaines vaches, ayant reçu un traitement par produit d’hygiène utérin ou/et homéopathique avec une ou plusieurs injections de prostaglandines, avaient un diagnostic de gestation positif (18 vaches sur 30), tandis que pour 11 d’entre elles il n’y a pas eu de gestation (11 sur 30). Il semblerait donc que les médecines complémentaires ont des solutions à proposer dans le cadre d’un suivi de troupeau, en complément d’une gestion globale correcte du rationnement, de l’hygiène et de la maîtrise de la bonne santé des animaux. Il est intéressant, conclut le conférencier, de « faire l’inventaire des connaissances à ce sujet et d’en préciser les éléments de diagnostics afin d’en évaluer l’efficacité suivant une démarche clinique et pragmatique ».
1. Écoantibio 2 : plan national de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire (2017-2021), ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
2. Quinquandon Henri, Homéopathie vétérinaire, Biothérapies, Les Éditions du Point vétérinaire, 2de édition, 2013, Paris, 744 pages.
Dans le règlement européen portant sur l’agriculture biologique (AB), mis en application au 1er janvier 2022, et complétant le règlement français1, il est préconisé d’avoir recours en priorité aux produits phytothérapiques ou homéopathiques2. Ainsi, il est indiqué que « si un problème sanitaire se déclare en dépit des mesures préventives destinées à garantir la santé des animaux (…) [l’éleveur] est autorisé de recourir à des traitements vétérinaires selon l’ordre de préférence suivant : 1) des substances d’origine végétale, animale ou minérale en dilution homéopathique ; 2) des plantes et extraits de plantes dépourvus d’effets anesthésiants ; et 3) des substances telles que des oligoéléments, des métaux, des immunostimulants naturels ou des probiotiques autorisés ».