ON N’EFFAROUCHE PAS LES OURS COMME LES MANIFESTANTS - La Semaine Vétérinaire n° 1888 du 26/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1888 du 26/02/2021

JURISPRUDENCE

ENTREPRISE

Auteur(s) : CHRISTIAN DIAZ

Par une décision du 4 février 2021, le Conseil d’État annule les mesures d’effarouchement des ours bruns des Pyrénées au moyen de tirs non létaux. Décryptage.

Faits et procédure

S’il est un sujet qui défraie la chronique dans les Pyrénées, c’est bien celui de la réintroduction, ou plutôt de l’introduction d’ours slovènes dans le massif, les partisans de la biodiversité s’opposant à ceux du pastoralisme. En effet, les ours sont tenus pour responsables de l’insécurité des troupeaux ovins et, dans une moindre mesure, des promeneurs. Les chiens de troupeau affectés à cette protection semblent plus dangereux pour les randonneurs que les plantigrades eux-mêmes.

Sous la pression des éleveurs ovins, soutenus par certains élus, l’arrêté du 27 juin 2019 autorise à titre expérimental des mesures d’effarouchement de l’ours brun pour prévenir les dommages aux troupeaux. Les préfets peuvent accorder des dérogations permettant le recours à des moyens d’effarouchement des ours sur une estive donnée selon les deux modalités suivantes : l’effarouchement simple, avec des moyens sonores, olfactifs et lumineux ; et l’effarouchement renforcé, à l’aide de tirs non létaux de toute arme à feu chargée de cartouches en caoutchouc ou à double détonation.

Cette demande d’autorisation de tirs peut être présentée : dès la deuxième attaque intervenue dans un délai inférieur à un mois malgré la mise en œuvre effective de moyens d’effarouchement sonores, olfactifs et lumineux au cours de cette période ; ou, pour les estives ayant subi au moins quatre attaques cumulées sur les deux années précédentes, dès la première attaque imputable à l’ours survenue malgré la mise en œuvre effective de moyens d’effarouchement sonores, olfactifs et lumineux lors de l’estive en cours.

L’usage des tirs non létaux doit donc être consécutif à l’échec des premières mesures d’effarouchement. Différentes associations pro-ours saisissent le Conseil d’État pour obtenir l’annulation de l’arrêté.

La décision

Le Conseil d’État censure partiellement l’arrêté du 27 juin 2019 : si les mesures d’effarouchement simples sont validées, les mesures renforcées avec utilisation de tirs non létaux sont censurées.

Sa pédagogie

Le Conseil d’État devait se prononcer sur trois moyens soulevés par les requérants en vertu des dispositions du code de l’environnement.

1 - Principe de précaution

S’agissant de mesures dérogatoires, les risques avancés ne relèvent pas des incertitudes techniques en l’état des connaissances scientifiques. L’arrêté n’est pas contraire au respect du principe de précaution.

2 - Méconnaissance de dommages importants à l’élevage

Les tirs d’effarouchement ne sont autorisés que dans le cas où le troupeau a déjà subi des dommages caractérisés. La mise en application de l’arrêté ne méconnaît donc pas l’existence de ces dommages.

3 - Maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de l’espèce dans son aire de répartition naturelle

Selon le Conseil d’État, « en l’état des connaissances disponibles, les mesures d’effarouchement simple par des moyens sonores, olfactifs ou lumineux, mises en œuvre dans les conditions prévues par l’arrêté attaqué, ne sont pas de nature à porter atteinte au maintien des populations d’ours ou à compromettre l’amélioration de l’état de conservation de l’espèce ». Ces mesures sont donc validées. En revanche, « en ouvrant ainsi ces possibilités de recourir à l’effarouchement renforcé, sans encadrer davantage ses conditions de mise en œuvre, les dispositions de l’arrêté attaqué (…) ne permettent pas de s’assurer (…) que les dérogations susceptibles d’être accordées sur ce fondement par le préfet ne portent pas atteinte (…) au maintien des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle et ne compromettent pas l’amélioration de l’état de l’espèce ».

L’effarouchement renforcé au moyen d’armes non létales est donc censuré. Moralité : il ne faut pas confondre ours bruns et gilets jaunes.