CAS CLINIQUE
PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
Auteur(s) : TANIT HALFON
Une équipe vétérinaire française a traité avec succès un cas d’obésité chez un labrador retriever à l’aide d’un ballon intra-gastrique. Une première mondiale qui ouvre de nouvelles perspectives.
Sur le papier, la gestion d’un chien obèse est simple : instauration d’un régime diététique visant à réduire la masse grasse de l’animal, associé à de l’activité physique. En pratique, le résultat n’est pas toujours au rendez-vous, ce qui a conduit une équipe française de vétérinaires à envisager la pose d’un ballon gastrique chez un labrador retriever femelle stérilisée obèse de 9 ans. Cette intervention consiste à gonfler un ballon dans l’estomac, afin de réduire le volume gastrique disponible, d’augmenter la sensation de satiété, et donc d’induire une baisse de la prise alimentaire et une perte de poids. Il s’agit d’une première mondiale pour la médecine vétérinaire. L’intervention, réalisée en 2017, a été présentée lors du dernier congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), en décembre 2020, et a fait l’objet d’une publication dans le Journal of Small Animal Practice1.
L’animal traité était une chienne hypothyroïdienne stabilisée avec du Lévothyrox depuis cinq ans, pesant 57,6 kg avec un score corporel de 9/9. Auparavant avait été initiée par son vétérinaire traitant une prise en charge classique de l’obésité avec un régime alimentaire spécifique, mais l’animal, dont le poids initial était de 62 kg, n’avait alors perdu que 4,4 kg en 6 mois. En cause notamment un manque d’observance par la propriétaire qui, face aux sollicitations persistantes de sa chienne, finissait par lui donner des extras. « La propriétaire était demandeuse d’une solution alternative, qui permettrait de réduire l’appétit de son animal, d’autant qu’elle avait elle-même subi dans le passé une chirurgie bariatrique », explique Bertrand Vedrine, un des vétérinaires chirurgiens de l’équipe ayant géré le cas. Le projet a, de plus, été approuvé au préalable par le comité d’éthique d’Oniris (Nantes).
L’intervention est d’une grande simplicité, explique le vétérinaire. « Il faut réaliser en amont un examen endoscopique pour exclure la présence de lésions oesophagiennes ou gastriques. La pose du ballon se fait aussi sous endoscopie. Après son placement dans l’estomac, nous l’avons rempli, via une tubulure, de 500 ml de solution saline et de 200 ml d’air, ce qui correspond à ce qui est préconisé en humaine. Nous avons également ajouté un produit iodé - 10 ml d’iopamiron - à des fins de contrôles radiographiques pour le suivi de l’animal. » Pour la suite, l’animal a été mis sous oméprazole 1 mg/kg/j pendant 1 mois, et sous tramadol 3 mg/kg 2 fois par jour à la demande, ce dernier traitement n’ayant finalement pas été donné par la propriétaire. De plus, une diminution progressive de l’alimentation a été commencée, pour arriver à une baisse d’environ 50 % du volume quotidien d’aliment. La chienne a été suivie chaque semaine, et la seule complication observée est la présence de régurgitations les 3 premiers jours post-intervention. En médecine humaine2, sont également décrits des nausées, vomissements et douleurs abdominales modérés et transitoires. Des complications plus graves de type perforation et dégonflage du ballon, migration et occlusion intestinale sont aussi rapportées, bien que rares, de fait le maintien du ballon n’est pas recommandé au-delà de 6 mois.
Pour ce cas, le ballon a été retiré au bout de 6 mois, sous endoscopie, comme cela est préconisé en médecine humaine. Les résultats obtenus étaient bons : 6 mois après la pose, le chien pesait 40,9 kg, soit une perte de 16,7 kg, 27 % du poids initial, avec un score corporel de 5/9. Le périmètre abdominal était de 79 cm, c’est-à-dire réduit de 27 cm, soit 25 % du périmètre initial. La chienne a été suivie pendant deux ans, avec un poids qui a continué à diminuer à raison d’une perte de 1,3 kg entre le retrait du ballon et la fin du suivi, sans modification du périmètre abdominal. La perte de poids permise par le ballon a facilité la reprise de l’activité physique, qui n’est pas contre-indiquée avec un ballon intragastrique. Par ailleurs, malgré le retrait du ballon, le bol alimentaire n’a pas été modifié puisque l’animal ne s’est pas remis à réclamer. Depuis cette intervention, l’équipe a renouvelé l’essai pour deux autres chiens. « Je suis persuadé que c’est un traitement d’avenir pour la gestion de l’obésité des chiens, et pourquoi pas des chats, à condition que des essais plus poussés soient mis en œuvre pour conforter l’intérêt de cette pratique. Mais aussi que du matériel spécifique soit développé. Pour l’instant, notre seule option est d’utiliser des ballons commercialisés en médecine humaine, ce qui réserve ce traitement à des animaux de grande taille. »
1. Vedrine B., Fernandes D., Gérard F. et coll., Use of an intragastric balloon for management of obesity in a dog, J Small Animal Practice, 2020 : www.bit.ly/3uxhJ5q
En médecine humaine, pour gérer les cas compliqués d’obésité s’est développée la chirurgie bariatrique avec deux techniques possibles : la technique restrictive, qui consiste à limiter la capacité d’ingestion d’aliments (anneaux gastriques, ablation partielle de l’estomac) ; et la technique mixte, restrictive et malabsorptive, qui va diminuer en plus les capacités d’assimilation des nutriments (bypass). Pour ce qui est du ballon gastrique, il ne fait pas l’objet d’un consensus : en 2009, dans un avis rendu par la Haute Autorité de santé (HAS), il était indiqué que les données n’étaient pas suffisantes pour conclure à un avantage du ballon par rapport à une prise en charge pluridisciplinaire en cas d’obésité non morbide, les donnees ne permettaient pas de montrer non plus un intérêt d’une perte de poids liée au ballon pour réduire le risque anesthésique ou chirurgical en cas d’obésité morbide. Néanmoins, le ballon est utilisé comme une solution possible pour gérer l’obésité. Sa pose ne doit pas excéder 6 mois, en raison du risque de complications possibles (dégonflage, migration, occlusion intestinale).
Source : www.bit.ly/2O1dDBJ