QUEL HORIZON POUR L’ENSEIGNEMENT VÉTÉRINAIRE FRANÇAIS ? - La Semaine Vétérinaire n° 1891 du 19/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1891 du 19/03/2021

DOSSIER

Auteur(s) : TANIT HALFON

ENTRE L’OUVERTURE DE L’ENSEIGNEMENT VÉTÉRINAIRE AU PRIVÉ ET LE PROJET D’UNE NOUVELLE ÉCOLE PUBLIQUE À LIMOGES, L’ENJEU EST DE RÉPONDRE AUX BESOINS DE LA PROFESSION. LES ÉCOLES NATIONALES VÉTÉRINAIRES NE SUFFISENT-ELLES DONC PAS ? L’OUVERTURE D’UNE CINQUIÈME ÉCOLE EST-ELLE UN PASSAGE OBLIGÉ ? LA RÉPONSE EST COMPLEXE ET MÉRITE QUELQUES EXPLICATIONS.

Faut-il créer une cinquième école vétérinaire ? Oui, pour les parlementaires qui ont permis l’ouverture, sous conditions, de l’enseignement vétérinaire au privé, via la loi de programmation de la recherche. Oui aussi pour un autre élu, Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, qui propose, lui, d’ouvrir une cinquième école vétérinaire publique à Limoges, et, avant cela, de mettre en place rapidement une cinquième année d’approfondissement (voir encadré page 38). Parmi les arguments invoqués pour élargir l’offre de formation, quatre ressortent : remédier au manque numérique de vétérinaires, notamment praticiens ; résoudre la problématique des déserts vétérinaires en zone rurale ; diversifier le profil des étudiants ; et limiter le phénomène d’expatriation d’étudiants vétérinaires français1. Pourtant, les écoles nationales vétérinaires (ENV) ne sont pas statiques face à ces enjeux : la question de la capacité des écoles à répondre aux besoins de la profession est à mettre en regard des évolutions notables du cursus vétérinaire ces dernières années.

Numerus clausus et recrutement

De manière globale, l’enseignement vétérinaire a fait l’objet ces dernières années de plusieurs axes majeurs d’évolution, qui répondent aux arguments cités précédemment. Il y a d’abord eu la hausse du numerus clausus : en 2009, le nombre de places offertes au concours était de 468. Dix ans plus tard, pour la session 2019, 636 places étaient ouvertes, puis 646 pour la session 2020. Soit une hausse de 38 % en onze ans. Ce qui veut dire qu’à partir de 2026, s’il n’y a pas de changement, sortiront 646 nouveaux diplômés vétérinaires chaque année.

Un autre axe clé d’évolution de l’enseignement vétérinaire est celui du recrutement. Dès la session 2021, il sera possible d’accéder aux ENV directement après l’obtention du baccalauréat, à raison de 40 places offertes par école. L’objectif est double : réduire la durée des études et diversifier le profil social et géographique des étudiants. Les places de cette voie post-bac remplaceront une partie de celles de la voie des classes préparatoires (voie A). Avant cette réforme, le ratio entre les différentes voies de recrutement avait déjà fait l’objet d’évolutions avec une diminution notable de la voie A, au profit des voies B (licences) et C (DUT, BTS dont BTS agricoles), toujours pour diversifier les profils. En 2010, les voies B et C représentaient respectivement 9,4 et 7,6 % des places offertes ; en 2020, 10,5 et 14,7 % des places. Par ailleurs, un entretien scientifique et professionnel de 45 minutes sur une thématique d’intérêt (agroécologie par exemple), préparé pendant la classe préparatoire, a été ajouté aux épreuves du concours A des classes préparatoires : il entrera en vigueur à partir de la session 2023, pour les bacheliers du nouveau bac.

Une évolution des stages

Les écoles se sont aussi dotées d’un nouveau référentiel d’enseignement vétérinaire en décembre 2017, basé sur une approche par compétences. « Cela constitue une évolution significative. Cette approche amène à ne pas se limiter à vérifier l’acquisition de savoirs (connaissances) mais à intégrer les savoir-faire et savoir-être. À titre d’exemple, le développement des outils d’apprentissage par simulation et les enseignements relatifs à la communication client sont des moyens qui doivent permettre d’améliorer les compétences au premier jour des jeunes diplômés », explique Pierre Sans, le directeur de l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT).

Les stages tutorés en cinquième année, lancés dans l’optique de faciliter les installations en milieu rural, sont montés progressivement en puissance : au 31 décembre 2019, ce sont 160 étudiants qui sont passés par ce dispositif et 113 structures vétérinaires d’accueil volontaire qui étaient agréées. De manière générale, les stages dans le cursus vont évoluer. « On se dirige vers la création d’un outil de validation des compétences afin que les vétérinaires maîtres de stage soient en mesure de valider ces compétences. Il nous faut basculer des stages à des périodes de formation en milieu professionnel, ce qui ne sera possible que si les vétérinaires sont acteurs de la formation. C’est en effet un attendu européen incontournable sans lequel les stages seront insuffisamment efficaces », explique Christophe Degueurce, le directeur de l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA). Emmanuelle Soubeyran, la directrice de VetAgro Sup, souligne aussi l’importance des stages, notamment en rural : « Pendant sa période de stage, l’idée est que l’étudiant s’intéresse à l’environnement de vie, et pas uniquement aux aspects cliniques. Cela passe aussi par des maîtres de stage optimistes, entretenant de bonnes relations avec leurs éleveurs. »

Dans le même registre, les écoles développent, en association avec le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), une plateforme d’appariement des stagiaires et des maîtres de stage, afin de dynamiser ce secteur (site Stagevet, prochainement en ligne).

Dialoguer avec les professionnels

À noter qu’un séminaire sur l’enseignement avait eu lieu en juillet 2019, réunissant les ENV et le monde professionnel. « L’objectif était d’œuvrer aux interactions et réflexions entre la profession dans son ensemble et l’enseignement vétérinaire afin de mieux répondre aux enjeux, notamment démographiques concomitamment à l’enquête prospective2, explique Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF), à l’initiative du séminaire. Plus de soixante propositions ont été établies de manière consensuelle, certaines ont depuis été inscrites dans le cursus comme la nouvelle voie de recrutement post-bac. L’ensemble des propositions vont dans le sens d’améliorer l’enseignement en favorisant les interactions avec l’extérieur, en développant les relations avec le milieu professionnel et en favorisant la formation en alternance. » À ce sujet, Laurent Perrin, président du SNVEL, rappelle que « la collaboration avec la profession s’est singulièrement renforcée ces dernières années, en intégrant les professionnels dans les conseils d’administration des établissements, dans certains modules d’enseignement, en augmentant l’implication des praticiens dans les stages, etc. » Pour Emmanuelle Soubeyran, mais aussi Laurence Deflesselle, la directrice générale d’Oniris, il faut aller plus loin dans cette collaboration entre le monde de l’enseignement et la profession. Emmanuelle Soubeyran donne l’exemple d’un conseil de perfectionnement de la formation qui vient d’être créé dans son établissement, et qui regroupe les équipes pédagogiques et des professionnels de différents secteurs. Il se réunira tous les six mois. Cette idée avait été identifiée lors du séminaire. « Le principe est de favoriser le dialogue, car il nous apparaît que beaucoup de vétérinaires ne se rendent pas compte de la manière dont l’enseignement vétérinaire a évolué. »

S’appuyer sur l’existant

Une nouvelle école, publique ou privée, pourrait-elle apporter sa pierre à l’édifice ? Pour ce qui est de l’école publique, les quatre directeurs et directrices des ENV sont catégoriques : il est plus logique de s’appuyer sur l’existant, et les ENV sont d’accord pour accueillir un plus grand nombre d’étudiants, à condition qu’on leur en donne les moyens. Pierre Sans résume bien le discours général : « Le choix le plus raisonnable et qui me semble offrir le plus de garanties sur le long terme est d’augmenter le nombre d’étudiants dans les ENV. » Une nouvelle école publique est analysée comme un non-sens économique d’abord, car cela signifie des dépenses publiques pour notamment construire de nouvelles infrastructures, embaucher un corps enseignant, au risque de limiter le développement des écoles existantes, voire de les affaiblir. Christophe Degueurce souligne à ce sujet que les moyens étatiques attribués aux ENV sont plus faibles que la moyenne européenne. De plus, sur les 42 000 euros mobilisés par la formation d’un étudiant de l’ENVA par an, 18 000 euros sont apportés par les activités propres de l’école, « ce qui est considérable comparativement à beaucoup d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche publics ».

La question de la compétition dans le recrutement des enseignants-chercheurs, de vétérinaires spécialistes et autres formateurs, surtout dans les disciplines cliniques, se pose également. De plus, la localisation proposée de Limoges, en zone rurale, interroge quant au nombre de cas auxquels seront confrontés les étudiants vétérinaires : le bassin de recrutement, tant pour les animaux de compagnie, que pour les animaux de rente, sera-t-il suffisant pour satisfaire les critères définis par l’Association européenne des établissements d’enseignement vétérinaire (AEEEV) et que l’école obtienne, et maintienne, son accréditation ? L’objectif n’est pas non plus de créer des tensions supplémentaires pour les établissements vétérinaires de cette zone. Une ENV, c’est également tout un écosystème de recherche. « On sous-estime le coût, la complexité et les enjeux d’insertion d’une école vétérinaire dans un territoire », résume ainsi Laurence Deflesselle, qui s’étonne aussi du fait que ce projet n’ait pas été débattu avec les quatre ENV.

Créer demande du temps

Elle va plus loin : « De par l’expérience d’Oniris, qui regroupe à la fois une formation vétérinaire et une formation d’ingénieur, il est clair que c’est plus facile de créer un nouveau cursus ingénieur dans un territoire, d’obtenir son accréditation et de la garder, en comparaison avec un cursus vétérinaire. » Elle souligne aussi l’urgence de la situation : « Les solutions et les expérimentations, c’est maintenant qu’il faut les mettre en place, et la création d’une cinquième école vétérinaire publique, avec toutes ses spécificités, prend du temps, ce qui la place forcément hors course. » À ce sujet, Oniris est d’ailleurs un bon exemple : en effet, si l’École nationale vétérinaire de Nantes a été créée par le décret du 4 juillet 1979, c’est en 1962, soit plus de seize ans auparavant, que la décision de créer une quatrième école avait été prise. De plus, une fois créée, il a fallu plusieurs années pour monter en puissance, notamment pour la recherche. À l’époque, la profession vétérinaire faisait aussi face à un enjeu démographique pour tous ses secteurs d’activité. Et la région de l’Ouest était déjà une zone importante d’élevage. En outre, l’école avait coûté à l’époque 90 millions de francs, soit environ 40 millions d’euros, sachant que le terrain avait été gracieusement cédé à l’État.

Cette réflexion sur la temporalité s’applique aussi logiquement au système privé. Au-delà de ce point, le privé pourrait-il répondre aux besoins de la profession ? Pour la désertification vétérinaire, si la formation initiale a un rôle à jouer, notamment au niveau des premiers stages, souligne Emmanuelle Soubeyran, « il y a d’autres leviers liés à l’attractivité du milieu rural. La loi Ddadue [portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière] va pouvoir y répondre. Dans nos écoles, elle pourrait permettre de renforcer les liens avec les collectivités territoriales, par exemple via le financement de stage des étudiants ou d’aide à l’installation dans des zones rurales. »

« Il serait inexact de réduire les difficultés de recrutement à un simple déficit numérique, rajoute Pierre Sans. À titre d’exemple, l’Espagne forme un grand nombre de vétérinaires, très au-delà de ses besoins propres dans 13 facultés, dont trois privées, et est l’un des pays de l’Union européenne où la difficulté de recrutement en zones rurales est la plus marquée, comme le montre l’étude de la Fédération vétérinaire européenne publiée en septembre 2020. ».

La loi Ddadue en appui du privé ?

Christophe Degueurce a, lui, une analyse un peu décalée. « Un jeune devant payer 93 000 euros sera plus enclin à solliciter le dispositif de la loi Ddadue qu’un étudiant d’ENV, les 15 000 euros pouvant être couverts par un prêt étudiant. De plus, si l’école privée est bien créée par l’opérateur envisagé, il bénéficiera, via les chambres d’agriculture, de nombreux relais dans les territoires qui rendront la quête plus efficace. Ce sera donc un défi pour les ENV de bénéficier en parallèle de ce dispositif. Quant à ceux qui auront financé eux-mêmes leurs études, ayant investi près de 100 000 euros, il n’est pas certain qu’ils aillent plus que nos étudiants dans les zones rurales si la situation économique et sociale ne les attire pas, soutient-il. In fine, je pense que ce modèle privé favorisera l’installation de quelques étudiants en zone rurale, par la voie des bourses qui pourraient être mobilisées auprès des collectivités territoriales, mais je doute que ce soit un phénomène massif. »

L’impact du privé sur l’expatriation ne convainc pas totalement, le phénomène étant analysé comme quelque chose de durable, et qui ne concerne d’ailleurs pas que l’enseignement vétérinaire. La question de la sélection par l’argent se pose aussi, même si Pierre Sans rappelle qu’elle existe déjà « puisque des étudiants français vont étudier dans des facultés privées à l’étranger, dont certaines ont des frais de scolarité élevés. » Le système privé amène aussi à des mises en garde, notamment sur le risque d’arriver à une formation duale. « Le risque de formation à deux vitesses est avéré ; bâtir une formation vétérinaire est extrêmement complexe et implique des savoir-faire peu communs, des équipes pédagogiques et techniques complexes à rassembler et à former. Il est plus que probable qu’il faudra des années avant que cette formation ne se cale et ne réponde aux attendus auxquels répondent les ENVs », affirme Christophe Degueurce. « Au travers des groupes de travail mis en place par le ministère [de l’Agriculture et de l’Alimentation] sur le système privé, nous sommes attentifs à la question de son encadrement, en termes de qualité de la formation, d’évaluation des équipements, de compétences des enseignants, de son indépendance aussi », souligne Emmanuelle Soubeyran. Christophe Degueurce s’inquiète également que « les établissements privés aient recours majoritairement au système distributif, c’est-à-dire qu’ils placent leurs élèves dans les cliniques plutôt que dans des hôpitaux internes, coûteux et complexes en termes de gestion. Cela pourrait dès lors conduire au rapprochement de la formation et de l’emploi, avec des liens avec les chaînes vétérinaires en forte croissance, en capacité de proposer un système intégré et fondé sur la démarche qualité, ce que les praticiens isolés peineront à faire. C’est un enjeu stratégique pour la profession. »

Ne pas négliger l’aspect global de la formation

L’avenir nous dira si la hausse du numerus clausus – que certains qualifient déjà de cinquième école – s’accentue… sans ouverture d’autres écoles. Ou si l’avenir est à l’ouverture d’une école publique… Ou d’une ou plusieurs écoles privées. En ce qui concerne les écoles publiques, la position du ministère de l’Agriculture ne semble pas encore totalement tranchée puisqu’il a tout récemment missionné Marc Gogny pour réaliser, sur une période d’un mois, une étude prospective sur l’augmentation des capacités de formation vétérinaire dans les établissements publics en France. L’hypothèse d’une nouvelle école publique sera donc théoriquement évaluée. Quelles que soient les décisions prises, il apparaît tout de même un point central, rappelé par Pierre Sans et Christophe Degueurce : l’enseignement vétérinaire ne se limite pas à la formation de praticiens. « L’évolution de la formation initiale vise à rendre les diplômés les plus opérationnels possible au premier jour mais aussi, ne l’oublions pas, à les rendre aptes à s’adapter lors d’un parcours professionnel qui sera moins linéaire que pour les générations précédentes, indique Pierre Sans. Des diplômés capables également d’être moteur face aux évolutions sociétales et aux nouveaux enjeux de la profession. » Christophe Degueurce se pose la question : « C’est quoi la profession ? C’est le métier de vétérinaire praticien ? Car nous formons beaucoup de vétérinaires qui, in fine, ne pratiquent certes pas, mais ne sont pas pour autant des non-vétérinaires. C’est leur formation qui leur permet d’occuper des postes dans de très nombreux secteurs. Le P.-D.G. d’AstraZeneca3 est un alforien. Monique Eloit4 aussi. »

1. Selon les données de l’Atlas démographique, en 2019, près de 83 % des primo-inscrits au tableau de l’Ordre sont de nationalité française, mais seulement 56 % ont suivi une formation en France. Le nombre d’étudiants français qui suivent un cursus à l’étranger a été multiplié par 2,6 en cinq ans.

2. Enquête Phylum.

3. Pascal Soriot, École nationale vétérinaire d’Alfort 1984.

4. Monique Eloit, École nationale vétérinaire d’Alfort 1982, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

TÉMOIGNAGE

JACQUES GUÉRIN

Président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (Cnov)

Les modalités d’exercice sont consommatrices de plus de diplômés

Aux derniers vœux de l’Ordre, Jacques Guérin a signalé qu’il y avait 1 113 primo-inscrits au tableau de l’Ordre au 31 décembre 2020 dont 52 % formés à l’étranger. Selon le rapport Phylum, un « besoin minimum global légèrement supérieur à 1 000 vétérinaires par an a été identifié », pour combler les besoins du secteur privé soins et hors soins, et public. Au vu de toutes ces données, l’enjeu démographique n’est-il pas en voie de résolution ? Jacques Guérin répond : « Je constate effectivement un nombre croissant d’inscriptions au tableau de l’Ordre des vétérinaires tout en constatant que les tensions demeurent en matière de recrutement pour les établissements de soins vétérinaires. Les tensions restent vives dans le domaine des animaux de compagnie, en situation de pouvoir absorber l’ensemble des primo-inscrits. Les tensions se répercutent alors dans le domaine des animaux de production, ainsi que dans les zones rurales, moins attractives. Les modalités d’exercice de la profession de vétérinaire évoluent vers une maîtrise du temps de travail, un champ restreint des compétences exercées, voire une approche du métier par la spécialisation ou les compétences adjacentes au détriment d’une approche généraliste de la médecine et de la chirurgie des animaux. Ces modalités d’exercice sont consommatrices d’un plus grand nombre de diplômes. D’autre part, l’enquête prospective pointait une variable importante de la démographie vétérinaire : la délégation d’actes aux auxiliaires spécialisés vétérinaires pour les soins aux animaux de compagnie. Ce chantier est plus que jamais pertinent et d’actualité. » Par ailleurs, face au constat des 52 % de primo-inscrits diplômés hors de France, il affirme que « l’enjeu est celui de la souveraineté de la France en matière de formation initiale des vétérinaires ».

TÉMOIGNAGE

JEAN-YVES GAUCHOT

Président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF)

Une identification trop tardive des besoins réels en vétérinaires

« Les instances ministérielles ont tardé à comprendre et à analyser la situation, dénoncée pourtant depuis longtemps par les praticiens : pourquoi nos ENV n’arrivaient pas à satisfaire la demande en vétérinaires ruraux de façon à maintenir le maillage territorial attendu dans les zones à faible densité d’élevage. Les ministres de l’Agriculture successifs ont par le passé occulté de leur analyse le fait que les vétérinaires se formaient principalement pour le marché en croissance constante de celui des animaux de compagnie. Nombreuses ont été les alertes lancées par les professionnels vétérinaires, relayés depuis moins longtemps désormais par les éleveurs. L’État a donc découvert trop tardivement la nécessité de réorienter les jeunes diplômés, l’offre du marché étant dominée par l’activité « animaux de compagnie ». Par ailleurs, avec le nombre de jeunes vétérinaires formés à l’étranger augmentant drastiquement chaque année, un effet de seuil est soudain apparu, rendant cela insupportable, voire inacceptable pour le gouvernement français. Il a fallu cesser le déni de réalité et prendre en compte la nécessité de former également en France nos jeunes vétérinaires. Il fallait accepter parallèlement leur choix d’un exercice majoritairement urbain et se tourner vers d’autres solutions pour le problème du maillage vétérinaire territorial. Les échecs autour des enjeux démographiques de la profession et des besoins dans certains territoires n’ont donc rien à voir avec la réussite ou pas des ENV à satisfaire les enjeux de la formation initiale. La faute n’en incombe pas aux ENV mais à l’incurie des politiques et aux responsables agricoles trop longtemps restés sourds à nos alertes. »

TÉMOIGNAGE

ALAIN ROUSSET

Président de la région Nouvelle-Aquitaine

Une formation spécifiquement rurale n’aurait aucun sens

Invité aux derniers vœux de l’Ordre, le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, a réaffirmé son souhait de créer une cinquième école vétérinaire publique à Limoges, une solution plus efficace selon lui qu’une école privée pour attirer des enfants d’agriculteurs et issus du milieu rural. « Nous travaillons d’ores et déjà avec le ministère afin d’accueillir dès la rentrée 2021 la semaine d’intégration des 160 premières années post-bac sur Limoges. Cette première étape me semble indispensable afin d’acculturer, dès leur entrée en école vétérinaire, les étudiants au monde rural, à ses opportunités et à ses attraits multiples, de leur donner envie d’y revenir faire des stages, et potentiellement de s’y installer. Par ailleurs, j’ai pour projet de mettre en place rapidement une cinquième année d’approfondissement à Limoges, avec les ENV volontaires, qui répond aux attentes des vétérinaires de terrain. J’ai constitué un groupe de travail afin de travailler dessus. L’idée est de former par le terrain, sur le terrain et pour le terrain, avec l’appui notamment des praticiens (…) À terme, je souhaite la création d’une cinquième école nationale vétérinaire à Limoges (…) Il nous faut innover et repenser la formation pour y inclure plus de tutorat, plus de praticiens dans les écoles – tels ceux de la Société nationale des groupements technique vétérinaire (SNGTV). Pourquoi ne pas faire venir les animaux dans les écoles ou envoyer les étudiants vers les cabinets vétérinaires en les incluant dans le cursus de formation par exemple ? (…) La formation n’est qu’un aspect du problème qu’il ne sert à rien de régler seul pour lutter contre la désertification rurale. Les vétérinaires en zone rurale, surtout lorsqu’elle est peu dense, ont une activité canine souvent majoritaire. Une formation spécifiquement rurale n’aurait donc aucun sens. L’idée est de former au plus proche du milieu rural, à l’exercice clinique attendu afin que cela corresponde aux besoins des cliniques vétérinaires et aux attentes des éleveurs et propriétaires d’animaux de compagnie. Il nous faut être innovant, penser à l’évolution de l’élevage et donner aux vétérinaires les moyens d’y faire face. ».

Pour accéder à l’intégralité de l’interview : www.bit.ly/3bwGdUO